Pensant rééditer la grande mobilisation du 14 janvier 2022, quand la CEDEAO a imposé des sanctions sur le Mali, les autorités de la transition avaient invité le peuple malien, le jeudi 1er février 2024, à sortir massivement, sur toute l’étendue du territoire et même au sein de la diaspora, pour soutenir la décision du retrait annoncé du Mali, du Burkina Faso et du Niger de la Communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest, CEDEAO.
A l’heure du bilan les fruits n’ont pas tenu la promesse des fleurs, car le peuple semble dire non à cette décision en boudant le meeting. A quoi devrait-on attribuer le manque de mobilisation ? Il n y a-t-il pas une certaine lassitude, voire une grande frustration de la part du peuple qui broie aujourd’hui du noir ? Le Président de la transition va-t-il tirer tous les enseignements de cette cinglante raclée ?
Le régime de transition au Mali traverse l’un des moments les plus cauchemardesques depuis la rectification qui a permis au Colonel Assimi Goita de prendre les rênes du pouvoir. Il semble non seulement perdre son aura, mais aussi et surtout sa popularité auprès du peuple qui l’a pourtant adoubé d’un soutien sans faille. Du 14 janvier 2022, jour historique de mobilisation du peuple malien au-dedans comme au dehors pour dire non aux sanctions de la CEDEAO, au 1er février 2024 beaucoup d’eau semble couler sous le pont Joliba, car le peuple a envoyé un message clair aux dirigeants, celui de la colère et de la frustration face à la grave détérioration de ses conditions de vie. Comment peut-on demander à un peuple qui a faim de se mobiliser pour soutenir une autre décision alors que les premières qu’il a soutenues ne lui ont pas été bénéfiques. Aujourd’hui la résilience cède progressivement la place à la colère noire, à la révolte et à l’incompréhension, car nombreux sont les citoyens qui n’ont même pas le minimum vital. La vie devient de l’enfer pour le bas peuple et pourtant les fervents soutiens des autorités sont à cette échelle.
A quoi devrait-on attribuer le manque de mobilisation ?
A l’inopportunité de la décision, à la colère noire ou tout simplement à la frustration de ne pas voir, près de quatre ans après l’avènement de la transition, un début de solution à la crise sociale. La situation va de mal en pire et aucun signe d’une certaine amélioration n’est perceptible aujourd’hui. Comment peut-on inviter un peuple affamé et désespéré à aller applaudir une décision dont il n’est, non seulement pas, associé en amont, mais aussi et surtout ne sait pas ses tenants et ses aboutissants ? Le peuple vient d’adresser un message fort et sans ambiguïté aux autorités de la transition, celui de voir mettre un terme à la transition afin que le pays puisse retrouver sa normalité constitutionnelle. L’on ne saurait s’éterniser dans une période exceptionnelle au grand dam du peuple. Il revient au Président de la transition de tirer tous les enseignements de cette raclée pour poser les actes qui conviennent, ceux qui concourent à l’organisation d’élections pour une sortie heureuse de cette transition, car plus ça dure plus ça devient dur.
Il n y a-t-il pas une certaine lassitude, voire une grande frustration de la part du peuple qui broie aujourd’hui du noir ?
Ce boycott qui ne dit pas son nom est le signe évident d’une certaine lassitude du peuple qui ne sait plus à quel saint se vouer. Il peine aujourd’hui à joindre les deux bouts du mois tant la crise économico-financière frappe, de la manière la plus inattendue et la plus violente à sa porte. La crise énergétique sans précédent a fini par tuer tout espoir d’une vie meilleure. Le secteur industriel comme celui de l’informel meurent à petit feu faute de courant. Bref l’économie est totalement à l’arrêt, si malgré cette traversée du désert, les autorités, au lieu de se battre pour donner du pain et de l’eau au peuple, sont plutôt dans le combat pour préserver leur chapelle. Le peuple a tout compris c’est pourquoi il a dit non à ce meeting.
Le Président de la transition va-t-il tirer tous les enseignements de cette cinglante raclée ?
Après avoir écrit l’une des pages les plus glorieuses de notre histoire récente, le Président de la transition, le Colonel Assimi Goita doit également chercher à y sortir de la plus belle des manières, par la grande porte. Pour ce faire il doit très vite mettre fin à la transition en organisant des élections. Qu’il soit candidat ou pas, il a tout à gagner en sortant de cet imbroglio sociopolitique voire sécuritaire qui a pignon sur rue au Mali. Tout autre discours serait démagogique, populiste et contreproductif et éloignerait le peuple de son objectif. Il est temps pour lui de tirer toutes les leçons de cette raclée pour commencer à poser les jalons d’une sortie honorable par la grande porte de l’histoire du Mali. Qu’il soit convaincu d’une chose il n’y aura pas d’amélioration de la situation sociopolitique tant qu’on va continuer à maintenir le pays dans ce statu quo ante.
En somme, le Président de la transition doit faire sien cet adage selon lequel le plutôt serait le mieux, avant que le réveil ne soit brutal. Aucun malien n’a intérêt aujourd’hui à ce que la transition s’effondre, car une autre situation désastreuse sera catastrophique pour le pays, Que Dieu nous en préserve. Donc il lui revient de parer au plus pressé pour atténuer la souffrance du peuple.
Youssouf Sissoko
L’Alternance