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La chronique : Trop de permis de tuer

Canada, USA, Union européenne à travers ses Etats membres accrédités à Bamako : il fut très audible le concert de réprobations des chancelleries bamakoises qui a accueilli ce weekend, les tragiques événements de Nantaka et de Kobaka où le gouvernement malien a lui-même reconnu l’existence de charniers imputables à des éléments de l’armée nationale.

Et c’est bien la première fois que Bamako fait face à une unanimité autant indignée de ses partenaires qui étaient jusque-là dans le service minimum, à savoir laisser agir la Minusma qui n’a eu de cesse, il est vrai, d’alerter et sur les piétinements dans la mise en œuvre de l’accord et sur la poudrière du Centre. Un volcan où coexistent et s’imbriquent tous les ingrédients d’une nouvelle crise malienne, la plus redoutable et la plus déstabilisatrice en raison des facteurs qui l’alimentent. Parmi ces facteurs, retenons-en trois : d’abord, le djihadisme ethnico-nombriliste porté certes  par l’illuminé Hamadoun Kouffa mais poussant également sur le terreau  des crispations identitaires et galère d’un ex eldorado prolétarisé; deuxièmement, le prisme nordiste qui a transformé en libérateurs iconiques la jeunesse naguère paumée des Ishoumars  mais devenus aujourd’hui des interlocuteurs respectés de l’Etat central, eux qui sont revenus de la Libye sans troupeaux, avec la kalach en bandoulière  ; et least but not last, une réponse militaire décriée par les Peulh qui dénoncent le délit de sale gueule, avant que nombre d’entre eux n’y trouvent le prétexte ou la raison d’aller grossir les rangs djihadistes.

UN AVANT ET APRES NANTAKA ?

Deux questions pour terminer. D’abord, pourquoi quand il avait la possibilité de nier, le ministre de la Défense a-t-il cette fois-ci reconnu l’existence de charniers à Nantaka ? Réponse : cette fois-ci, la ficelle était trop grosse, le 13 juin, ce sont des Peulhs qui ont été embarqués par l’armée qui avait pris la précaution de libérer toutes les autres ethnies et c’est le lendemain que les villageois ont découvert  dans des charniers les cadavres frais de leurs fils, frères et pères. Les réseaux sociaux, de plus en plus maîtres du journalisme viral, avaient quasiment rapporté en temps réel l’affaire de Nantaka et Kobaka. Quant au pauvre ministre en était à sa troisième interpellation et à sa nième acrobatie plaidoirie pour sa chapelle  en l’espace de quelques semaines, et ce sur des allégations crédibles d’exécutions extra judiciaires par des porteurs d’uniformes. Ensuite, l’autre question : celle de savoir si désormais il y aura un avant et après Nantaka. Ici, la réponse mérite prudence.  Si les événements de Koumaga  à Djenné samedi, sont de nature différente de ceux de Nantaka, ils ont été extrêmement mortels. Ajoutons-y, ceux qui dimanche ont encore opposé Peulh et Dogon et nous nous rendrons à l’évidence que le Centre subit une inquiétante hémorragie interne. Quelle qu’en soit l’origine, il s’est habitué au sang, un peu trop habitué au sang. Or,  le sang appelle la vengeance et la vengeance engendre la spirale. Des ethnies qui y avaient jusque-là cohabité en paix s’entretuent. Les djihadistes se frottent la main tout en appuyant sur la gâchette. Les rancoeurs sortent, de toutes sortes, et les camps se forment.  La précarité s’y structure, car déjà pauvres, les populations deviennent plus pauvres, faute de pouvoir vaquer à leurs activités de production. Pour tout le monde, parfait bouclier, la présidentielle passe avant tout. En fait, au Centre il y a trop de permis de tuer. Sauf qu’au finish, c’est le Mali qu’on tue.

 

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