Administrateur/conseiller et journaliste culturel, animateur, producteur à Radio Bamakan, comédien retraité du ministère de la Culture, Gabriel Magma Konaté, dans cette contribution déposée à notre rédaction, brosse l’état des lieux de la Biennale artistique et culturelle de la jeunesse du Mali de sa création à aujourd’hui, le constat d’aujourd’hui et fait des propositions pour la reprise de la Biennale au Mali.
Etat des lieux
En septembre 1958, Bamako a abrité le 1er Festival africain. Cette manifestation d’envergure continentale a énormément influencé le fondement des activités artistiques et culturelles du Mali après son accession à la souveraineté nationale et internationale.
En effet, en 1962 après la réforme de l’enseignement, il fut instauré une Semaine de la jeunesse afin de revaloriser le patrimoine artistique et culturel et réhabiliter socialement l’homme malien, voire l’homme africain.
La jeunesse, fer de lance de la nation, se devait d’être le ciment de l’unité nationale par le brassage de ses différentes composantes des campagnes à la ville. Il lui incombait de reconstituer la vérité historique des luttes d’indépendance pour l’éveil des consciences face à la construction d’un Mali digne et prospère.
En 1968 un coup d’Etat militaire renversa le premier régime. Il s’est tenu en décembre 1969 un séminaire de restructuration de la jeunesse. Avec la création des comités culturels de plein air (CCPA), en application des résolutions des travaux de ce séminaire, la première Biennale artistique et culturelle de la jeunesse fut organisée en 1970.
A l’instar de la Semaine de la jeunesse, le grand rassemblement avec comme objectif de donner à la jeunesse malienne, tous les deux ans, un cadre de :
– Mobilisation pour la construction nationale
– Exploitation et conservation du patrimoine nationale
– Formation, échange, divertissement
– Promotion artistique et culturelle pour le rayonnement malien au cours des échanges africains et internationaux.
Le Comité militaire de libération nationale (CMLN) avait donc inscrit la Biennale dans la même veine de la Semaine de la jeunesse.
A partir de 1990, une révolution populaire renversa le régime militaire. Hélas avec l’avènement d’un régime civil démocratique, la Biennale fut mise sous l’éteignoir !
Pourtant ! L’Afrique entière nous enviait la Biennale. Le ministre ivoirien de la Culture d’alors Laurent Donan Fologo était invité d’honneur de chacune des éditions de la rencontre des jeunes du Mali ; et émerveillé il confiait en substance : « Comment le Mali peut-il réussir ce tour de force, à regrouper sa jeunesse de l’Est à l’ouest du Nord au sud pendant une semaine dans la capitale en une série de compétitions, sans heurt, pour pérenniser ses valeurs fondamentales ? »
Les initiateurs de l’événement eux le savaient. Mais, malheureusement chez nous au Mali, l’administration n’est pas une continuité. Le nouveau décideur une foi installé, jette à la poubelle les projets de son prédécesseur au vu et au su des conseillers qu’ils les ont élaborés.
Un mot d’ordre nouveau : innovation !
Une tentative de reprise de la Biennale échoua lamentablement sous l’appellation Semaine nationale des arts et de la culture (Snac) parce que saboté par le premier jeune, le président de la République de l’époque qui, le jour de l’ouverture du plus grand rassemblement de la jeunesse de son pays, s’est envolé dans un autre pays, vers une jeunesse meilleure à la sienne.
La nature a horreur du vide, nous apprend-on. Faute de mieux en faveur de l’absence d’espace d’expression artistique, naquirent des éléments folkloriques à travers le pays, dénommés festivals. Chaque région, chaque ville, chaque cercle, chaque hameau, chaque ethnie revendique son festival. Mais un constat s’impose, de cette multitude de rencontres folkloriques, peu sont porteuses d’un projet structurant autour d’objectif de développement économique et social de leur localité.
Les années ont passé.
La Biennale est revenue, mais tournante comme la Biennale sportive de 1979 à Ségou initiée par un jeune ministre visionnaire qui, hélas, fut le saboteur de la Snac bien des années plus tard.
Après ce constat amer que peut-on proposer ?
Aujourd’hui la reprise de la Biennale est à l’ordre du jour.
De prime abord, son organisation en cette année 2016 serait assez difficile parce que le succès de la Biennale résidait en l’implication de la base au sommet : du village à l’arrondissement, au cercle, à la région, à la nation ; le travail en amont est on ne peut plus considérable.
La mise en place d’une structure faitière est un préalable. Un pays voisin s’est inspiré de la Biennale pour réussir la mise en place d’un secrétariat permanent de la semaine culturelle ; celui qui avait été créé chez nous fut dissout. Pourquoi ? L’administration n’est une continuité dans un pays où le nombrilisme du chef est un manteau sous lequel chaque collaborateur se cache dans les structures pour les privilèges et leur seul confort tout en distillant autour d’eux de façon éhontée : « Le chef n’en fait qu’à sa tête. Il n’écoute personne, toute initiative ne venant pas de lui n’est pas viable. Que peut-on faire ? Le mensonge est érigé en système de valeur. On est donc obligé de faire profil bas puisqu’il s’agit de faire du nouveau avec de l’ancien ».
Oui ! Il n’y a rien à faire dans un pays où le décideur ne connait pas la différence entre instruction et culture dans le choix de ses collaborateurs, la culture sera difficilement alors une valeur marchande pour le Mali.
Il s’agira donc de créer un comité de pilotage de la Biennale artistique et culturelle de la jeunesse du Mali.
Un comité de pilotage de cinq membres avec des carnets d’adresses nationales et internationales.
Un comité autonome et indépendant en dehors de la lourdeur administrative de la capitale composé de :
– Un président
– Un secrétaire général
– Un secrétaire chargé de la recherche et de la promotion
– Un secrétaire chargé de la presse, de la communication et de l’information
– Un spécialiste de la finance.
Le département de tutelle assignera à ce comité de pilotage une feuille de route et mettra à sa disposition et sa demande une batterie de collaborateurs pour son fonctionnement ; à l’abri du besoin, avec une obligation de résultats affichés.
A partir de la feuille de route du département de tutelle faisant office de statut, un règlement intérieur déterminera les attributions des cinq pilotes de la Biennale artistique et culturelle de la jeunesse du Mali et le fonctionnement du comité.
Ainsi, l’année 2016 pourra être mise à profit pour la préparation des phases locales et l’année suivante l’exécution du grand rassemblement de la jeunesse du Mali. La Rentrée culturelle inter-biennale du département de tutelle servira à jauger la qualité des réalisations de comité de pilotage.
En ce siècle où l’expertise culturelle est déterminante dans le développement politique, économique et social d’un pays, la prise en charge du rayonnement culturel de notre Mali par une structure administrative n’est plus à mes yeux avérée.
Magma Gabriel Konaté
Source: lesechos