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L’ancien président du Bénin, Boni Yayi, a quitté le pays samedi pour raisons de santé, après deux mois de crise politique et de siège des forces de police autour de son domicile, a annoncé le porte-parole de son parti.
«Le président Boni Yayi a quitté le Bénin aujourd’hui même pour suivre ses soins. Son état de santé s’est considérablement dégradé», a déclaré Nourénou Atchadé, le porte-parole des Forces Cauris pour un Bénin émergent (FCBE), dans une interview avec Radio France Internationale (RFI), sans préciser où il s’était rendu.
«Effectivement (il est parti) sans s’expliquer devant la Justice», a dit son porte-parole. «Il a dit lui-même que dès que sa santé le permettra, il le fera volontiers. Il ne se soustrait pas à la justice. Il ne se reproche absolument rien.»
Fortes tensions entre le président Talon et son prédécesseur
Début juin, Boni Yayi avait reçu une convocation pour être entendu par un juge, que ses avocats avaient finalement refusé, arguant ses problèmes de santé, du au stress notamment du siège de son domicile par les forces armées. Ce départ surprise intervient après de nombreuses semaines de fortes tensions entre le président Patrice Talon et son prédécesseur.
Samedi matin, la police républicaine a annoncé que Cadjehoun (le quartier de Cotonou où se trouve la résidence de Boni Yayi) était «libéré de tout dispositif policier», au terme de négociations entre le président Patrice Talon et les chefs traditionnels ainsi que les cadres de Savè et Tchaourou, ville d’origine de Boni Yayi.
Deux morts mi-juin
Des violences, faisant au moins deux morts civils et des dizaines de blessés du côté des forces de l’ordre, ont éclaté à la mi-juin dans ces deux localités, après une première série de manifestations réprimées à balles réelles, les 1er et 2 mai autour du domicile de Boni Yayi à Cotonou.
«Nous voulons ardemment la paix maintenant», avait déclaré vendredi le président béninois, promettant avoir «pris des mesures» pour résoudre cette crise. «Je n’ai pas de problème personnel avec Boni Yayi», c’est «un ami», a alors déclaré Patrice Talon à propos de son prédécesseur, principal opposant du régime après avoir passé dix années au pouvoir.
De nombreux observateurs locaux et internationaux dénoncent le tournant autoritaire du chef de l’Etat béninois, élu en avril 2016, dans un pays réputé pour être un exemple démocratique en Afrique de l’Ouest. La grande majorité des opposants au président vivent désormais en exil, craignant des mesures judiciaires à leur encontre s’ils reviennent au Bénin.
«Guerre des égos»
Boni Yayi, perçu comme le symbole de l’opposition qui restait dans le pays, avait dénoncé «un coup d’Etat électoral» lors des législatives tenues le 28 avril, où aucun parti de l’opposition n’avait été autorisé à présenter de candidats. Il avait appelé le président Talon à annuler le processus électoral et la population à se soulever.
«La vie socio-politique béninoise depuis quelques années est prisonnière de la guerre des égos entre deux individus: Patrice Talon et Boni Yayi», a expliqué à l’AFP Expédit B. Ologou, politologue et président du centre d’analyse Ciaaf, basé à Cotonou. En effet, alors que Boni Yayi était président (2006-2016), Patrice Talon avait été forcé lui-même à l’exil entre 2012 et 2015, accusé de «tentative d’empoisonnement» contre le chef de l’Etat.
Gilles Yabi, analyste politique pour l’Afrique de l’Ouest et fondateur du think tank Wathi, estime qu’il «serait réducteur de penser que la crise politique que connaît le Bénin n’est qu’un combat entre deux hommes». «Il semble y avoir un plan systématique et méthodique pour contrôler les institutions et la scène politique du pays», a-t-il ajouté dans une interview avec l’AFP. (afp/nxp)