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« L’arrêt provisoire des combats n’est pas la fin de la guerre » #Syrie5ans

Le 15 mars 2011, après une poignée de rassemblements timides, le premier appel à manifester dans toute la Syrie est lancé sur les réseaux sociaux. La révolution va se répandre comme une traînée de poudre. En cinq ans, la révolte contre le pouvoir du clan Assad s’est transformée en un conflit international, aux conséquences dramatiques pour le Proche-Orient. Au cours d’un chat sur Lemonde.fr, mardi 15 mars, Christophe Ayad, chef du service International du Monde, a répondu aux questions des internautes sur le basculement de la révolte syrienne en affrontement armé.« La source principale de la militarisation de la révolution, c’est la répression effroyable du régime, qui a tiré à balles réelles sur les manifestants dès le premier jour », a-t-il expliqué.

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Comment peut-on interpréter le retrait des Russes de Syrie : est-ce un échec ou une victoire de Poutine ? Peut-on s’attendre à une intervention de la Turquie et de l’Arabie saoudite en Syrie ?

Il reste à vérifier quelle sera l’ampleur réelle de ce retrait. On n’imagine pas un départ complet des troupes russes de Syrie. Vladimir Poutine estime avoir rempli ses deux objectifs majeurs : d’abord, remettre en selle et sauver le régime Assad, qui est en nettement meilleure posture ; ensuite, s’assurer une place privilégiée dans le règlement de ce conflit grâce à un dialogue permanent avec les Etats-Unis. Si Moscou annonce son retrait, c’est qu’il a la certitude que la Turquie et l’Arabie saoudite n’interviendront pas en Syrie.

Vous vous êtes rendus en Syrie en octobre 2012 et en février 2013 : quel était alors le climat ?

Le premier séjour s’est passé dans la région du Djebel Akrad, non loin de Lattaquié. A l’époque, la rébellion était encore dominée par des groupes de l’Armée syrienne libre (ASL) dits modérés. C’était des combattants assez religieux comme tous les Syriens, mais dont la motivation principale était de renverser Assad. On commençait cependant à voir arriver des combattants étrangers.

« Bachar Al-Assad a vite compris que s’il commençait à reculer, il serait complètement emporté »

On voyait bien aussi que le principal problème des chefs rebelles était d’assurer un approvisionnement régulier d’armes et d’argent, faute de quoi leurs hommes risquaient de rejoindre une formation concurrente. Il y avait encore une atmosphère bon enfant. C’était le tout début des bombes barils larguées par hélicoptères, les rebelles y voyaient un signe de faiblesse du régime. Ils étaient sûrs de gagner, mais très désorganisés.

Le soulèvement contre Bachar Al-Assad était-il réellement une aspiration à la démocratie et à la liberté ?

Dans les classes éduquées, c’est évident que oui, mais dans les masses populaires, qui ont vite constitué le gros du soulèvement, la demande principale était celle de la dignité, de la justice sociale et de la fin du harcèlement des forces de sécurité. L’aspect politique était moins développé, il y avait aussi probablement une forme de revanche de la majorité sunnite qui avait l’impression d’être opprimée par une minorité d’Alaouites.

Qu’est-ce qui a fait que des groupes comme le Front Al-Nostra (la branche syrienne d’Al-Qaida) ou l’Etat islamique ont pris le dessus sur l’ensemble de la rébellion ? L’ASL n’était-elle pas crédible aux yeux des soutiens extérieurs, notamment occidentaux ?

L’ASL n’a jamais convaincu les Américains, ou du moins l’administration Obama, qui y voyait une bande d’amateurs pas très fiables. Elle n’a donc jamais reçu suffisamment d’armes par rapport à des islamistes directement financés soit par des Etats, soit par des individus dans le Golfe. L’ASL a aussi beaucoup souffert de ses divisions face à des groupes islamistes beaucoup plus décidés et disciplinés.

Quelles sont les raisons de l’acharnement initial de Bachar Al-Assad ? Pourquoi n’a-t-il pas quitté le pouvoir comme les autres pays du « printemps arabe » ? Y avait-il des garanties de Moscou derrière ?

Bachar Al-Assad a vite compris que s’il commençait à reculer, il serait complètement emporté. C’est pour ça qu’il a refusé de réformer dès le début, pensant que cela serait interprété comme un signe de faiblesse. Il a probablement été encouragé par son clan et par l’énorme appareil de sécurité du régime, qui a eu peur de payer le prix de décennies de dictature.

« La question qui se pose à laquelle les grandes puissances n’osent pas répondreest : l’Etat pourrait-ilsurvivre à un départ d’Assad ? »

Ce sont les Occidentaux qui ont fait erreur sur sa détermination à ne rien lâcher et aussi sur la force de ses soutiens extérieurs, la Russie, l’Iran et le Hezbollah libanais. Pour ces trois-là, la chute de Bachar Al-Assad était une défaite inacceptable. Poutine venait de se faire réélire dans une ambiance de contestation, il ne voulait pas de contagion des « printemps arabes » chez lui. Téhéran était isolé et assiégé à cause de son programme nucléaire, et pour le Hezbollah, perdre la Syrie, c’est perdre toute profondeur stratégique face à Israël ainsi que son canal d’approvisionnement en armes.

