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Le Président Bah N’Daw: mettre fin à la pagaille

Le Président de la Transition Bah N’DAW, conformément aux engagements pris avec la Communauté internationale par notre pays, a nommé ce dimanche un civil comme Premier ministre de la Transition en la personne de l’Ambassadeur Moctar OUANE. Si le Président de la Transition et le Comité National pour le Salut du Peuple qui exerce l’effectivité du pouvoir d’Etat depuis le renversement d’IBK le 18 août 2020, sont à féliciter pour les progrès accomplis dans le sens de la normalisation, il n’en demeure pas moins par-ci des aspérités, par-là des hiatus dont l’ensemble pourrait ressembler à un capharnaüm, à une belle auberge espagnole dont il faut rapidement s’occuper. Il y a va de notre fierté commune de donner tort à la CEDEAO et à tous les oiseaux de mauvais augure qui pensent que nous n’allons pas nous entendre entre Maliens. Mais pour y parvenir, par-delà la loyauté envers la nation et la République, d’une part, l’impératif d’une exigence de vérité devrait s’imposer à tous et, d’autre part, il faudrait allier compétence, méthode et rigueur au service de la patrie meurtrie du Mali.

 

Charité bien ordonnée commençant par les autres, nous pensons que les plus hautes autorités doivent être plus regardantes dans la prise des actes au nom de la République. Parce que c’est du Mali qu’il s’agit et du changement que tous voudraient voir positif dans notre pays que les décrets doivent désormais être pris avec beaucoup plus de soin et beaucoup plus de rigueur.
Prenons l’exemple du décret de nomination du Premier ministre (Décret 0068/P-T du 27 septembre 2020 portant nomination du Premier ministre). Il y a comme dirait l’autre quelques impérities, disons imperfections qui déroutent.

Numéro curieux
D’abord les numéros du décret (Décret 0068/P-T). Questions : s’agit-il d’une erreur de numérotage commise par le secrétariat général du gouvernement ? L’administration étant une continuité, il serait difficilement concevable que le secrétariat général du gouvernement ait pu faire preuve d’une si coupable légèreté. Et chacun se rappellera que les derniers décrets pris le Président IBK, ceux par lesquels il dissout l’Assemblée nationale et Gouvernement, portaient respectivement les numéros 2020-0345/P-RM et 2020-0346/P-RM. Donc, en aucune façon, il ne s’agit d’une question de continuité de l’Etat. Sinon les décrets du nouveau Président (fut-il de Transition) devraient commencer à partir du numéro du dernier décret pris par l’ancien Président de la République.
Alors question : le Président de la Transition a-t-il effectivement signé 67 décrets entre vendredi et dimanche ? Et qu’est-ce qu’il a signé comme décret ? Et pourquoi ces décrets ne sont pas rendus publics ? Si effectivement entre sa prestation de serment et la nomination du PM, Bah N’DAW, il a pris 67 décrets dictés par l’urgent ou quelque motif que ce soit, la légalité requiert que ces décrets soient rendus publics, car nul ne devant ignorer la loi, celle-ci doit être rendue publique, promulguée au journal officiel.

Visas alarmants
Sacrés putschistes ! A force des régimes déconnectés des réalités et refusent de faire leur mise à jour, ils pensent être autorisés à tout renverser sur leur passage en force. Pardon, à vouloir faire passer un coup d’Etat comme une action salvatrice de sécurisation des institutions et d’acter fondamentalement les choses, on se prend à son propre jeu, à son propre piège. Résultat : c’est un « yabé ».
En visant le décret de nomination du Premier ministre par la Charte de la Transition (qui n’a jusqu’ici pas été officialisée de quelque manière que ce soit à plus forte raison publiée au journal officiel) avant la Constitution, la Transition, à travers la présidence de la République, opère un renversement de l’ordre constitutionnel. Ce dont le Comité national pour la salut du peuple (CNSP) s’est toujours défendu.
On sait d’ailleurs, en tout cas, au regard des décrets qui ont circulé sur les réseaux, que la junte n’avait jamais jusqu’ici visé dans ses décrets de nomination la Charte de la Transition. Alors pourquoi maintenant ? Jusqu’ici le CNSP qui avait toujours ignoré superbement la Constitution dans ses décrets de nominations ne les visait systématiquement que par l’Acte fondamental, etc. Alors pourquoi aujourd’hui brandir une Charte qui n’existe pas ? Quelqu’un quelque part a-t-il voulu, dès l’entame, saloper la Présidence de Bah N’DAW ?
Si tel n’était pas le cas, est-ce à dire que c’est la Charte de Transition qui n’existe nulle part encore comme norme référentielle qui prévaut désormais dans notre pays ? Faudrait-il comprendre que pour les nouvelles autorités point n’est besoin de se référer à la Constitution pour nommer ou relever les gens ?

