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L’analyse juridique du projet de révision constitutionnelle : la souveraineté du peuple ou monarchie présidentielle ?

À la veille de la révision constitutionnelle, on entend de part et d’autre des avis, et interprétations diverses mais aussi le procès de ce régime actuel gangrené par de multiples affaires. Nous rentrons actuellement dans une ère brutale de notre jeune démocratie où tous les maliens (18 ans +) sont appelés à prendre part à cette initiative.

COUR CONSTITUTIONNELLE PROCLAME LISTE CANDIDATURE LEGISLATIVE MALI

Quel est l’intérêt de cette révision constitutionnelle ?

Aujourd’hui, les antagonismes entre les hommes politiques peuvent conduire à l’éclatement de notre société. Les débats politiques génèrent souvent des conflits entres les hommes. Le problème de l’instabilité sociale dans notre pays n’est pas l’absence du droit en soi mais de l’ineffectivité des lois qui existent. Et comme on peut le remarquer, cette instabilité sociale est alimentée par de la corruption en toute impunité.

Cette analyse juridique met en lumière le mimétisme constant dans le fonctionnement de l’État sans tenir compte des réalités quotidiennes du terrain. Que peut-on voir dans cette révision?

Analysons, les points essentiels qui sont sources de tension :

1-En vertu de l’art 118 « aucune procédure de révision ne peut être engagée ou poursuivie lorsqu’il est porté atteinte à l’intégrité du territoire ». Donc pour engager la révision constitutionnelle, il fallait que le gouvernement démontre qu’elle était conforme à l’art 118 de la constitution en cours, en l’occurrence celle de 1992.

Au regard du droit international, la violation de l’intégrité du territoire s’explique par l’intrusion d’une force étrangère ou la menace d’un autre État en violant la souveraineté d’un pays. S’agissant des conflits ou violences à l’intérieur d’un État, le droit international ne les considère pas pour le moment comme étant une atteinte, donc il ne peut s’agir d’une violation de l’intégrité du territoire au sens du droit international conforment à l’art 2 paragraphe 4 de la charte de l’ONU.

Par contre, il faut préciser que certaines doctrines estiment que tant qu’il y’a une occupation effective d’une partie du territoire alors on peut dire qu’il y’a une atteinte. Et comme la doctrine n’est pas une règle de droit, par conséquent dans ce cas d’espèce la révision est ne viole pas l’art 118.

Quant à l’avis N°2017-01/CCM/REF. DU 06 JUIN 2017 du conseil constitutionnel, j’approuve le fondement de sa décision basée sur le droit international sans pour autant cité le visa, mais une partie de la motivation qui consiste à dire que l’État, à travers ses représentants, les organes élus et les autorités intérimaires, exerce la plénitude de ses missions régaliennes sur le territoire national et en outre, de dire qu’une insécurité résiduelle à elle seule, ne saurait remettre en cause la régularité d’un referendum me semble une motivation politique de sa décision car les autorités intérimaires affectées à Kidal sont à Bamako. Et comment l’État peut-il exercer ses missions régaliennes sans ses représentants dans cette localité ? Je pense qu’avec l’instabilité actuelle, il serait judicieux de reporter ce projet.

2-Cependant, en vertu de l’Art 143 al1 « aucune révision n’est définitive qu’après avoir été approuvée par referendum ». Ensuite dans son al2 on prévoit que « Toutefois, le projet de révision n’est pas présenté au référendum lorsque le président de la République décide de le soumettre au parlement convoqué en congrès ; des deux tiers de ses membres ». De ce fait, on donne en même temps le pouvoir au président de contourner le referendum (son peuple) pour réviser la constitution en passant par le fameux congrès. Est-ce notre 49-3 ? (exemple du 49-3 français). Quelle incohérence !

Rappelons qu’en droit, le classement des textes n’est pas un hasard car pour appliquer le second, il faut violer le premier. À mon avis, cette nouveauté qui consiste à contourner le referendum n’est pas républicaine parce qu’il permettra de constitutionaliser n’importe quel texte  si on a la majorité au congrès. Sommes-nous entrain de plonger dans la tyrannie de la majorité qu’avait souligné le philosophe John Stuart Mill ? Là où la démocratie majoritaire passe en force pour défendre ses intérêts en caricaturant les avis de la minorité ou sans les prendre en compte même s’ils sont légitimes. À vous d’en jugez.

3-Enfin l’art 143alinea 4 « La procédure de révision par le congrès ne peut être mise en œuvre lorsque le projet ou la proposition de révision porte sur la durée ou le nombre de mandats du Président de la République, des députés et des sénateurs ou bien sur la modification du présent alinéa ». Cette disposition permettra d’éviter ce qu’on appelle la méthode Blaise Compaoré, qui consistait à réviser couramment la durée du mandat pour se maintenir. Avec ce nouveau texte ni le président, ni les députés ou encore les sénateurs ne peuvent remettre en cause la durée et le nombre de mandats des élus sous réserve de l’art 31 al2 du nouveau texte. Une nouveauté importante surtout en Afrique et qui dément les  rumeurs sur  la volonté du président à rester indéfiniment au pouvoir.

