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Le Niger harmonise ses relations avec l’Algérie et le Nigeria : Fissure à l’AES ou Real Politik ?

Les trois pays composant l’Alliance des Etats du Sahel, l’AES, à savoir le Mali, le Burkina Faso et le Niger,  ont plié  armes et bagages à la CEDEAO, et le Mali  n’est pas en  odeur de sainteté avec sa grande voisine algérienne. Le Niger pour sortir de l’isolement diplomatique  cherche à harmoniser ses relations avec ses voisins avec lesquels il partage des intérêts géostratégiques et économiques forts en l’occurrence l’Algérie et le Nigéria. Ces deux grands voisins, au-delà des contingences politiques et des brouilles consécutives à la rupture constitutionnelle,  entendent renforcer leur coopération dans beaucoup de domaines avec le Niger. Cette initiative solitaire prise par le Niger pourrait-elle être considérée comme une trahison envers les deux autres pays de l’AES qui sont en brouille diplomatique avec l’Algérie et le Nigeria ? Fissure au sein de l’AES ou c’est la  Realpolitik qui a guidé  le  Général Abdouramane Tiani, ce véritable rat de palais ? L’avenir de l’AES est -il en train d’être sacrifié sur l’autel des intérêts divergents des Etats?

Alors que le Mali et le Burkina Faso durcissent le ton contre les Etats de la CEDEAO et bombent militairement les muscles contre l’Algérie, le troisième Etat de l’AES qui est le Niger cherche plutôt à harmoniser ses relations avec ses voisins. Après le Benin il y a peu de temps, c’est autour du Nigeria et de l’Algérie que le Général Tiani cherche à se rapprocher. Le Premier ministre nigérien Mahamane Lamine Zéine à la tête d’une forte délégation ministérielle s’est rendu à Alger pour remettre au Président algérien une lettre du Président du Conseil militaire du Niger, Abdouramane Tiani. Les deux pays ont réaffirmé leur volonté de renforcer la coopération dans tous les domaines. Les deux parties ont salué l’excellente relation de bon voisinage et se sont engagé à œuvrer ensemble dans l’intérêt supérieur de deux pays.  Malgré l’exécrable relation entre l’Algérie et deux de trois  Etats de l’AES, il est très normal, au nom de la realpolitik, que le Niger harmonise ses relations avec l’Algérie. Mais ce qui pourrait paraitre comme de la trahison pour les autorités de deux Etats de l’AES, à savoir le Mali et le Burkina Faso, de la part du Niger, c’est sa coopération avec le Nigéria. Ce pays est considéré comme un grand ennemi de l’AES. Locomotive de la CEDEAO, le Nigeria passe pour être l’instigateur des sanctions contre les pays où la rupture constitutionnelle a pignon sur rue. Le retrait des trois pays de la CEDEAO  avec effet immédiat est l’une des conséquences  de ces sanctions que les trois Etats ont d’ailleurs qualifié d’illégitimes, illégales et inhumaines. Le Niger du Général Tiani semble briser le mur d’isolement en reprenant sa coopération militaire avec son autre grand voisin qu’est le Nigeria pour lutter contre l’insécurité dans la région. En tout cas à en juger par cette rencontre entre les deux chefs d’Etat-major des armées nigérienne et nigériane et surtout de la ferme volonté pour les deux armées à lutter contre le terrorisme, on est en droit d’affirmer qu’il y a dégel des relations entre les deux pays.

Cette initiative solitaire prise par le Niger pourrait-elle être considérée comme une trahison envers les deux autres pays de l’AES qui sont en brouille diplomatique avec l’Algérie et le Nigeria ?

