Les discussions se poursuivent à Washington, en vain pour le moment. Républicains et démocrates ne sont toujours pas parvenus à se mettre d’accord pour relever le plafond de la dette américaine. En cas d’échec, le pays se retrouverait alors en défaut de paiement. Le suspense dure depuis maintenant des semaines, mais la date butoir se profile. Ce jeudi 17 octobre, le plafond de la dette sera atteint. Et, lorsque l’on parle de la dette américaine, on parle aussi d’un contrat de confiance envers le dollar, pivot des échanges internationaux.
Le plafond de la dette américaine, c’est la limite à ne pas dépasser, le seuil au-delà duquel les Etats-Unis ne peuvent plus emprunter, et donc s’acquitter de leurs obligations. Ce plafond est relevé chaque année par un vote du Congrès. Pendant des décennies, ce vote n’a souvent été qu’une simple formalité, mais depuis cinq ans, il est devenu un vrai casse-tête politique.
« Ce plafond, c’est une façon pour les parlementaires américains de garder le contrôle de la dette du pays, explique Edouard Tétreau (*), professeur à HEC. Même si cela crée des tensions chaque année, sur le principe c’est un bel exemple de démocratie américaine, dans la réalité, hélas, la démocratie américaine est prise en otage par un conflit bipartisan et par des extrêmes, notamment le Tea party républicain, qui a une compréhension très limitée de ce que signifie le dollar comme monnaie de réserve mondiale. »
En effet, lorsque l’on parle de la dette américaine, on parle de contrat de confiance, du dollar, pivot des échanges internationaux.
Dette et dollar, deux notions intimement liées
La monnaie c’est la confiance. C’est même le principal contrat de confiance entre des acteurs économiques, entre des pays, et aujourd’hui ce contrat de confiance mondial est signé autour du dollar, la monnaie mondiale par défaut. Quant à la dette américaine, elle est la garantie suprême.
« La dette américaine, c’est le titre le plus répandu sur les marchés financiers, mais surtout c’est le moyen pour les pays émergents d’avoir des réserves de change, indique Benjamin Carton, économiste au CEPII, le Centre d’études prospectives et d’informations internationales. Une banque centrale souhaite avant tout avoir le titre le plus sûr possible et aujourd’hui le titre le plus sûr possible c’est la dette américaine. C’est pour cela qu’on dit du dollar qu’il est le pilier du système monétaire international, parce que ce sont les dettes en dollars, les dettes de l’Etat fédéral américain, qui sont les actifs les plus sûrs. »
Le dollar et la dette sont donc intimement liées et représentent des garanties incontournables de solvabilité. Edouard Tétreau en donne un exemple très concret : « Quand vous avez un billet d’un dollar en poche, vous êtes détenteur d’une créance sur le Trésor américain. Le Trésor américain a une dette envers vous qui vaut 1 dollar. Et le jour où le Trésor américain dit “je ne suis plus capable de rembourser cette dette parce que j’ai dépassé ma limite“, et bien que vaut votre dollar? Qu’est qu’il vaut votre titre de créance sur le trésor américain ? Potentiellement il ne vaut plus rien. On est dans l’ambiguïté du rôle du dollar qui est à la fois une monnaie pour un pays – les Etats-Unis – et qui est la monnaie du monde. »
D’où la fébrilité des marchés et des Etats lorsque le dollar ou bien la dette américaine sont suspendus à des décisions politiques internes aux Etats-Unis.
La monnaie de référence prise en otage
La Chine et le Japon détiennent à eux seuls 47% de la dette américaine, on imagine bien que toute incertitude liée au dollar, et donc de la dette, a des répercussions qui dépassent largement les frontières américaines.
« Tout est lié, tout est extrêmement fragile, poursuit Benjamin Carton. Si vous enlevez un élément du tableau, tout le reste pourrait s’effondrer. Nous sommes vraiment dans un état de fébrilité, cela fait cinq ans que le monde est dans cet état-là. Il y a un affolement général des marchés financiers qui fait que l’anticipation, la crainte suffirait à casser la dynamique de croissance. Un scénario identique à celui de la fin de l’année 2008, après la chute de Lehmann Brothers. La question qui se pose c’est : aujourd’hui, les banques centrales ont-elles les moyens d’éviter l’inquiétude généralisée ? La question se pose et la réponse n’est pas du tout évidente. »
La suprématie du dollar peut-elle être remise en question en cas de défaut de paiement des Etats-Unis ? L’euro bénéficiera-t-il des incertitudes nées de ces crises à répétition autour du budget et de la dette américaine pour s’imposer ?
SOURCE : RFI