Il fut un moment où on disait que dans la circulation à Bamako, c’était la loi du plus fort. Et pour cause, presque personne ne tient compte du code de la route, aucune priorité n’existe, même pour les ambulances, et où la peur du policier a cédé la place au pouvoir puissant des billets de banque. Il fallait véritablement montrer ses muscles pour se frayer un chemin, ou alors prouver qu’on était fort en « gueule » à travers des gros mots et des noms d’oiseaux faisant peur aux enfants. Cette loi du plus fort existe certes toujours, mais elle a tendance à être supplantée par une nouvelle loi, beaucoup plus pernicieuse et dangereuse : celle du plus fou !
A voir certaines actions et attitudes dans la circulation à Bamako, l’on se dit qu’il faut être totalement givré, pour ne pas dire cinglé pour se livrer à des pratiques quasiment suicidaires voire meurtrières. Et même là, s’il ne s’agissait que d’une « folie normale » … Car à Bamako, ce sont l’alcool et la drogue qui rendent de plus en plus les gens fou. On consomme n’importe quel type de liqueurs, de bières ou de vins avariés pour « planer », et certains n’hésitent pas à y ajouter un peu plus de piquant à travers des produits psychotropes.
De l’autre côté, la fumée de chanvre indien créée un écran translucide entre ses consommateurs et la réalité. Résultat, personne n’a peur de rien et tout le monde semble se trouver dans une réalité virtuelle sur de larges autoroutes sur lesquelles on peut aller à fond la caisse, alors que nous nous trouvons bien à Bamako, sur des voies étroites et fortement cabossées.
Cette loi du plus fou n’a de cesse de faire des victimes. Les morts se comptent par dizaines et les blessés par centaines. Un phénomène inquiétant et destructeur. Jeunes et adultes, femmes et hommes, toutes les couches sont aujourd’hui touchées et le phénomène va grandissant. La dépendance aux stupéfiants ainsi créée rend certains très imprévisibles et d’autres violents. Un cocktail explosif qui, sous la chaleur des tropiques, finit par rendre certains complètement fou et qui ne reculent plus devant rien.
Une chose est sure, l’alcool et les drogues vont faire plus de dégâts dans notre société que n’importe quel autre phénomène. On peut continuer à faire la politique de l’autruche. Le mal est tellement profond et la gangrène tellement généralisée que même une médecine de guerre aura du mal à faire des miracles. Demandez-vous pourquoi certaines personnes refusent de boire les jus traditionnels lors des cérémonies de mariage ou de manger le riz au gras. Des confidences affirment qu’à certains endroits, on n’hésite pas à y ajouter un zest de liqueurs ou d’autres produits illicites pour rendre la fête encore plus « folichonne » …
Salif Sanogo