Les jours se suivent et se ressemblent dans la région de Kidal. Les quelques symboles rappelant son appartenance à l’Etat malien s’amenuisent de jour en jour, et pour couronner le tout, l’armée malienne quittera bientôt les villes d’Aguelhoc et de Tessalit.
Kidal, la dernière localité érigée en région dans le cadre de la décentralisation au Mali, a connu un bien moindre essor par rapport aux autres territoires du même statut administratif. Ce retard est largement dû aux conflits récurrents qui minent la région depuis des décennies. L’aridité connue aux territoires désertiques et son corollaire d’aléas climatiques ne sont évidemment pas en reste.
Malgré les conséquences néfastes qu’elles ont causé à la fois sur l’environnement et sur les populations, les rebellions n’ont jamais cessé au nord. La dernière en date, celle déclenchée par le Mouvement National de Libération de l’Azawad (MNLA), et qui a déjà engendré des dégâts irréparables, est en passe de réaliser ce qu’aucune des précédentes rebellions n’a réussi : séparer les populations du nord de leur patrie mère.
Les habitants du septentrion malien ont toujours désapprouvé les entreprises machiavéliques des différents groupes armés. Raison pour laquelle les rebelles, même étant financés par l’étranger, n’ont jamais bénéficié de soutien officiel d’Etats. Cependant, cette fois-ci la communauté internationale, faisant fi des réalités sur le terrain, ne semble plus autant intransigeante sur le principe de l’unité du Mali.
L’autonomie : une question de temps
Le mois de mai 2014 est une date qui sera gravée dans les annales d’histoire. En effet, durant le mois dernier, Kidal a été le théâtre d’évènements qui se sont révélés décisifs par rapport au sort prochain de la région. Tout est arrivé à la suite de ce qui devait être qu’une simple visite du chef de l’administration malienne à une partie de ses collaborateurs. Malheureusement, les choses ne sont pas déroulées comme elles se devaient. Et finalement, le déplacement qui devait permettre d’asseoir davantage l’administration malienne dans la région est celle qui mena à sa perdition.
Le Mali paya un lourd tribut pour cette énième tentative d’instauration de l’autorité de l’Etat à Kidal. En plus de nos martyrs tombés pour cette noble cause, nous n’avons vraisemblablement pas terminé de nous acquitter de la rançon pour la paix.
Après que notre armée ait subi la troublante défaite suite aux affrontements de Kidal, le chef de l’Etat mauritanien s’était dépêché de se rendre au nord pour négocier la cessation des hostilités. Un cessez-le-feu a été obtenu et les rencontres préliminaires aux négociations formelles entre le gouvernement et les rebelles se sont succédées comme jamais auparavant.
L’Algérie a servi de facilitateur pour réconcilier les positions des groupes armés afin d’aboutir à une harmonisation de leurs revendications. Une plateforme a été récemment signée dans ce sens.
Il est évident qu’une telle bonne volonté des groupes armés criminels cache, comme toujours, des dessous diaboliques.
Le statut administratif des régions sera la pierre angulaire des discussions à venir. Si nous avions longtemps pu résister, cette fois-ci le sort semble gelé. Le Mali se retrouve entre le marteau de la communauté internationale et l’enclume des groupes armés, alliés des sanguinaires djihadistes. Nos autorités repoussent tant qu’ils peuvent ces satanées négociations qui, ne nous voilons pas la face, naîtront d’une très probable autonomie pour Kidal à défaut de celle de l’intégralité du nord du Mali.
Tout semble n’être plus qu’une question de temps.
L’indépendance : l’objectif final
Le bien être des populations n’a jamais été le souci des différentes rebellions et elles ont toutes un point commun : la revendication d’indépendance.
Essentiellement composés de brigands, les groupes armés ont besoin de ce préalable pour que le trafic de drogue et autres crimes puissent proliférer en toute liberté dans le grand nord du Mali, sans qu’aucune entité n’ait un droit de regard et les combatte en conséquence.
La rébellion de 2012, déclenchée par le MNLA, et qui perdure de nos jours, poursuit la même finalité. Ce n’est d’ailleurs qu’après le cinglant revers affligé par les terroristes que le MNLA a reconnu l’intégrité territoriale du Mali et s’est engagé par la suite dans l’accord de Ouagadougou à la respecter. Auparavant, le mouvement avait proclamé l’indépendance du nord du Mali.
Le MNLA et les autres groupes armés ont, cependant, continué à renier l’intégrité territoriale du Mali tant dans les discours qu’à travers les faits. Mohamed Djeri Maïga, le vice-président du MNLA ne s’en est jamais caché. Voici ce qu’il affirmait en février 2014 :
« Nous avions demandé une indépendance, mais les Etats du monde ne nous ont pas compris et nous sommes revenus à la raison en proposant l’autonomie, mais cela ne veut pas dire qu’on renonce à l’indépendance. Je n’ai jamais renoncé à l’indépendance. C’est moi qui ai créé le MNA et c’était dans le but d’obtenir cette indépendance. J’ai même été plusieurs fois en prison à cause de ça. Aujourd’hui, on n’a pas la force de réaliser notre objectif parce qu’on ne peut aller seul, mais on ne renonce pas à l’indépendance. »
En attendant la concession de l’autonomie de Kidal, voie vers l’indépendance, le Mali existe de moins en moins dans cette région.
Après que l’administration et l’armée aient ramassé leurs bagages dans la ville de Kidal, c’est au tour des localités d’Aguelhoc et de Tessalit d’être privées de l’armée nationale. Cantonnés dans les camps de la MINUSMA, les soldats maliens se sont vus signifier par la mission onusienne qu’ils ne peuvent rester sur les lieux.
La MINUSMA se dit incapable « d’accueillir dans de bonnes conditions un si grand nombre de personnes. » Conséquence : nos soldats devront très prochainement quitter ces villes.
Même si leur liberté de mouvement est restreinte, leur présence constitue un symbole important pour l’affirmation de la souveraineté malienne. C’est d’ailleurs sur cette présence symbolique que le gouvernement malien se basait pour justifier que la région de Kidal reste encore sous contrôle malien.
Si nos soldats plient bagages, le Mali devra dire adieu à ces localités. En effet, cela reviendrait à accorder de facto aux rebelles un pouvoir de contrôle militaire sur la région. Et personne n’est dupe, la MINUSMA ne fera rien, en notre absence, pour empêcher l’installation des groupes armés dans l’ensemble des villes de Kidal.
Sans l’armée malienne à Kidal, l’indépendance de la région ne serait-elle pas un fait avant l’heure ?