Ne pensez-vous pas que la seule solution passe justement par une reprise du pouvoir total et laïque par Bachar Al-Assad ? Si une autre solution politique est atteinte, le risque n’est-il pas trop grand de se retrouver avec une situation à la libyenne ?

On est déjà dans une situation pire que la Libye ! Assad peut reconquérir le territoire, il ne fera jamais accepter son règne à des millions de Syriens qui ont perdu leurs proches ou qui sont partis en exil. C’est ça le problème de la Syrie aujourd’hui. Enfin, son pouvoir fondé sur une protection étouffante des minorités n’a jamais été laïque. Je vous rappelle que pendant la guerre en Irak, les prêcheurs djihadistes avaient pignon sur rue à Alep et Damas.

Pourquoi la couverture médiatique du conflit en Europe a-t-elle été unilatéralement prorébellion depuis le début ? Pensez-vous que les journalistes ont rempli leur devoir déontologique dans le suivi de ce conflit ?

Cette couverture n’a pas été unilatérale en Europe. Il y a des grands titres, même en France, qui pensent qu’Assad est un moindre mal préférable aux incertitudes de la révolution, c’est notamment le cas du Figaro, de Paris Match et de Valeurs actuelles.

Avez-vous des souvenirs du moment où la révolte populaire a pris une tournure violente ? Comment expliquez-vous cet enchaînement ?

La révolte est devenue violente à l’automne 2011 lorsque les désertions se sont multipliées. Les manifestants leur demandaient de les protéger. Des armes financées par des pays ou des individus étrangers ont dû commencer à arriver dès la fin 2011, mais la source principale de la militarisation de la révolution, c’est la répression effroyable du régime, qui a tiré à balles réelles sur les manifestants dès le premier jour.

La rumeur que Bachar Al-Assad aurait soutenu la montée en puissance de l’EI, comme calcul politique qui semble d’ailleurs jusqu’ici un succès, est-elle fondée ?

Il y a plusieurs faits troublants, à commencer par le fait que le régime a libéré dès l’été 2011 un millier de cadres djihadistes de la prison de Sednaya, près de Damas, au prétexte d’une vraie-fausse amnistie générale.

Dans l’enquête de Benjamin Barthe que nous publions ce mardi 15 mars, on voit bien qu’un député du régime, par ailleurs ministre, finance le groupe armé de son frère passé sous la coupe de l’Etat islamique (EI) dans la région de Maskaneh.

La rébellion a-t-elle définitivement perdu ?

Elle ne peut plus gagner, c’est évident. Et elle continue de reculer face au régime et aux djihadistes. Mais elle continue de rester légitime pour une partie de la population, surtout dans le nord du pays. On est maintenant dans une situation de fronts gelés avec des zones sous le contrôle soit des rebelles, soit du gouvernement, soit des djihadistes. Certains pensent que la seule solution est désormais la « cantonisation », c’est-à-dire le découpage de la Syrie en zones d’influence autonomes.

Bachar Al-Assad n’est-il pas un moindre mal pour le moment ?

L’écroulement de l’Etat syrien, comme en Irak en 2003, n’est pas souhaitable mais la question qui se pose en Syrie à laquelle les grandes puissances n’osent pas répondre est : y a-t-il un Etat syrien hors de ce régime ? Autrement dit, l’Etat pourrait-il survivre à un départ d’Assad ? Ce dernier a tout fait pour que ce ne soit pas le cas. Enfin, il est vrai qu’il n’y a pas aujourd’hui d’alternative crédible à Assad, ce qui ne fait pas de lui une solution pérenne et souhaitable pour autant.

Estimez-vous qu’une opposition modérée existe toujours ? Peut-on parler d’une seule opposition ou de multitudes de groupes armés ?

Il existe des opposants modérés, mais ils n’ont jamais réussi à former une alternative crédible et cohérente. Ce n’est pas très étonnant après quarante ans de dictature et d’absence de pluralisme. D’autant que cette opposition politique n’a pas forcément prise sur tous les groupes armés dont les chefs sont devenus des entrepreneurs politico-militaires qui défendent leurs propres intérêts et non plus des positions idéologiques. Sans compter les djihadistes qui poursuivent un but évident mais dont la notion de démocratie et de pluralisme est absente.

Peut-on espérer la fin de la guerre syrienne ?

L’arrêt provisoire des combats n’est pas la fin de la guerre. Ce n’est pas parce qu’il y a épuisement qu’une solution a émergé. Personne n’a vraiment gagné aujourd’hui. Le régime vient juste de voir sa survie prolongée. Je rappelle que la guerre du Liban a duré quinze ans et qu’on n’a pas encore trouvé d’accord de paix garantissant une répartition des pouvoirs acceptée par tous, que ce soit le résultat d’une victoire sur le terrain ou d’une médiation réussie. On en a, hélas, encore pour longtemps avec la guerre en Syrie.
Source: lemonde.fr

 

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