Quand deux ministres bissau-guinéens s’affrontent, sur fond de scandale migratoire…
C’est une de ces situations exceptionnelles dont la Guinée-Bissau a le secret : Mamadou Baldé, le ministre de la Justice, avait ordonné le 24 décembre 2013 l’arrestation de son collègue de l’Intérieur, Antonio Suca Intchama (photo), mis en cause par une commission d’enquête dans l’affaire dite des 74 réfugiés syriens. Et pourtant, un mois plus tard, ce dernier est toujours à son poste. Il a même trouvé le moyen de contre-attaquer en portant plainte, le 7 janvier, contre le procureur Abdu Mane. Il l’accuse d’avoir violé le secret de l’instruction afin de provoquer son implication dans cette affaire.
Le 10 décembre, 74 Syriens ne possédant pas les visas nécessaires avaient été embarqués de Bissau vers Lisbonne à bord d’un vol de la compagnie aérienne portuguaise TAP. “Le ministre de l’Intérieur est un colonel de l’armée de l’air, explique un expert des questions bissau-guinéennes. Comme vous le savez, ici c’est l’armée qui détient réellement le pouvoir. Elle ne laissera jamais tomber un des siens.”
En attendant l’issue incertaine de ce bras de fer entre le ministre de l’Intérieur et celui de la Justice, l’enquête a au moins permis de retracer l’itinéraire des migrants. Fuyant la guerre dans leur pays, ils étaient arrivés au Maroc en passant par la Turquie, où ils se sont procuré de faux passeports. Puis ils sont arrivés par petits groupes à Bissau par des vols réguliers de la Royal Air Maroc munis de visas de transit. “Ils ont attendu de se regrouper avant de décider de poursuivre jusqu’au Portugal, soutient une source guinéenne. Cette affaire révèle l’existence d’un réseau de passeurs qui compte dans ses rangs des diplomates, des businessmen et des policiers.”