Prééminence de la Charte
Sollicité pour trancher, la plus haute juridiction de notre pays par son avis N°12-2020 du vendredi 25 septembre 2020 (qui fait le tour des réseaux), estime ‘’qu’il sied de retenir dans les visas, la prééminence de la Charte de la Transition suivie de la Constitution du 25 Février 1992’». La messe est dite au plan formel !
Mais la Cour suprême du Mali a-t-elle tranché la question ? Pas vraiment si l’avis qui circule est bien authentique. Au contraire elle rajoute à la confusion. Car, elle ne nous dit pas comment a-t-elle pu apprécier la Charte de la Transition dont la version officielle n’est pas toujours publiée au journal officiel et disponible au grand public ? Sur la base de quelle version de la Charte de Transition la Cour a-t-elle fondé sa religion pour établir une nouvelle hiérarchie des normes dans notre pays en décrétant que c’est une Charte de Transition que nulle n’a vu nulle part la version officielle qui primerait sur la Constitution ?
En tout cas, on se rappelle le M5-RFP ne l’avait toujours pas à la veille du 25 septembre. Et la CEDEAO avait demandé à la junte de la retoquer tout comme l’Acte fondamental d’ailleurs.
Mais la question reste entière. Dans quel ordre juridique sommes-nous avec une Constitution qui n’est plus la norme suprême de référence et celle qui est la clé de voûte, au-dessus de toutes les autres normes ?
Que les apprentis sorciers en cette matière sectaire qui avaient voulu nous faire croire qu’en faisant démissionner le président et maintenant la Constitution, la junte a voulu inscrire ses actions dans le cadre d’une certaine légalité nous expliquent alors pourquoi on maintient une Constitution votée par référendum (par le peuple souverain du Mali) pour la piétiner ensuite, pardon pour la faire coiffer par une Charte élaborée en catimini et acclamée dans une salle de 1 000 personnes maximum ? C’est vrai qu’avant le CNSP, c’était le M5-RFP avec son Imam à la tête de s’autoproclamer peuple souverain. Et nous avons tous acquiescé ; alors… !
Pour tous ceux qui, sans parti pris personnel encore, croient en la République et en la démocratie, le temps n’est-il pas venu de faire le deuil de l’ordre constitutionnel et républicain ? Après la brèche du vice-président, peut-être qu’à Kati on s’est dit : quand deux verbes se suivent le second se mettant à l’infinitif, donc la Charte de la Transition primera sur l’Acte fondamental, et l’Acte fondamental primera sur la Constitution. A jacta Alea est ! Et la CEDEAO qui vient nous divertir pour dire qu’il faut dissoudre la junte, il faut encadrer le vice-président GOITA pour qu’il ne prenne pas exemple sur SANOGO, qu’il faut restaurer l’ordre constitutionnel… Game is over !

Silence complice des grands républicains
La qualité du décret de nomination du Premier ministre Moctar OUANE devrait interpeller du fait qu’il viole la Constitution reléguée désormais au rang machin à problème. Une Constitution qui semble, depuis le coup d’État, mise entre parenthèses dans le silence complice de ces grands républicains qui avaient juré de défendre et de protéger la Constitution au prix de leur vie, en vérité de leur crise d’estomac !
Pariant sur la probité du nouveau locataire de Koulouba, nous optons pour un dysfonctionnement systémique à corriger rapidement. En effet, le Président Bah N’DAW gagnerait très rapidement à nettoyer les écuries d’Augias pour mettre fin à la chienlit et à la pagaille qui règnent à la présidence et au secrétariat général du gouvernement. Comme l’a relevé l’éminent avocat, ancien Garde des Sceaux Me Mamadou Ismaïla KONATE : ‘’la Transition doit relever le Mali en le sortant de la confusion vers la clarté, la normalité de l’État. La fin de l’embargo CEDEAO passe par la fin de la superposition des textes dans l’État et la mort du CNSP pour éviter de surplomber toute autorité légale’’.
Affaire à suivre

PAR BERTIN DAKOUO

Source : INFO-MATIN

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