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La Somilo pollue le village de Djidjan : ses journalistes de propagande confondus par les faits

Dans notre parution n° 272 du 20 octobre 2014, nous révélions que la compagnie minière« SOMILO », filiale de « Randgold Resources », avait engagé des journalistes pour étouffer le scandale né de l’éclatement de ses tuyaux de cyanure en plein village de Djidjan. Ayant refusé de prendre part au voyage en avion suscité et financé par Randgold sur le site de Djidjan, nous avons poursuivi, comme promis, notre propre enquête et apportons, ci-dessous, des répliques aux articles de propagande publiés.

 habitant montrant doigt tuyau perce mines liquides gaz toxiques

Le voyage à Djidjan fut organisé et financé par Randgold Ressources. Outre les journalistes choisis pour l’occasion, et qui avaient sans doute accepté d’avance le principe de la propagande, la délégation transportée à Djidjan comprenait le directeur régional de la Géologie et des Mines de Kayes, Abou Guissé; le sous-préfet de Kéniéba, Amadou Maiga; le directeur régional de la Protection Civile de Kayes, Tiécoura Samaké; la directrice régionale du Contrôle des Pollutions et des Nuisances de Kayes, Aissata Cissé; le directeur de l’Urbanisme et de l’Habitat de Kéniéba, Demba Nassoko.De retour de cette mission de 24 heures, les journalistes, apparentés à plusieurs organes de presse écrite, se sont fait un plaisir de relayer les explications que leur auraient données des membres de la délégation.

Ainsi, le directeur général de la SOMILO, Chiaka Berthé, déclare à l’un des journalistes de faction que lorsque l’information sur les tuyaux percés a fait le tour du Mali, sa société « a décidé d’inviter tous les services publics de Kayes pour constater les vrais faits ».

 

Il y a lieu d’objecter au patron de la SOMILO que les « vrais faits » dont il parle doivent, si l’on veut respecter l’objectivité, être « constatés » par des fonctionnaires d’Etat envoyés en mission d’Etat aux frais de l’Etat, ce qui, en l’occurrence, est loin d’être le cas. Le directeur de la SOMILO sait-il, au moins, qu’un fonctionnaire public qui accepte le moindre cadeau, ou la moindre faveur dans l’exercice de ses fonctions, tombe sous le coup de la loi pénale ?

Les mêmes articles de propagande relatent qu’aux dires du sous-préfet de Kéniéba, Amadou Maiga, et du chef du village de Djidjan, Mogotafing Sissoko, « le cyanure n’a jamais tué ni un poulet ni un homme » au village. Pourtant, contrairement aux confrères nourris et blanchis par la SOMILO, nous avons interrogé plusieurs ressortissant de Djidjan qui affirment que près du grand collecteur de cyanure auquel sont reliés les tuyaux de cynaure qui traversent le village, des animaux domestiques meurent régulièrement d’intoxication et sont enterrés en catimini. Si les médecins locaux n’ont pas les moyens scientifiques de prouver des décès humains directement dus au cyanure, ils affirment cependant que chez plusieurs personnes surviennent des maladies (suffocations, maux de ventre, de tête, etc.) dont le relation avec le cyanure et la poussière ne fait pas de doute. Les sources médicales que nous avons interrogées expliquent que lorsque les tuyaux se percent et que le cyanure coule, des traces restent au sol; la poussière qui s’en dégage est peu à peu respirée par les passants qui tombent malades.

 

