Les trois pays les plus maltraités par la CEDEAO ces dernières années ont décidé d’unir leurs forces au sein d’une Confédération qui est en passe de devenir un os en travers de la gorge de l’Organisation sous régionale, mais surtout une réalité géostratégique incontournable. La création de cette Alliance entre le Mali, le Burkina Faso et le Niger est la réponse à l’inféodation outrancière de la CEDEAO à des entités perçues comme les vrais auteurs de la déstabilisation du Sahel. Du sommet de Niamey le 6 juillet, à celui de Lagos le 7 juillet 2024, on a vu les images contrastées des chefs d’Etat d’une Alliance triomphante et de dirigeants de la CEDEAO plutôt crispés. Qui l’eût cru ?
LES CONSTATS, CONTRAINTES ET
OPPORTUNITÉS
La CEDEAO est sur le point de perdre une population de 71 470 000 habitants hors diasporas et une superficie de 2 781 392 km², ce qui fait de la Confédération la population la plus nombreuse après celle du Nigéria et de la RDC, et la superficie la plus grande d’Afrique devant l’Algérie (2 382 000 km²) et la RDC (2 345 410 km²). On était loin d’imaginer une telle riposte venant de pays profondément affectés par l’hydre du terrorisme. La signature de la Charte du Liptako-Gourma avait donné le ton, cette zone étant le point de jonction naturel des trois Etats et un réservoir de richesses inestimables. Ils sont certes sans littoral mais en la matière, le droit international vole à leur secours, sans oublier que la Côte d’Ivoire et le Sénégal qui ont beaucoup investi dans les infrastructures portuaires ne peuvent se payer le luxe de leur tourner le dos, ce dont profiteraient les ports de Conakry, Lomé et même de certains pays du Maghreb en embuscade et prêts à se dévouer pour les sortir de l’isolement. En outre, il s’agit d’un espace aérien tellement étendu, qu’être obligé de le contourner serait un cauchemar pour n’importe quelle compagnie aérienne. Du point de vue sociologique, nul n’ignore la place des Maliens, des Burkinabè et des Nigériens dans le peuplement et l’économie de la Côte d’Ivoire. Ils représentent au moins le tiers de la population totale et une bonne part du produit intérieur brut (PIB). En ce qui concerne les potentialités des pays de la Confédération, en plus des ressources de leur sous-sol qui font tant courir l’Occident, ils sont arrosés par pas moins de sept (7) fleuves et leurs affluents. Rien qu’une exploitation rationnelle des deux millions d’hectares de l’Office du Niger permettrait de leur assurer la sécurité alimentaire. L’allégorie des membres et de l’estomac prend ici tout son sens. En effet, les bras et les jambes accusant le ventre de ne vivre que du fruit de leur labeur, avaient décidé de ne plus travailler pour l’entretenir. Au fils du temps, le ventre a certes maigri mais les membres aussi. L’interdépendance est la règle et les chefs d’Etat de la CEDEAO l’apprennent à leurs dépens, eux qui ont abusé des sanctions contre la volonté des populations de l’espace, souvent en violant leurs propres textes.
LE COCOCTIER FORTEMENT SECOUÉ PAR L’A.E.S
Non seulement les pays de la Confédération sont économiquement importants, mais le monde entier est témoin de la vitalité de leur diplomatie et de la pertinence de leur communication. Les populations ont choisi de faire bloc en reprenant du poil de la bête, réduisant à néant les mensonges habilement distillés par les perturbateurs de tous bords qui ne désarment pas pour autant. Dans un souci d’efficacité, la Confédération s’est dotée d’instances et d’organes souples et légers, en identifiant trois domaines prioritaires appelés les « 3D » : Défense, Diplomatie et Développement. Dans ces conditions, ceux qui sont pressés de voir des élections se tenir devront encore ronger leurs freins. Et puisque le terrain commande désormais, il n’est même plus exclu que les trois pays en viennent à harmoniser leur calendrier politique. Quelques politiciens avertis pensent déjà à leur reconversion et à leur retrait pur et simple de la scène. Un destin de feuilles mortes attend beaucoup d’autres. Grâce à la mutualisation des moyens, la Confédération est une organisation militairement et économiquement viable, plus attractive que la CEDEAO qui ne fait plus recette, et dont la fameuse « force en attente » se révèle comme un épouvantail qui n’effraie plus. Ainsi, ceux qui croyaient être les plus forts ne l’étaient que par le silence et l’acceptation des « opprimés ». Comment la CEDEAO pourrait-elle survivre à une telle secousse dont l’onde de choc a déjà atteint le coeur même de son Parlement ? Chassés du Mali, du Burkina et du Niger, les terroristes se redéployeront à coup sûr dans les pays voisins qui les protègent en ce moment mais ce sera au détriment de la paix sociale. La vigilance reste de mise partout et tous les moyens sont déployés par les forces de défense et de sécurité au sein de la Confédération, pour réduire les groupes terroristes. La création d’une monnaie et un ancrage au sein des BRICS sont les derniers actes de souveraineté à poser, pour sortir définitivement du giron et du carcan de l’Occident. On dit que tous les jours sont pour le voleur, mais un seul jour est pour le propriétaire. C’est le jour des Etats de la Confédération qui se sont dotés d’une gouvernance moralement forte, acceptée par les populations en dépit des énormes sacrifices à consentir.
En tenant compte de leurs diasporas très actives en Afrique de l’Ouest et même au-delà, la population des pays de la Confédération est d’environ 120 millions d’habitants, une masse suffisamment critique pour changer la donne en Afrique et peser qualitativement sur le cours des relations internationales. Avec trois armées très aguerries et bien armées, s’appuyant sur des partenariats de référence mondiale, la nouvelle Confédération apparaît plus que jamais comme la véritable détentrice des idéaux d’une CEDEAO, de plus en plus citée à l’article de la mort.
Mahamadou Camara
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