4-Art 56 al5, nouvel art « Les Maliens établis à l’extérieur élisent leurs députés ». Encore un point significatif et remarquable dans cette reforme mais à prendre avec plus de prudence selon les règles qui seront fixées pour la représentation.

6-Dans l’art 56 al6 et art 57 al4, le texte précise que « Tout député ou sénateur qui démissionne de son parti en cours de législature est automatiquement déchu de son mandat. Il est remplacé dans les conditions déterminées par une loi organique ». Ce texte est inspiré de l’art 60 de la constitution sénégalaise si je peux me permettre. Il s’agit là d’une obligation de fidélité et contraire à la liberté de conscience, et une entrave à la liberté de choix. On peut constater que l’intérêt du parti est au-dessus du mandat confié par le peuple. Et si le parti menait une politique où le député ne se reconnaitrait pas, doit-il rester comme un mouton ? Quel Chantage !

7-Art 57 « Les Sénateurs sont élus, pour deux tiers au suffrage universel indirect. Un tiers des Sénateurs est désigné par le président de la République ». Ce choix d’attribuer la nomination d’1/3 des sénateurs au président n’est pas démocratique. Le sénat crée le bicaméralisme du pouvoir législatif. Quel sera son rôle ?

Absolument rien dans le processus d’adoption des lois car il ne peut pas empêcher l’adoption d’un texte à l’exception de son caractère consultatif. Si le Sénat est une chambre de représentation, il ne doit abriter que des élus pour que la représentation soit légitime. Donc je n’approuve pas ce mimétisme inspiré de la constitution ivoirienne.

En outre, le Sénat ne peut pas être dissout contrairement à l’Assemblée, alors peut-on se demander la quelle (des représentations) représente le mieux son peuple? À vous de jugez !

8-Art 99 « Le conseil supérieur de la magistrature est présidé par le président de la République, sauf en matière disciplinaire »

Art 100 ancien art 77 « La cour constitutionnelle statue sur la régularité des élections présidentielles et parlementaires ainsi que sur celle des opérations de référendum, dont elle proclame les résultats définitifs » cette nouveauté est-elle une avancée ? Non, car le président de cette institution est nommé par le président de la république et il n’obéit qu’à lui. Donc pour plus de transparence, il faut une commission indépendante mixte. Cette erreur a été commise dans l’élection ivoirienne en 2010.

Article 107 « La cour suprême est présidée par un magistrat nommé par le président de la République ».

En effet, lorsqu’on résume, le président de la république nomme le président du conseil constitutionnel, de la cour suprême, il préside le conseil supérieur de la magistrature, il nomme 1/3 des sénateurs et tous les hauts responsables des départements nationaux ainsi que les représentants accrédités à l’étranger. Qu’est ce qui reste comme pouvoir ? Il s’est imprégné de tout.

NB : Cette réforme devrait nous permettre d’ériger une démocratie plus efficiente, plus réelle que formelle en donnant des moyens de contrôle aux citoyens dans la gestion des affaires publiques. Or nous remarquons que cette révision consiste à vulnérabiliser la démocratie en renforçant les pouvoirs du président. Notre transformation sociale ne doit pas être décidée par la politique mais par le peuple lors d’un référendum.

Si la majorité souhaitait moraliser la vie politique, et que le président voulait aller plus loin, pourquoi n’a-t-il pas fixé l’âge maximum des candidats à l’élection présidentielle (75 ans/ par exemple) et le nombre de renouvellement des mandats des députés et sénateurs ? Pourquoi ne pas demander à tous les candidats de présenter un bilan de santé qui ne sera pas publié et d’écarter ceux qui souffriraient de certaines maladies pouvant limiter leur capacité d’exercer. Et pourquoi on n’interdirait pas l’instrumentalisation des guides religieux par les politiques ?

Si l’Assemblée représente le peuple, pourquoi ne faut-il pas qu’elle vote à l’unanimité les projets de révision constitutionnelle en l’absence de référendum ?

La politique est une vocation et non un métier. Nous, en tant que citoyens libres, nous devons lancer un signal fort aux renards politiques qui sont présents sur la scène depuis 1991 et qui font tout pour se maintenir dans le rouage et dans le seul but de se servir. Comme on le dit en droit «  nul n’est contraint d’accepter » et pour conclure, je termine avec cette citation, « Si tu ne te reconnais pas dans les lois de ton pays et que tu ne fais rien, alors tu es un esclave! » J J Rousseau

Moi, je ne me reconnais pas dans cette révision, alors je ne veux pas être esclave, donc je voterai NON !!!!!!!

Par Moh Kapo, CITOYEN ET PATRIOTE

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