Un grand monument de la presse malienne vient de tirer sa révérence. Mamadou Lamine Doumbia, alias MLD, s’est endormi la plume à la main, très tôt hier mardi 27 janvier 2015, aux alentours de cinq heures. Notre père, le grand frère, l’ami, le confrère de la plupart des journalistes maliens et africains a terminé sa course ici-bas. Comme l’apôtre Paul, il peut dire à bon droit : »J’ai combattu le bon combat, j’ai achevé la course, j’ai gardé la foi ! « . La foi en la plume, en la liberté de la presse !
MLD a mené le combat pour l’avènement de la démocratie à travers ses rubriques dont la plus célèbre est » La roue libre « . Dans un style propre à lui et d’une densité historique et culturelle rarement égalée, le doyen, comme nous l’aimons l’appeler, a marqué le parcours de la presse malienne.
Après avoir brillamment fait le CESTI de Dakar avec des noms comme Saouti Labass Haïdara, notre Directeur de publication, Mamadou Lamine Doumbia a marqué de son empreinte L’Essor, le quotidien national, puis Le Républicain avant de connaître toute sa gloire au Quotidien L’Indépendant.
Sa plume est acerbe et fait sentir son sens de l’humour avec des références régulières à des auteurs et philosophes de l’antiquité greco-romaine et de la littérature française. Toute chose qui donne à ses papiers une saveur particulière, une teneur nourrissante pour le cerveau du lecteur. C’est donc un grand baobab du quatrième pouvoir malien qui s’est écroulé hier, laissant derrière lui une famille, des proches et des collaborateurs inconsolables. Dors en paix, Doyen et que ton âme repose en paix !
La Rédaction
Décédé hier à la suite d’une longue maladie
Mamadou Lamine Doumbia (MLD) repose désormais au cimetière de Sébénikoro
amadou Lamine Doumbia, journaliste, éditorialiste et rédacteur en chef au Journal L’Indépendant est décédé, mardi matin, suite à une longue maladie. Il a été inhumé vers 16 heures au cimetière de Sébénikoro. Le personnel du groupe SOMAPRESSE avec son directeur, Saouti Labass Haïdara en tête et plusieurs autres responsables et journalistes de la presse malienne ont accompagné, hier, à sa dernière demeure, leur défunt confrère.
Parmi la foule, on notait la présence de N’Diaye Bâ, ancien ministre et ami du défunt, le représentant du ministre de la Communication, le président de la Maison de la Presse et directeur de publication du journal L’Indicateur du Renouveau, Dramane Aliou Koné, Birama Fall, président de l’ASSEP et directeur du bihebdomadaire Le Prétoire, Alexis Kalambry, président du Groupement Patronal de la Presse et directeur du journal Les Echos. On notait également la présence de plusieurs directeurs de publication comme Adama Dramé du journal Le Sphinx, Ibrahima Coulibaly de la Nouvelle Tribune, Mamadou Diarra de Maliweb, Boukary Daou du Républicain, Siaka Doumbia du journal Le Challenger, des anciens collaborateurs de L’Indépendant comme Amadou Bamba Niang, Zao Ahmed Baba, Moulaye Diarra, Diakaridia Yossi et Soumaïla Guindo. Plusieurs autres journalistes de la presse malienne comme Casimir Sangala,ancien conseiller à la Communication à la primature, le doyen Djibril M’Bodge, de l’ORTM, Mahamadou Doumbia de l’ORTM, parent du défunt ont tenu à être présents pour témoigner l’affection et l’estime qu’ils avaient pour celui qu’on n’appelait plus que par le sigle « MLD « .
Après les obsèques, plusieurs confrères ont rendu hommage au défunt. Quelques témoignages ci-dessous.
M.S
Témoignages
Dramane Aliou koné, président de la Maison de la Presse
«MLD est un journaliste qui m’a séduit à travers son talent»
» Personnellement, MLD est un journaliste qui m’a séduit à travers son talent, sa maîtrise de son travail. MLD est un homme modeste et disponible, qui est toujours à l’écoute des autres. Il a eu à m’aider quand je préparais mon DEA. Face à son talent, son esprit cultivé, je pense que les funérailles n’ont pas été à la hauteur de l’homme. Je souhaite que les journalistes qu’il a formés à «L’Indépendant» continuent à perpétuer son oeuvre»
Birama Fall, président de l’Assep :
» MLD faisait la fierté de la presse malienne «
» Je suis très peiné par la disparition de mon grand frère et confrère, Mamadou Lamine Doumbia. Il était une source d’inspiration pour la jeune génération. C’est un grand professionnel, l’un des plus grands de son pays. Son humanisme, son éducation font que personne ne peut lui reprocher quelque chose. On peut l’aimer ou ne pas l’aimer, il reste un grand professionnel.
