Décidément, certains maliens de surcroît ayant en charge le développement des communautés ne reculent devant rien pour s’enrichir. Cette réalité est de plus en plus visible dans le secteur de l’exploitation minière locale. Le cas de certains villages comme celui du cercle de Yanfolila en est une parfaite illustration.
Le Mali dispose d’importantes et diverses ressources minérales dont l’exploitation attire davantage des nationaux comme des étrangers. Certains le font de façon artisanale et d’autres de façon moderne avec les nouvelles technologies. Ceux qui le font par des moyens mécaniques sont le plus souvent des nationaux derrière lesquels se cachent des étrangers. Parmi ce lot d’étrangers, force est de reconnaître que les chinois battent le record. Ils font créer des entreprises d’exploitation de petites mines au nom de nationaux et s’adonnent à l’exploitation draconienne du sous-sol. Et dans la plupart des cas au mépris des conséquences environnementales que peut cette exploitation dans les zones. Pour mener à bien cette œuvre de destruction de l’environnement au profit de l’extraction minière, ils sont aidés par, le plus souvent, par les autorités locales qui recevraient des enveloppes à coup de millions de francs CFA. En tout cas, ce ne sont pas les populations de Denso-Madiana dans la commune de Filamana (cercle de Yanfolila) qui diront le contraire. Celles-ci sont confrontées depuis bientôt 4 ans, à l’agression systématique de leur environnement de façon illégale.
De quoi s’agit-il ?
Par deux arrêtés ( N°2021-3814/MMEE-SG et N°2021-3815/MMEE-SG) en date du 17 septembre 2021, le gouvernement, à travers le ministère chargé des Mines, a attribué à la société Century minérales corporation (CMC SARL) deux permis d’exploitation de petite mine d’or et des substances minérales du groupe 2, respectivement, à Kolenda et à Nenediana, deux villages de la commune de Kalana, dans le cercle de Yanfolila. Avec ces deux permis, CMC SARL a outrepassé ses droits en allant dans un village qui ne figure nulle part dans ses deux autorisations. Il s’agit du village de Denso-Madina relevant de la commune de Filamana, cercle de Yanfolila. Pour débuter ses travaux, la société exhibe le permis concernant le village de Nenediana.
Malgré la protestation des villageois, elle décide d’entreprendre les travaux, avec en sourdine, la complicité des autorités locales. C’est ainsi qu’elle a commencé à creuser un vaste trou sur un site situé dans le village. Mécontentes de cet entêtement de la société à effectuer illégalement des travaux dans leur village, les populations ont organisé une résistance farouche qui a été soldée par l’arrestation d’une douzaine de leaders.
Face à cette résistance, le secrétaire général de la mairie de la commune de Flamana dont relève le village de Denso-Madina, Amadou Sangaré s’est constitué partie civile pour porter plainte contre les leaders ayant organisé la contestation. Derrière lui, on retrouve le gérant de la société comme deuxième partie civile, Oumar Diaw.
Un rocambolesque PV de médiation pénale proposé pour mettre fin au différend
Pour éviter que les leaders ne croupissent en prison, un procès-verbal (PV) de l’édition pénale a été fait. Il date du 12 novembre 2024. Initié par le juge de paix à compétence étendue du cercle de Yanfolila, Bakary Méminta, ce PV de cinq (05) pages, dont nous avons une copie, indique qu’il y a eu huit (08) points d’accord entre la société CMC SARL et les douze (12) leaders de la contestation mis en cause. Ces points d’accord se résument essentiellement au fait que les leaders sont d’accord pour que la société poursuive ses travaux et qu’ils s’engagent à faire tout leur possible pour que cela soit. Aussi, le PV ajoute que la société CMC SARL s’engage à retirer sa plainte.
Interrogés par nos soins, le porte-parole des leaders (Abdoulaye Flakeli Diakité) a estimé que c’est la dernière page du PV qui leur a été soumise pour signature. Cette page ne porte que les noms et prénoms des deux (02) parties civiles et des douze (12) différents protagonistes du différend plus ceux des (02) deux témoins que sont Laye Diakité président de Keleban Ton et Daouda Diakité président de l’ADYC (Association pour le développement du cercle de Yanfolila). M. Diakité va plus loin en soulignant qu’aucun d’entre eux n’a été convié à une rencontre de médiation chez le juge, ni ailleurs. Il a soutenu qu’ils ont signé le document pendant que c’est pour mettre à l’exploitation le site. Il a estimé qu’on a abusé de leur illettrisme pour leur faire signer. Déterminés à sauvegarder leurs terres de la destruction par la société CMC SARL, et avant le PV de médiation pénale, ils ont, par l’intermédiaire d’Abdoukaye Diakité, assigné la société en justice, le 25 octobre 2024, aux fins d’arrêt de travaux sous astreinte de 500 000 F CFA de pénalité par jour. L’audience, selon le document d’assignation, était prévue pour le 11 novembre et jours suivants. Cette forte contestation des populations de Denso-Madina a obligé les autorités nationales à voir plus clair dans cette affaire.
Annulation des permis de CMC SARL demandée par le Ministre chargé de l’environnement
Le combat des populations de Denso-Madina a “secoué le cocotier”, ce qui a amené le département ministériel de l’environnement à s’intéresser au dossier.
Ainsi, par la correspondance N°1002/MEADD-SG en date du 1er novembre 2024, le ministre de l’environnement, de l’assainissement et du développement durable demande au ministre des Mines d’annuler les deux permis de la société CMC SARL. Il avance comme arguments et cela suite au résultat d’une vérification de la localisation des permis, qu’il ressort les constats suivants.
En ce qui concerne le premier permis relatif à la localité de Kolenda, il empiète sur 1800 ha de la superficie de la forêt classée de Kalana soit un peu plus de la moitié de sa superficie qui est de 3700 ha. La superficie annoncée sur l’arrêté est de 16 km² alors que celle calculée sur la base des coordonnées géographiques donne 45 km² soit une différence de plus du double. Par rapport au deuxième permis, le ministre chargé de l’environnement a constaté que ce permis inclut les zones de naissance des sources et de cours d’eau et de leurs bassins de réception. Comme troisième motif d’annulation des permis, le département ministériel en charge des questions environnementales a estimé que la durée de validité des permis est expirée.
Au moment où nous mettions sous presse ces informations, le ministre des Mines prépare une réponse pour son collègue de l’Environnement. Par ailleurs, l’audience du 11 novembre dernier qui avait été renvoyée à ce lundi 18 novembre 2024 a été reportée à une date ultérieure par le juge de paix de Yafolila. Il aurait déclaré aux plaignants (les populations de Denso) que le PV de conciliation fut signé entre les deux parties pour permettre à la société CMC de poursuivre ses travaux sur le site.
Donc, affaire à suivre et à poursuivre.
Cyrille Coulibaly
Source : Le Nouveau Réveil