Au Mali des témoignages font état d’une vingtaine de convives à un mariage tués par une frappe aérienne non identifiée ; la force Barkhane reconnaît avoir frappé des positions djihadistes et exclut toute erreur de cible. A Hong-Kong, coup de filet policier contre l’opposition pro-démocratie.
A commencer par les médias locaux de cette région de Douentza, près de la frontière avec le Burkina Faso. La radio Studio Tamani a été la première à se faire l’écho des témoignages d’habitants du village de Bounti, qui se multipliaient sur les réseaux sociaux : une vingtaine de civils maliens, convives à un mariage ce dimanche, ont été tués par des frappes aériennes. Les témoins parlent d’un hélicoptère non identifié qui volait à basse altitude ; il aurait donc ciblé la noce… et on n’en sait pour le moment pas beaucoup plus.
Ce que l’on peut établir, poursuit toutefois Le Djely guinéen, c’est que « cette fois les responsables de cette tuerie ne sont ni des djihadistes ni des groupes d’auto-défense échappant au contrôle des autorités maliennes ». Non, pour frapper ainsi depuis le ciel, il ne peut s’agir que de deux protagonistes : les forces armées maliennes ou la force française Barkhane qui, en ce moment on le sait, est engagée dans un combat particulièrement intense avec les groupes djihadistes dans cette région du Mali en particulier.
Or, reprend Le Djelyî, la France est formelle : elle reconnaît avoir frappé un groupe terroriste le même jour dans le même secteur, avec des avions Mirage et non avec des hélicoptères. Paris exclut fermement toute erreur, dans une communication a minima qui, il faut bien le dire, ne suffit pas à éteindre la flambée de sentiments anti-français à laquelle on assiste depuis dimanche sur les réseaux maliens.
Quant aux forces armées du Mali, elles ont d’abord, lundi, gardé un silence pesant avant, comme le relaie faute de mieux L’Indépendantde Bamako, de se borner à déclarer qu’elles n’avaient “mené aucune opération ce jour-là au-dessus du secteur concerné“.
Des deux réponses, la française et la malienne, aucune ne satisfait vraiment Le Djely, qui voit derrière ces postures de déni “du flou et des non-dits“. “Si en effet Barkhane n’était pas responsable de ce raid, pourquoi n’aiderait-elle pas alors à identifier ce qui en sont les coupables ?” s’interroge le quotidien guinéen. “Et quand l’Etat malien réalisera-t-il que c’est à lui de protéger ses citoyens, et de leur dire ce qu’il s’est réellement passé à Bounti ?” La pression est donc mise sur Bamako et Paris pour qu’elles acceptent d’enquêter sur ce qui s’est réellement passé à Bounti, ce qu’elles refusent pour le moment de faire alors que la Minusma, la force de l’ONU au Sahel, a déclenché sa propre enquête mardi.
Alors, des villageois maliens ou des militaires, qui dit vrai dans cette affaire ? On bute toujours sur cette question, avec l’Observateur Paalga du Burkina Faso voisin qui se voit, comme ses confrères africains, réduit aux hypothèses : s’agit-il d’une énorme et meurtrière “bavure, que la France voudrait maquiller grossièrement” ? ; s‘agit-il, à l’inverse d’une “tentative de manipulation de l’opinion menée par les djihadistes eux-mêmes, passés maîtres dans l’art de la désinformation et des fakes news ?”
Les doutes persistent sur les deux versions qui s’affrontent, estime à son tour le journaliste spécialiste des opérations extérieures de l’armée française Jean-Marc Tanguy sur son blog Le Mamouth. Il s’étonne qu’aucune image de l’attaque filmée depuis le sol n’ait été diffusée par les villageois, s’étonne aussi du temps (36 heures) qu’il a fallu à l’état-major français pour répondre aux soupçons, dans une forme, qui plus, est très lapidaire. Barkhane ne dissipera pas les doutes tant qu’elle n’aura pas déclassifié les vidéos des frappes qu’elle a forcément en sa possession, poursuit le journaliste défense qui nous apprenait aussi lundi, dans un autre article, que Paris a déjà commencé à réduire les effectifs de sa force Barkhane au Mali alors qu’aucun ordre de retrait du Sahel n’a encore été pris, officiellement en tous cas.
A Hong-Kong, la police a procédé ce matin à un coup de filet sans précédent dans les rangs de l’opposition pro-démocratie.
Une cinquantaine de militants et d’anciens députés, tous en lutte contre la reprise en main de Hong-Kong par la Chine, ont été arrêtés dans des opérations coordonnées et massives, selon la BBC c’est “la plus importante répression politique depuis que le territoire s’est vu imposée par Pékin cette loi de sécurité nationale”, promulgée en juin 2020, qui met fin de facto aux libertés démocratiques qu’avait jusque-là conservé l’ancien protectorat britannique.
Le tort de ces opposants arrêtés au petit matin, selon le South China Morning Post, c’est d’avoir participé en juillet de l’an dernier aux primaires de leur mouvement en vue des élections de septembre. Ces primaires avaient été interdites par les autorités de Hong-Kong, elles s’étaient déroulées clandestinement, et au final, les candidats pro-démocratie avaient été empêchés de se présenter.
Le profil de plusieurs d’entre eux, une jeune génération très contestataire issue des manifestations de l’an dernier, aura achevé d’effrayer Pékin, analyse le South China Morning Post… et les voilà donc aujourd’hui arrêtés, sur la seule base de leur volonté de participer à des élections, présentée par la justice comme un “plan coordonné de destruction et de paralysie du gouvernement local“.
Tout aussi grave, ce matin également, de officiers de police se sont présentés aux sièges de plusieurs médias de la ville, notamment celui de l’Apple Daily qui explique s’être vu intimer l’ordre de livrer, sous une semaine, certains documents internes et d’archives. La BBC nous rappelle que le fondateur du journal, Jimmy Lai, 73 ans et un soutien indéfectible aux pro-démocratie de Hong-Kong, vient d’être renvoyé en prison sur des soupçons d’”atteinte à la sécurité nationale et conspiration avec une puissance étrangère“.
Source: franceculture