Je présente mes condoléances à L’Indépendant, à sa famille éplorée et toute la presse malienne. J’exhorte la jeune génération de prendre l’exemple sur MLD. Il faisait la fierté de la presse malienne.
Aujourd’hui, force est de reconnaître que c’est une perte considérable pour nous qui avons initié une reforme pour remettre la presse malienne sur les rails et MLD est l’un de nos exemples. Nous allons veiller à ce que l’exemple qu’il nous a légué soit perpétué. Dieu l’a voulu ainsi, nous prions pour le repos de son âme. Dors en paix MLD ».
N’Diaye Bâ, ancien ministre
» MLD, l’un des meilleurs de sa génération et de sa corporation «
» Moi, j’ai connu MLD au Lycée, c’est un ami, un camarade de promotion. C’est un homme qui a toujours aimé écrire. On était dans le même dortoir. Il aimait écrire les poèmes et lire le Général De Gaulle. C’est un excellent journaliste. Il est l’un des meilleurs de sa génération et de sa corporation. Une plume d’une rare densité qui laisse d’abord les journalistes de L’Indépendant orphelins et tous ses lecteurs. Je garderais de MLD un éditorialiste avec des articles cinglants qui laissent toujours les lecteurs dans la réflexion. Je prie Dieu de l’accueillir dans son paradis. Que son âme repose en paix « .
Amadou Bamba Niang, journaliste consultant
» La disparition de MLD constitue une grande perte pour le milieu journalistique «
« La roue, bien que libre, s’est arrêtée. La disparition de MLD constitue une grande perte pour le milieu journalistique malien. MLD est une espèce rare qui disparait. On aurait souhaité qu’il reste encore longtemps parmi nous parceque c’est un exemple professionnel pour la jeunesse. A lire MLD, c’est un baume au cœur par ce que quand règne la médiocrité un peu partout et quant tu vois que cette race de journaliste qui s’exprime, c’est un plaisir et ça motive pour être journaliste. En dehors de l’aspect professionnel, MLD est un homme qui n’a pas de problème et qui est jovial. Quand il était quelque part, on n’arrêtait pas de rire tellement il savait utiliser les bons mots pour les placer. C’est pourquoi je suis là pour l’accompagner à sa dernière demeure « .
Alphonse Traoré, professeur
» Je retiens de l’homme sa modestie, son sens de l’écoute»
» J’ai connu MLD, je l’ai côtoyé chez nous à Djicoroni. Je retiens de l’homme sa modestie, son sens d’écoute et sa disponibilité envers les autres. Calme et sérieux. Je pense que sa mort constitue une grande perte pour la presse tout entière».
Alexis Kalambry, directeur du journal » Les Echos » :
« J’espère qu’on trouvera le temps et l’occasion de lui rendre l’hommage qu’il mérite»
» Je connais bien MLD, c’est un journaliste pas très bavard mais très cultivé avec qui on apprend toujours en échangeant. Sa disparition est une grande perte pour la presse et les jeunes journalistes. J’espère qu’on va perpétuer son image, sa mémoire à travers la Maison de la presse pour servir d’exemple à la jeune génération dans la mesure où les organisations de la presse sont représentées ici. J’espère qu’on trouvera le temps et l’occasion de lui rendre un hommage qu’il mérite « .
Diakaridia Yossi, ancien collaborateur de «L’Indépendant»
» On peut succéder à MLD, mais on ne peut pas le remplacer «
» C’est l’occasion où jamais pour la jeune génération de reprendre le flambeau. Même si l’on peut succéder à MLD, je suis conscient qu’on ne peut pas le remplacer. Il faut qu’on prenne l’exemple sur MLD parce que MLD est un journaliste au sens professionnel du terme. Il est immensément cultivé et rigoureux. Il donnait goût à l’écriture et à la lecture. Il restera une référence pour nous autres à jamais qui ont eu l’occasion de travailler avec lui ».
Djibril M’Bodge, Journaliste
«MLD est un historien tout court»
«Si l’on admet que le journaliste est l’historien du présent, MLD est un historien tout court. Tant ses connaissances en histoire ancienne et contemporaine sont immenses.
Il est aussi un intellectuel doté d’une grande culture générale. Il avait son franc parler et maniait parfaitement la langue de Descartes tout autant que le Bamankan.
MLD, c’est le journaliste qui ne connait pas l’autocensure, car il était à cheval sur ses convictions. La presse malienne a perdu un grand professionnel».
