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La rupture de Mokhtar Belmokhtar avec Aqmi et ses conséquences

Aqmi et le groupe al-Morabitoune de Mokthar Belmokhtar, sont désormais en concurrence dans la bande sahélienne. Al Morabitoune est née de la fusion en août dernier de la brigade des signataires par le sang de Belmokhtar, avec le Mujao. Dix mois plus tôt, Belmokhtar, le principal fournisseur en armes de la filiale d’al-Qaïda, claquait la porte d’Aqmi, après dix années de relations tumultueuses avec son chef Abdelmalek Droukdel.

 Belmokhtar affaiblit al-Qaida défection

Tarek bin Ziyad, al-Furqan et al-Ansar : trois brigades d’Aqmi évoluent dans la zone de Mokthar Belmokthar. La filiale d’al-Qaïda vient de désigner l’Algérien Saïd Abou Moughatil pour prendre la tête de Tareq. Il succède à Abou Zeid, tué en mars lors de l’opération Serval, selon les informations de l’agence mauritanienne Nouakchott Information (ANI), l’un des trois groupes à relayer les communiqués d’Aqmi. Sur le terrain, Abou Zeid devait constamment déjouer les initiatives de Belmokhtar, relève un membre des services antiterroristes occidentaux. Ces querelles devraient se poursuivre avec le remplaçant d’Abou Zeid. « Moughadil était le bras droit d’Abou Zeid, c’est un rigoriste, comme Abou Zeid, donc on observe une certaine continuité », explique l’islamologue Mathieu Guidère.

 

 

Repositionnement au Maghreb

Depuis sa défaite essuyée au Mali, Aqmi donne des signes d’un repositionnement au Maghreb, mais la filiale d’al-Qaïda ne renonce pas pour autant à la bande sahélienne. Elle l’a clairement signifié en organisant un attentat suicide dans une garnison de Tombouctou le 28 septembre.

 

 

Abdelmalek Droukdel avait au fil des années multiplié la création de brigades dans le Sud, pour empêcher Belmokthar de régner en maître dans sa zone, qui comprend le sud-ouest de l’Algérie, le nord du Mali, la Mauritanie, et le Niger, où Belmokthar a organisé un double attentat meurtrier en mai. C’est également pour tenter de superviser Belmokthar que Droukdel avait nommé des coordinateurs dans la région.

 

 

Les commandants de brigade d’Aqmi ont toujours joui d’une importante liberté opérationnelle. Belmokhtar en a beaucoup profité, car Droukdel hésitait à tancer l’homme qui pourvoyait l’organisation en subsides et en équipement militaire. Grâce à son ancrage dans sa zone, sa proximité avec les Touaregs, et les nombreux contacts noués pour établir ses trafics, Belmokthar était devenu un homme incontournable pour Aqmi. Il en était vraisemblablement conscient, et agissait souvent sans l’aval de sa hiérarchie. Son comportement a fini par irriter les chefs d’Aqmi. Droukdel, par exemple, n’a pas du tout apprécié ses initiatives en Libye. C’est ce qui ressort de l’édifiante correspondance entre les deux hommes retrouvés par l’agence Associated Press en février 2013 à Tombouctou. Deux unités de Tareq bin Ziyad [la brigade que dirigeait Abou Zeid, ndlr] ont posé des fondations en Libye. Leur projet là-bas se poursuit. Mais tu as envoyé des hommes de ta brigade en Libye sans prévenir les émirs, ce qui constitue une transgression, car les émirs avaient confié le dossier libyen à Abou Zeid !

 

 

Une accumulation de tensions

Dans cette lettre, datée d’octobre 2012, le comité jurisprudence d’Aqmi répond en trente points à un précédent courrier de Belmokthar, qui en dit long sur les tensions accumulées. « Ta lettre n’est pas sans mérite, mais elle est truffée d’erreurs de jugement. Et puis, elle est médisante, dénigrante, et injurieuse. Il n’y a pas de place pour ce type de langage dans nos correspondances officielles. »

 

 

Dans sa réponse, le conseil de jurisprudence, qui a sans doute reçu l’aval d’Abdelmalek Droukdel, énumère les nombreux défauts qu’il attribue à Belmokhtar. Il l’accuse d’avoir négocié une rançon ridicule, sept cent mille euros, pour l’otage canadien Robert Fowler et son collaborateur, enlevés au Niger en 2008, et d’avoir insuffisamment approvisionné l’organisation en armes. Il lui reproche aussi de bouder les réunions de l’organisation, de ne pas répondre au téléphone alors qu’il trouve le temps de se répandre dans les médias, et enfin d’agir en électron libre.

 

 

Belmokhtar n’a jamais porté Abdelmalek Droukdel en estime. Il s’était opposé à ce qu’il devienne l’émir du Groupe salafiste pour la prédication et le combat en 2004, et leurs relations se sont ensuite détériorées au fil des années.

 

 

Le conseil de jurisprudence plaide dans sa lettre qu’il a été patient et indulgent envers Belmokthar, malgré ses nombreux défauts. S’il a été tolérant, le chef d’Aqmi a tout fait pour freiner la progression de Belmokthar au sein de l’organisation. Cela avait sans doute contrarié Belmokthar, mais tout porte à croire qu’il a stratégiquement choisi le moment de son émancipation d’Aqmi.

 

 

Droukdel devait être informé de l’intervention étrangère

Droukdel devait savoir qu’une intervention étrangère se profilait, et cela l’a sans doute encouragé à prendre ses distances avec Aqmi, explique un membre des services anti-terroristes occidentaux, la brigade de Belmokthar a observé une phase d’évitement durant les combats contre les hommes de Serval, car Belmokthar avait donné pour consigne à ses hommes de se préserver durant la phase des combats, poursuit cette source. Son départ d’Aqmi prive la filiale d’al-Qaida de plusieurs centaines de combattants et d’une importante source de financement.

 

 

Belmokthar souhaite désormais être en lien direct avec la maison mère al-Qaïda, qui, d’après la correspondance entre les deux hommes, encourage Aqmi à organiser des opérations d’envergure. C’est sans doute dans ce contexte qu’il faut analyser la prise d’otages sur le site gazier d’In Amenas. Lancée à la mi-janvier 2012, peu après la rupture de Belmokthar avec Aqmi, elle s’était soldée par la mort de trente-sept travailleurs étrangers et un Algérien, et elle a été revendiquée par Belmokthar.

 

 

La compétition entre les deux groupes devrait se vérifier au niveau du recrutement des combattants. Elle constitue également une menace pour les Etats où ces organisations sont implantées, mais aussi pour les intérêts étrangers. Il n’est pas exclu en effet qu’Aqmi et al-Mourabitoune se livrent à une course aux otages, et à une surenchère d’opérations spectaculaires, et forcément terroristes.

 

 

Par rfi.fr

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