Sous la pression des événements, le Mouvement du 5 juin-Rassemblement des forces patriotiques a pris la forme d’un piège dont Mahmoud Dicko, Mme Sy Kadiatou Sow, Choguel Kokala Maïga sont déjà en partie prisonniers. Issa Kaou Djim fait cavalier seul.
Le Mouvement du 5 juin –Rassemblement des forces patriotiques risque d’être gravement affaibli dans son action par un des grands handicaps de sa position : la très faible aptitude de nombre de ses responsables à changer une orientation politique lorsque celle-ci n’est plus adoptée à l’évolution de l’opinion publique collée majoritairement à une transition militaro-civile. Attachée à l’écume des jours, elle met en avant les échecs cuisants d’une transition civile précédente conduite par Dioncounda Traoré, des sept années du régime civil d’Ibrahim Boubacar Keïta à la tête du Mali. Pour tout dire une crise de confiance s’est installée entre la classe politique et les populations, au point que ces dernières ont battu le haut du pavé à l’appel d’un imam parce qu’il incarne la vertu.
L’hostilité se manifeste au grand jour lorsqu’à la suite de quelques imprudences verbales de ses dirigeants, le M5 prêtait au Conseil national pour le salut public (CNSP) des velléités de « confiscation de la transition » et s’opposait vigoureusement à la charte de la transition proposée et adoptée par acclamation samedi par les délégués aux concertations nationales.
Flagrantes contradictions
Tout est gâché par un climat de servilité apeurée à l’égard de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’ouest (CEDEAO) qui a décidé un embargo sur les flux financiers avec le Mali. La ligne initiale tracée était de ne pas céder au chantage de l’institution sous-régionale. En guise de rappel, le 29 juillet dernier, au cours d’une conférence de presse, l’imam Mahmoud Dicko se fendait de propos du style « c’est un moment historique dans la vie de notre pays. Ceux qui croient que les décisions de la CEDEAO vont nous dévier de notre objectif se trompent. » Le Mouvement s’était, déjà des jours auparavant, enfermé à double tour dans son refus catégorique d’obtempérer en insinuant que « les menaces de sanctions ne l’ébranlent guère dans son combat contre la mauvaise gouvernance, la non gouvernance. »
Désormais la fin de l’idylle a sonné. A en juger par sa récente sortie médiatique où il se barricade derrière les sanctions pour appeler à une transition civile étalée sur douze mois.
Aussi, le M5 s’était gardé d’assimiler le geste des militaires à un coup d’Etat, préférant le vocable « parachèvement » de la contestation. Eh bien ! Il franchit le rubicond d’autant plus que Mme Sy Kadiatou Sow qualifie la charte de transition « de second coup d’Etat »
En fait sous la pression des événements, le Mouvement du 5 juin-Rassemblement des forces patriotiques a pris la forme d’un piège dont Mahmoud Dicko, Mme Sy Kadiatou Sow , Choguel Kokala Maïga sont déjà en partie prisonniers. Le Conseil national des organisations de la société civile (CNOSC), l’ex-mouvance présidentielle parachèvent le mécanisme de la trappe dans laquelle l’autoproclamé partenaire stratégique du CNSP avait commencé de se glisser. Après un premier couac avec les militaires au pouvoir consécutif à l’organisation des discussions sur la transition, ces derniers avaient repoussé la rencontre avec les partis politiques, organisations de la société civile, les groupes armés, et organisé discrètement une entrevue avec le M5. Cette coalition hétéroclite, qui entendait peser de tout son poids dans le processus de transition, avait mal vécu de n’avoir pas été convié en tant qu’entité.
Plus grande marge de liberté
Il apparaît clairement que pour établir les conditions d’une transition de refondation de l’Etat, le CNSP veut disposer de la plus grande marge possible de liberté vis-à-vis des chapelles politiques. Les opposants au défunt régime sont dans une large proportion considérés comme les syndics de la faillite d’hier, à mettre dans le même panier que l’ex-mouvance présidentielle. Il juge donc nécessaire d’éliminer par avance le risque de surenchère politique. La suite des événements s’est chargée en effet de prouver que le CNSP a bel et bien remporté la première manche. Exploitant le succès acquis au niveau national, le président Assimi Goïta et Modibo Koné ont répondu hier à l’invitation du nouveau président en exercice de la CEDEAO, le numéro un ghanéen Nana Akouffo Ado qui a convoqué un mini sommet extraordinaire consacrée à la situation au Mali.
En somme, le M5 est dans un cul de sac. Il se doit de jouer un jeu flexible, pragmatique pour défendre une posture en phase avec le plus grand nombre que le décrochage régulier de flèches empoisonnées contre les militaires, mortelles pour lui-même. Il n’est pas évident aujourd’hui qu’il conserve ses capacités de mobilisation d’avant la chute du régime d’IBK. Les enseignants qui constituaient jusque-là une frange non négligeable dans le combat anti-IBK ont repris les cours suite à un accord conclu avec les nouvelles autorités. Et pour ne rien arranger les premières divergences apparaissent dans ses rangs. Issa Kaou Djim, chef de file de la Coordination des mouvements et associations de soutien au Mahmoud Dicko (CMAS), ne souffle plus dans la même trompette que le Comité stratégique du M5. Sans ambages, il a signifié son adhésion à la charte et à la feuille de route de la transition.
La charte fixe la durée de la transition à 18 mois, avec trois organes : le président, vice-président et le Conseil national de transition (CNT) fort de 121 membres issus des partis politiques, des confessions religieuses, des Maliens de l’extérieur, des forces de défense et de sécurité notamment. Les missions assignées ont trait au renforcement de la sécurité sur l’ensemble du territoire national, à la promotion de la bonne gouvernance, au lancement du chantier de réformes politiques et institutionnelles, à l’adoption d’un pacte de stabilité sociale et à l’organisation d’élections générales.
Georges François Traoré
Source: L’Informateur