Le Mali est-il réellement à deux mois d’élire le président qui n’a pas pu l’être sous Amadou Toumani Touré le 29 avril 2013 ? Si oui, on peut bien se demander où sont passées les ferveurs de 1992 et de 2002, années d’alternance constitutionnelle qui, dans notre jeune processus démocratique, constituent d’importants tests de maturité politique. On peut donc se demander où est passée la ferveur d’antan. Mais on ne met pas longtemps à trouver soi-même la réponse. Car ce n’est mystère pour personne que le pays est à la fois blasé, traumatisé, dubitatif et inquiet. Il est blasé par une très longue ambiance électorale puisque les positionnements et les attentes ont commencé dès 2011.
Le pays est ensuite traumatisé par la crise qu’il a traversée avec ses poussées de fièvre, sa cure d’électrochoc et sa convalescence commençante. Et il est dubitatif justement parce que le but est tout proche mais le chemin à couvrir encore long, les coureurs ne sont pas en jambe, et l’arbitre -la transition donc- sera suspecté de ne pas être pressé d’aller au chômage. Enfin, le pays est inquiet et d’une légitime inquiétude : il veut tout sauf d’une élection qui relance la crise et il veut de l’élection sur tout le territoire alors que le Nord doit encore être stabilisé pour partie et être totalement revenu dans le giron de la République pour l’autre partie.
Voici donc pour l’arène. Pour ce qui est des jockeys, on pressent de nouveaux candidats notamment parmi nos compatriotes de la diaspora qui ont plutôt bien mené leur barque. Ainsi de Aliou Diallo, capitaine d’industrie qui a fait son beurre dans l’or, bien plus que dans le beurre de karité qui fut autrefois son dada également. Et Malamine Koné, l’équipementier connu de tout le pays, est de plus en plus cité. Il y en aura, sans doute, d’autres. Et ils viendront trouver quelques récidivistes de l’élection dont certains étaient déjà candidats en 2012 et qui ont les mêmes raisons pour l’être en 2013 : Ibk, Soumaila Cissé, Mountaga Tall et Soumana Sacko notamment. Deux « nouveaux » se sont signalés depuis : Dramane Dembélé de l’Adema et Modibo Sidibé de Fare. Deux candidatures qui en disent long sur ce qu’on peut considérer comme l’ironie de l’année : Dembélé, candidat inconnu ou méconnu du parti le plus connu et Sidibé challenger très connu d’un parti inconnu ou méconnu. Dembélé qui doit prouver qu’il n’est pas seulement élu parce que c’est le plus grand parti du pays qui le porte. Et Sidibé qui doit faire connaître son parti beaucoup plus qu’il ne l’est encore pour espérer être élu. A moins de faire trans-parti comme Att. Rien de plus compliqué car Att était alors le joker de l’imagerie populaire. Ce que ne paraît être aucun des candidats pressentis même si l’axe naturel Adema-Urd – non encore matérialisé- donne plus de chance aux candidats de ces deux formations. Au départ et seulement au départ, doit on relativiser. Car plus que toute autre formation, l’Adema sans son candidat au second tour, sera bien difficile à mobiliser dans la même direction. Le type d’actionnariat populaire qui l’a formé veut dire également qu’il est traversé de courants qui pourront faire voler en éclat sa loyauté. C’est la confirmation de ce que nous disions plus haut : les jockeys il en a, le joker il faut le chercher à la loupe.
Adam THIAM