Le Directeur général des Impôts du Mali, Mathias Konaté, était l’un des animateurs du débat public média : « au cœur du PREM : mobilisation des recettes ». C’est ce cadre réputé pour ses compétences professionnelles et sa loyauté qui a édifié l’assistance tout ouïe sur les principales mesures d’élargissement de l’assiette fiscale initiées ou envisagées par le gouvernement dans le cadre de la réforme en cours au niveau des finances publiques.
La fiscalisation des secteurs agricole et informel constitue l’une des mesures principales envisagées pour élargir l’assiette fiscale, a révélé le Directeur général des impôts : « Eu égard au développement de l’agriculture moderne et des fermes péri-urbaines, notamment, il y a lieu de procéder à l’effectivité de la fiscalisation du secteur agricole, la législation ayant prévu les dispositions qui encadrent l’imposition des bénéfices agricoles ».
A en croire, Mathias Konaté, une étude a déjà été réalisée dans ce sens, dont les recommandations permettront de contribuer à l’amélioration des ressources de l’Etat. Les revenus tirés des secteurs agricoles sont imposables. Reste que dans les faits, l’imposition n’est pas assurée parce qu’aucun Arrêté n’est élaboré à ce jour pour déterminer les critères distinguant une agriculture moderne de celle de subsistance. La taxation va concerner les fermes modernes et ne touchera pas à l’agriculture de subsistance.
C’est d’ailleurs en raison de la sensibilité du sujet que les textes, qui étaient parvenus jusqu’au niveau du Conseil des ministres, ont dû être retirés in extremis du circuit d’approbation pour plus de concertation, a reconnu le premier responsable de l’administration des impôts.
‘’Concurrence asymétrique de ceux qui ne paient pas d’impôts à ceux qui supportent les charges fiscales’’
S’agissant de la fiscalisation de l’informel, il a souligné que malgré son fort potentiel, ce secteur contribue très faiblement aux ressources de l’Etat : ‘’Si le secteur informel permet de résorber en partie le chômage, il n’en demeure pas moins qu’il constitue une menace pour le secteur formel. Des pans entiers de l’économie formelle s’effondrent à cause de la prolifération des activités informelles. En effet, la concurrence asymétrique que mènent ceux qui ne paient pas d’impôts à ceux qui supportent des charges fiscales peut entrainer la fermeture de ces derniers. Il en résulte une forte pression fiscale sur les entreprises structurées qui subissent ‘’, a laissé entendre Mathias Konaté. Selon lui, un focus a été mis sur l’orpaillage traditionnel. ‘’Les revenus du secteur informel échappent à toute imposition’’ a-t-il regretté.
Pour promouvoir l’emploi salarié et formaliser l’économie, Mathias Konaté a éclairé la lanterne de l’assistance sur les motivations de la suppression, depuis janvier 2019, de la Taxe de Formation Professionnelle et de la Taxe Emploi Jeune. ‘’L’objectif visé par cette mesure est d’encourager la formalisation de l’économie et en conséquence l’élargissement de l’assiette fiscale’’, a-t-il martelé.
Il a insisté sur la modification du Code des investissements pour porter le seuil d’agrément des projets de 12 500 000 à 100 000 000 FCFA. ‘’Cette mesure s’inscrit d’une part, dans une dynamique de promotion des investissements plus importants et, d’autre part, dans une démarche de rationalisation des exonérations fiscales et douanières’’, a-t-il affirmé.
Dans le cadre de la relecture du Code minier, d’importantes mesures sont envisagées pour rationaliser les exonérations, a fait savoir M. Konaté. Il s’agit, entre autres : de réduire la période de stabilité fiscale de 30 à 15 ans en phase avec la durée moyenne d’exploitation des gisements ; de garantir la stabilité fiscale et douanière au titulaire de titres miniers ; de lutter contre la sous-capitalisation ; d’introduire le principe de la comptabilité séparée et un mécanisme permettant de mieux capter la rente en cas de hausse importante des prix de vente des produits marchands miniers par rapport à ceux retenus dans l’étude de faisabilité. La fiscalisation des nouvelles économies, a noté le Coordinateur de la Carfip, Abdoulaye Traoré, est au cœur de la réforme des finances.
A en croire le Directeur général des Impôts, l’adoption de la Loi N°2017-022 du 22 juin 2017 déterminant le Cadre général du régime des exonérations fiscales et douanières, est une avancée majeure. Cette loi est complétée par le Décret N°2018-0595/P-RM du 24 juillet 2018 fixant les modalités de son application. ‘’Il convient de noter que les marchés financés sur le Budget national sont conclus, toutes taxes comprises. Il en est de même de ceux financés sur les ressources de la Banque mondiale, des Pays Bas et du Danemark. Des discussions sont engagées avec les autres bailleurs de fonds en vue de les amener à accepter que les marchés qu’ils financent soient conclus, toutes taxes comprises’’ a expliqué Mathias Konaté.
Le niveau des exonérations, a fait savoir le coordinateur de la Carfip, pesait sur la mobilisation des recettes. En 2018, l’Etat a gagné 10 milliards de ressources additionnelles sur les projets et programmes.
Indispensable modification du Code général des impôts
La digitalisation de l’administration fiscale est l’un des chantiers de la réforme de finances publiques. La direction générale des Impôts, selon Mathias Konaté, a finalisé deux modules (télé déclaration et télépaiement). L’utilisation des télé-déclarations, a-t-il détaillé, a déjà démarré à la direction des Grandes entreprises (DGE) en janvier 2019 pour les contribuables ayant accepté l’adhésion volontaire. ‘’La généralisation de la digitalisation en matière de déclaration et de paiement à l’ensemble des contribuables nécessite une modification du Code général des impôts en vue d’une adhésion obligatoire’’, a souligné Mathias Konaté.
L’institution d’un système sécurisé de facture normalisé va permettre de lutter contre la fraude et augmenter les recettes les recettes fiscales, notamment celles relatives aux Taxes sur la valeur ajoutée (TVA). Cette mesure devrait également sécuriser les recettes de l’Etat. Selon Mathias Konaté, il y a eu la relance des activités du Comité Mixte de Renseignement et d’investigation économiques et financières à travers la nomination, le 16 juin dernier, de ses membres.
Chiaka Doumbia
Source : Le Challenger