Cette loi est dénoncée par l’opposition qui a fait état de dizaines d’arrestations lors de manifestations réprimées au moyen de gaz lacrymogène, jeudi
A moins d’un an de la présidentielle, les députés sénégalais ont adopté jeudi une nouvelle loi électorale. Des incidents ont marqué le vote à l’Assemblée, au moment où le président Macky Sall, élu en 2012 et probable candidat à sa succession en février 2019, effectue une visite en France, où il devait être reçu vendredi par son homologue, Emmanuel Macron.
Le projet de loi, qui impose le parrainage à tous les futurs candidats à la présidentielle, a été adopté par 120 députés sur 165, a déclaré Moustapha Niasse, le président de l’Assemblée nationale. L’opposition a boycotté la fin des travaux pour protester contre la décision d’écourter la séance après quelque six heures de débats, émaillés d’incidents, qui ont vu une rixe entre députés et un élu déchirer le texte.
Le projet de loi initial imposait aux candidats à la présidentielle de recueillir le parrainage d’1% du corps électoral, soit environ 65 000 personnes, réparties dans au moins sept des régions du pays, à raison de 2 000 par région au minimum. Après un amendement de la majorité, le seuil de 0,8%, soit environ 52 000 signatures, avec un plafond d’1%, a été retenu.
«Aucune démocratie n’organise une élection présidentielle sans filtrage. Quand on gouverne, on cherche à éviter ce qui bloque le système», a déclaré le ministre de la Justice, Ismaïla Madior Fall. Le texte visant selon lui à «assainir la démocratie» au Sénégal.
Usage de gaz lacrymogène
L’Assemblée nationale avait été placée sous haute protection, alors que des mouvements de protestation ont secoué la capitale. L’ex-Premier ministre Idrissa Seck (2002-2004), qui envisage de se présenter en 2019, a été interpellé dans la matinée alors qu’il était «en route pour l’Assemblée», selon son parti.
A Dakar, «plus de 50 personnes ont été arrêtées», a affirmé à l’AFP Mayoro Faye, le chargé de communication, du Parti démocratique sénégalais (PDS), le principal parti de l’opposition, dirigé par l’ex-président Abdoulaye Wade (2000-2012). La police n’était pas joignable. Mayoro Faye a également fait état de 12 arrestations à Saint-Louis (nord), huit à Mbacké (centre) et d’au moins quatre à Thiès (ouest).
Dans le quartier des ministères, les policiers ont fait usage de gaz lacrymogène pour disperser des manifestants qui avaient érigé une barricade de branchages et lancé des pierres sur les véhicules de la police, selon des journalistes de l’AFP. De nombreux commerces et des écoles étaient fermés.
L’opposition et des associations de la société civile avaient appelé à protester jeudi, malgré l’interdiction des manifestations dans le quartier du Plateau, qui abrite les principales institutions du pays.
Amnesty International avait demandé au pouvoir de «respecter le droit de manifester pacifiquement et de s’exprimer, dans un contexte de répression de la dissidence» dans un pays généralement cité en modèle de démocratie en Afrique.
Contraindre l’opposition
Avec ce nouveau texte, les autorités affirment vouloir prévenir, par souci d’économie et de meilleure organisation du scrutin, une inflation du nombre de candidats à la présidentielle dans un pays qui compte près de 300 partis, rappelant la présence de 47 listes aux législatives de juillet 2017. «Le but unique de cette forfaiture est évident aux yeux de tous: empêcher les candidats de l’opposition» de se présenter, a affirmé l’opposition.
L’opposition s’inquiète d’une autre modification du Code électoral, qui doit être débattue dans les prochaines semaines, imposant aux candidats de jouir de leurs droits civiques, exigence jusqu’à présent absente du texte et qui pourrait barrer la route à l’ex-ministre et fils d’Aboulaye Wade, Karim Wade.
Condamné en 2015 à six ans de prison pour «enrichissement illicite», Karim Wade a été gracié en juin 2016 par le président Sall et réside depuis à l’étranger. Une autre figure de l’opposition, Malick Gakou, a également été interpellée avec trois de ses militants, le rappeur Kilifa, membre du mouvement «Y’en a marre» et le militant Guy Marius Sagna.
Source: letemps