Houday Ag Mohamed
«Une perte immense et une profonde tristesse»
Mohamed Lamine DOUMBIA, plus connu sous ses initiales MLD, et sous lesquelles il signait ses papiers que ses lecteurs ne manquaient de lire et relire parce qu’il en impose par la densité et l’élégance du style. Mohamed Lamine DOUMBIA, faut-il le rappeler, est l’archétype même de la fidélité -denrée rare de nos jours- et c’est le seul vrai compagnon qui a su prendre l’air avec beaucoup d’assiduité sous l’ombre du grand baobab, le maestro Saouti HAIDARA.
Les deux amis travaillèrent ensemble au » REPUBLICAIN » de 1992 à 1995, y firent des pas de géant avant de le quitter pour créer le célébrissime hebdomadaire « L’Indépendant « , leur bébé commun. Moulus et formés à la grande école de journalisme pur et dur qui ne s’accommode point de médiocrité, les deux journalistes se relayent très souvent pour signer des éditos ou traiter des sujets brûlants qui exigent une parfaite maîtrise de la langue de Molière et un respect scrupuleux des normes et style journalistiques classiques.
La presse privée malienne était à ses débuts à l’époque et les ‘‘produits » des deux confrères faisaient fantasmer les jeunes journalistes qui apprirent sur le tas, et nous étions de ceux-là. J’appelais souvent MLD le » Mercenaire Chinois » et il me répondait par un sourire espiègle. En cet homme tout est fascination, tout est simplification, tout est grandeur. Il m’arrivait dans bien des cas, d’avoir ce qu’on appelle dans le jargon journalistique, le » syndrome de la page blanche » face à certains sujets d’actualité qui nécessitent des recherches pointues et des sérieux recoupements loin de toute complaisance et je faisais fatalement recours aux services de mon mentor et grand frère MLD. Face aux épreuves, il ne reculait pas et se sentait parfaitement à l’aise tant dans ses pensées philosophiques que dans son intime perception de la vie tout court.
Le plus intéressant pour moi chez cet homme discret, efficace et effacé, c’est sa manière propre de rédiger ses papiers. Il passe souvent une heure de temps pour »accoucher » d’une demi page manuscrite. Il lui arrive même de faire semblant de se détacher du sujet en le simplifiant et s’intéresser à d’autres banalités qui ne manquent pas de transparaitre dans un esprit fertile. A l’évidence, son produit est de l’or à l’état pur et ses analyses sont des plus fouillées.
MLD ne se répand jamais rageusement et gratuitement sur les autres parce qu’il estime que cette manière de faire est l’arme des faibles. Sûr de sa force, il ne se banalise pas et reste fidèle à une ligne rédactionnelle qui ne fait ni les éloges, ni les pamphlets. Souvent, il se fait porte- étendard des faibles et sans voix-sans pour autant s’attirer le courroux des puissants à l’affût des glissades et des glissements des faibles.
Aujourd’hui » L’Indépendant « perd non seulement un père mais aussi l’une de ses plus belles plumes. Il nous laisse, Saouti en première ligne, sans-voix, devant une mort soudaine. MLD a vécu sur cette terre des hommes sans offenser et sans se compromettre. Il a su bien tirer leçon d’une vie où tout est finitude avec grandeur et sans emphase. Dans un pays où seuls les vocaux sont écoutés, il est grand temps de rendre hommage à ceux qui apportent un plus par leur talent et leur patriotisme sans bruit, ni folklore. Dors en paix le maestro.
Houday Ag MOHAMED,
Direction Régionale du Travail BAMAKO
Hommage de Me Mamadou Gakou à MLD
MLD excelle à exprimer sous sa plume les tourments éternels et les sensations fugitives d’un Mali qu’affinent le recueillement ou la douleur du peuple et le silence triste des éprouvés.
Pétris de passion et tout en raccourcis saisissants, ses articles se présentent comme des témoignages sur notre temps, sa générosité, sa solidarité et son gémissement sans fin.
Sans avoir fait ses humanités comme il me l’a confié à ma grande surprise,
son style est excessivement châtié, plein de formes inusitées, de métaphores recherchées, mais il a une allure personnelle certaine et, parfois même, une réelle vigueur.
C’est d’ailleurs la propension de ce grand journaliste à la spontanéité du langage savoureux qui confère à ses éditoriaux une indéniable unité deton.Il cède à la logique des faits comme il cédera à la force inéluctable de la Révolution en marche.Il y a aussi, disons-le tout net, son opportunisme impassible.
Il nous restitue pleinement non sans ironie les mœurs du landernau politique et les failles des systèmes, le tout relevant d’une inspiration vraiment géniale.
Mais que l’on ne s’y trompe pas : sous ses dehors nonchalants, ce journaliste est avant tout l’âme d’un travail opiniâtre
Maître MAMADOU GAKOU
Avocat à la Cour
Source: L’Indépendant