Le chef de village de Djidjan, pour avoir confié aux journalistes de propagande qu’aucune pollution ne sévit au village, fait aujourd’hui l’objet d’une forte colère des populations. Très remontées contre lui, elles ont songé à le chasser du village mais des sages leur ont fait valoir que la chefferie repose, non sur une légitimité populaire, mais sur les traditions locales et qu’en les violant, on plongerait le village dans le chaos. Les habitants que nous avons joints rappellent que la première lettre de protestation des villageois contre les fréquentes fuites du cyanure des tuyaux avait été déposée par le maire et le chef de village lui-même. En outre, quand, en 2013, le candidat Ibrahim Boubacar Kéita s’est rendu à Djidjan lors de la campagne, les populations, chef de village en tête, lui ont montré les tuyaux de cyanure qui traversent le village: IBK a alors promis, s’il était élu, de faire dégager les dangereux tuyaux. Pourquoi le chef de village effectue-t-il, à présent, un revirement à 180 dégrés ? L’explication coule de source: après avoir déposé la première lettre de protestation, il a vu la SOMILO renvoyer 6 travailleurs proches du chef de village. Revenu à de meilleurs sentiments, celui-ci perçoit de la SOMILO une gratification financière mensuelle. Jusqu’à une période récente, le chef de village de Djidjan et ses pairs des villages voisins étaient invités, chaque vendredi, à un copieux repas offert par la SOMILO.

 

Falaye Sissoko, conseiller municipal de Djidjan, raconte à l’un des journalistes de propagande: « Si quelqu’un devait mourir de cyanure, ce serait moi! ». Ce que Falaye ne dit pas, c’est qu’il commercialise de manière habituelle le cyanure ainsi qu’il l’avoue lui-même au journaliste qui l’a interviewé; il a donc intérêt à vanter ce produit toxique.

 

Boubacar Guissé, directeur régional de la Géologie et des Mines de Kayes, raconte à l’un des journalistes de propagande que les technologies sanitaires sont maîtrisées par la SOMILO. Bizarre ! Comment saluer la « maîtrise technologique » d’une société qui, contre les règlements, fait cohabiter les paisibles populations avec des tuyaux de cyanure ? Les opérateurs miniers qui « maîtrisent la technologie » font toujours en sorte que les tuyaux ne traversent pas un village et que la poussière n’étouffe pas les villageois: on constate ces précautions à Siama ou à Sadiola.

Fassara Kéita, chef de village de Loulo, déclare aux propagandistes que tous les chefs des villages environnants sont consultés par SOMILO lors des prises de décisions. Rien n’est plus faux. En effet, Fassara est démenti par la directrice régionale de l’Assainissement de Kayes, Aissata Cissé, qui, au terme de la mission à Djidjan, a expliqué que les populations paniquaient car non averties des travaux de la mine. Elle a souhaité que l’information des populations soit désormais effective.

 

 

Insuffisances rédactionnelles

 

Les articles de propagande ne contestent pas l’éclatement des tuyaux de cyanure. Pis, ils ne citent le témoignage d’aucun villageois, à l’exception du chef du village. Pourtant, à notre sens, tout journaliste qui vient s’enquérir de l’avis des villageois devrait interroger au moins deux ou trois villageois ordinaires! Si les propagandistes l’avaient fait, ils auraient appris que les villageois avaient interpellé de vive voix le président IBK lors du forum des orpailleurs tenu à Bamako du 18 au 21 septembre 2014. En réponse, IBK a assuré aux villageois n’avoir pas oublié sa promesse de faire déplacer les tuyaux de cyanure qui traversent Djidjan. Une lettre adressée par les villageois au Premier Ministre Moussa Mara a reçu une réponse signée du chef de cabinet de la primature, Abraham Bengaly : le Premier Ministre y affirme avoir écrit au ministre de l’Environnement pour régler le problème des tuyaux posés à Djidjan. De plus, depuis l’installation de l’usine de la SOMILO à Loulo, sisqe à 2 km de Djidjan, une foule de prostituées opère dans la zone. Lors d’un meeting de protestation tenu à Djidjan, en septembre 2014, contre les fréquents éclatements des tuyaux, la représentante des prostituées s’est plainte publiquement de la « perte de clients » due à la menace des tuyaux. Quant à nous, nous publions régulièrement les tuyaux de cyanure éclatés. Par ailleurs, ce sont nos articles qui ont provoqué la réaction de la SOMILO qui, auparavant, n’opposait aux plaintes des villageois qu’un mépris souverain. Enfin, depuis le 25 octobre 2014, la SOMILO a dépêché une équipe chargée de travaux sur les tuyaux.

 

Abdoulaye Guindo

SOURCE: Procès Verbal  du   27 oct 2014.
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