Nombreux sont les observateurs de la scène politique à s’interroger aujourd’hui sur l’avenir de l’AES, tant les intérêts sont divergents et l’organisation peine à apporter des solutions idoines aux préoccupations majeures qui ont motivé sa création. Le Général Tiani, ce véritable rat de Palais présidentiel et qui savait avant même son avènement au pouvoir comment un Etat fonctionne, semble avoir une lecture totalement différente des relations diplomatiques, que ses pairs de l’AES, c’est pourquoi il refuse certaines compromissions et n’hésite plus à prendre des initiatives pour décrisper ses relations avec ses voisins. S’il a accepté de rompre les relations diplomatiques entre son pays et l’Ukraine, il a refusé d’envoyer des troupes au Mali pour combattre aux côtés de l’armée malienne à la frontière avec l’Algérie. Le Général Tiani a même négocié avec les terroristes pour un échange de prisonniers. En fin homme d’Etat il harmonise ses relations avec ses voisins béninois, nigérians et algériens. Son initiative qui pourrait être qualifiée par ses pairs de l’AES de solitaire, ne saurait être une trahison, elle est au contraire la preuve qu’aucun Etat ne peut vivre en autarcie.

Fissure au sein de l’AES ou c’est la Realpolitik qui a guidé le Général Abdouramane Tiani, ce véritable rat de palais ?

Probablement les deux, car depuis un certain temps il n y a pas d’unanimité sur les décisions à prendre et la cohésion qui aurait dû être le maitre mot au sein de l’AES est mise à rude épreuve. Pour rappel jusqu’à nos jours le Burkina Faso n’a pas rompu ses relations diplomatiques avec l’Ukraine et le Niger n’a pas jugé opportun d’envoyer des troupes au Mali pour combattre les rebelles du CSP DPA, considérés comme des terroristes par Bamako. Le Niger, en harmonisant ses relations avec l’Algérie et le Nigeria, a été, à coup sûr, guidé par le réalisme politique et semble mettre en avant les intérêts du peuple nigérien. Il revient aux deux Etats de l’AES, à savoir le Mali et le Burkina Faso, de se rendre à l’évidence qu’aucun pays ne peut vivre en autarcie et qu’il est indispensable de s’entendre avec ses voisins. Il est un impératif absolu pour le Mali d’harmoniser ses relations avec l’Algérie comme il devra en être de même pour le Burkina Faso avec la Côte d’Ivoire. Le Général Abdouramane Tiani, pour avoir longtemps séjourné au Palais présidentiel comme garde rapproché de deux Présidents, Mahamadou Issoufou et Mohamed Bazoum a, semble-t-il, tiré beaucoup de leçons de la gestion d’un Etat. Donc il a été beaucoup plus guidé par la Realpolitik et par les intérêts supérieurs de son pays que toute autre considération.

L’avenir de l’AES est –il en train d’être sacrifié sur l’autel des intérêts divergents des Etats?

Il y a lieu de se poser cette question cruciale eu égard aux divergences de vue sur les grandes questions et au choc des intérêts des pays. Tous les observateurs de la scène politique s’accordent à dire que l’avenir de l’AES est fortement hypothéqué car cette structure mise en place dans la précipitation et sous le coup de l’émotion et de la passion,  sans un réel fondement idéologique ne saurait résister aux adversités de ses opposants, au choc des intérêts qui sont de plus en plus divergents. Le faussé commence à s’élargir entre les Etats de l’AES,  au point qu’il serait difficile de surmonter les multiples  obstacles qui se dresseront devant eux. En effet, l’AES est composée de trois Etats sans littoral, donc sahéliens et enclavés et dont l’économie est fortement tributaire des produits d’importation, ce qui signifie donc qu’ils ont plus besoin des autres que les autres n’auront besoin d’eux. En somme pour que l’AES puisse résister encore, elle doit changer de fusil d’épaule et se montrer très flexible sur certaines questions sensibles. C’est seulement à ce prix qu’elle pourra survivre.

En définitive, Les deux jeunes Présidents, à savoir le Colonel Assimi Goita et le Capitaine Ibrahim Traoré doivent s’inspirer de l’exemple du Général Abdouramane Tiani, pour harmoniser à leur tour, leur coopération et  les relations de bon voisinage avec tous les pays qui partagent de frontières avec leurs pays, le Mali et le Burkina Faso.

Youssouf Sissoko            

L’Alternance

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