L’aviation africaine, le mauvais élève de la sécurité aérienne : 4 % du trafic mondial pour 35 % des accidents. Un ratio inquiétant pour une image de dernier de la classe qui lui colle à la peau depuis 2005, date de la création de la liste noire de la Commission européenne. Ce document, renouvelable « à chaque fois que la Commission le juge nécessaire », énumère les autorités d’aviation civiles nationales dont les compagnies sont bannies du ciel européen, par manque de sécurité.
Sur la plus récente liste noire, publiée en juin dernier, 15 des 20 autorités blacklistées sont africaines. La petite nouvelle, c’est la LYCAA, l’autorité d’aviation civile libyenne, non grata depuis décembre dernier. Cinq mois auparavant, des heurts avaient éclaté à l’aéroport de Tripoli entre plusieurs groupes armés, « endommageant considérablement des bâtiments, des infrastructures et des appareils au sol », indique la Commission européenne dans le règlement faisant entrer l’autorité libyenne dans la liste noire. Une situation à laquelle la LYCAA a eu du mal à faire face.
Sceptique quant à sa compétence à contrôler et à sécuriser ses compagnies, la Commission l’a inscrite sur la liste. Elle et ses sept transporteurs nationaux. Au niveau continental, plus d’une centaine de transporteurs africains font ainsi l’objet d’une interdiction d’exploitation du ciel européen. Depuis dix ans, la situation évolue lentement.
« La sécurité des compagnies aériennes africaines s’est très nettement améliorée ces dernières années », assure Chris Goater, chargé de la communication à l’Association internationale du transport aérien (IATA). Le nombre d’accidents par million de vols du secteur aérien africain est effectivement passé de 14,4 en 2009 à 2,2 en 2013. Malgré ces efforts, nombre d’autorités d’aviation civiles africaines ne collent pas aux normes de sécurité européennes, fixées par l’Organisation de l’aviation civile internationale (OACI).
« C’est une question de moyens. Beaucoup d’entre elles manquent de ressources pour avoir des inspecteurs qualifiés et en nombre suffisant », explique Gnama Latta, vice-président de la région Ouest au sein de la Commission africaine de l’aviation civile. Face à ce manque de moyens des Etats, également subi par les compagnies nationales, il devenait urgent de déléguer la sécurité aérienne à une entité plus globale. Des mesures ont donc été prises l’année dernière avec la mise en œuvre du plan AFI pour la sécurité aérienne en Afrique.
Un plan qui a préconisé la création d’organisations régionales de supervision de la sécurité aérienne afin d’aider financièrement et matériellement les Etats africains. Celle de l’Afrique de l’Ouest, baptisée Agence communautaire de supervision de la sécurité et de la sûreté de l’aviation civile (ACSAC), devrait entrer en fonction l’an prochain.
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« Elle supervisera la sécurité et la sûreté aérienne pour les Etats membres de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA) », précise Irène Gnassou Seka, directrice des transports aériens à l’UEMOA, l’institution à laquelle est rattachée l’ACSAC. Une dizaine d’inspecteurs seront chargés d’aider les Etats à sécuriser leur transport aérien.
Une nécessité, comme le souligne Irène Gnassou Seka : « Sortir les compagnies africaines de la liste noire dressée par l’UE est une question cruciale pour le maintien et le renforcement de la desserte de nos Etats. » Selon une source au sein de la Commission européenne, la liste noire devrait bientôt évoluer en faveur de certains pays africains. Des visites d’évaluation sont prévues au Mozambique, au Soudan, en Zambie et à Madagascar courant 2016. Si les résultats s’avèrent concluants, les compagnies aériennes de ces pays seront rayées de la liste noire en milieu d’année prochaine.