Tandis que le géant sud-africain se prépare à entrer en confinement dans la nuit de jeudi à vendredi à la suite de l’Algérie ou encore du Rwanda, que d’autres comme la République démocratique du Congo et le Sénégal sont passés sous le régime de l’état d’urgence, le Mali et la Libye faisaient, avec zéro patient déclaré, figure d’exceptions ainsi que quelques autres de plus en plus rares.
C’en est terminé. La Libye mardi soir et le Mali mercredi ont annoncé leurs premiers cas confirmés: un patient âgé de 73 ans et rentré depuis une semaine d’Arabie saoudite via la Tunisie pour la Libye, deux nationaux de 49 et 62 ans arrivés de France mi-mars pour le Mali.
Instabilité sécuritaire
Ce sont deux pays où l’instabilité sécuritaire accentue les craintes formulées devant les capacités de réponse de la plupart des pays africains en cas d’épidémie de grande ampleur.
Une épidémie qui a d’ailleurs commencé à contraindre des cercles du pouvoir à se mettre en quarantaine. Ainsi au Nigeria, pays le plus peuplé du continent, plusieurs gouverneurs et le vice-président ont déclaré mercredi s’être volontairement mis en quarantaine après avoir été en contact avec deux cas positifs au coronavirus, dont le bras droit du président.
Le Mali a été confronté depuis 2012 à des insurrections indépendantiste puis djihadiste ainsi qu’à des violences intercommunautaires qui ont fait des milliers de morts, civils et combattants, et des centaines de milliers de déplacés.
La Libye est en proie à la guerre civile et deux autorités s’y disputent le pouvoir. La fermeture du seul aéroport international à Tripoli et les contacts limités avec l’étranger avaient créé chez certains l’illusion d’un rempart contre le virus.
Les deux exécutifs rivaux en Libye ont pris séparément des mesures préventives.
Si la semaine passée le Premier ministre malien expliquait que le pays, 184e sur 189 sur l’indice de développement humain de l’ONU qui évalue les conditions de vie d’un pays, se préparait “au pire”, mercredi le rythme s’est accéléré avec l’instauration d’un couvre-feu nocturne dans tout le pays.
Les législatives prévues dimanche, et considérées comme une part importante de l’effort politique, auront en revanche bien lieu, a assuré mercredi soir Ibrahim Boubacar Keita, “et ce dans le respect scrupuleux des mesures barrières”.
Au Nigeria, ce sont des millions de personnes qui vivent dans des territoires non-accessibles à cause des violences. Le pays compte deux millions de déplacés, la grande majorité d’entre eux dans le nord-est, au cœur de l’insurrection djihadiste.
En République démocratique du Congo, le président Félix Tshisekedi semblait clairement avoir à l’esprit les groupes armés actifs dans l’est du pays quand il avait pris en compte “la situation sécuritaire qui prévaut” pour décréter l’état d’urgence mardi et pour 30 jours.
L’Afrique relativement épargnée
Alors que le nouveau coronavirus a officiellement infecté plus de 427’000 personnes et fait au moins 19’246 morts dans le monde selon un décompte de l’AFP, l’Afrique a été jusqu’à présent relativement épargnée, avec 2432 cas et 64 décès (lire encadré).
Des pays comme le Botswana, le Malawi, le Lesotho, les Comores, le Soudan du Sud et le Burundi n’ont déclaré aucun cas.
Mais la préoccupation est grande à travers le continent devant la progression de la maladie, son impact sanitaire ainsi que les retombées sur des économies fragiles.
La Guinée-Bissau a annoncé ses deux premiers cas de contamination mercredi.
Avec 12 cas confirmés, la Zambie interdit à partir de jeudi et pour deux semaines tous les rassemblements d’au moins 50 personnes.
La Côte d’Ivoire et le Sénégal ont connu leur première nuit de couvre-feu. L’application à Dakar a suscité l’indignation des défenseurs des droits humains devant les vidéos circulant abondamment sur les réseaux sociaux et montrant des policiers distribuer des coups de matraque à des passants.
Au Sénégal comme ailleurs, les autorités doivent composer avec la difficulté d’imposer des mesures collectives quand un grand nombre doivent sortir et se déplacer pour assurer leur survie au jour le jour.
En Afrique de l’Est, le président du Kenya, Uhuru Kenyatta, a annoncé mercredi l’instauration d’un couvre-feu nocturne à partir de vendredi, et toute une série de mesures, notamment fiscales, destinées à aider l’économie nationale.
Le gouvernement de l’Ethiopie a, quant à lui, annoncé l’amnistie et la libération prochaine de plus de 4000 prisonniers pour alléger des prisons surpeuplées, confrontées au risque de propagation.
Et le président du Liberia, George Weah, a scandé mercredi une chanson, écrite par ses soins selon ses services, pour sensibiliser la population du pays très pauvre à la lutte contre le coronavirus.