Avec l’encadrement et sous l’œil vigilant de la France les animateurs du Mouvement national de ‘livraison’ de l’Azawad (MNLA) ont posé des actes ignobles et inhumains sur les personnes de race noire à Kidal, la semaine dernière. Le but recherché à travers cette sauvagerie n’est ni plus ni moins que l’incitation à la haine raciale. Heureusement que les maliens ont compris et vivent en parfaite harmonie avec leurs frères et sœurs touaregs, Tamasheqs, arabes, peulhs et autres. La France qui les couve est prête à faire tout pour arriver à son objectif.
Kidal ou la dernière épreuve des nerfs. Face aux rumeurs les plus folles, justifiées ou non, qui circulent sur la situation actuelle de la ville de Kidal, il est temps, me semble-t-il, grand temps pour le gouvernement, de communiquer pour rassurer l’ensemble des populations maliennes. Communiquer pour rassurer, mais aussi pour éviter des coups de sang chez le peuple et son armée, coups de sang ardemment recherchés par le MNLA et ses complices, mais susceptibles de remettre en cause beaucoup de nos acquis majeurs. Car il ne faut pas se faire d’illusions, notre situation est très précaire. Il suffit d’une étincelle pour remettre le compteur à zéro, y compris celui en cours du processus de normalisation politique.
Mieux communiquer et apaiser pour plusieurs raisons.
La première est d’éviter à notre pays de tomber dans les multiples pièges que le MNLA, de sa création à nos jours, n’arrête de lui tendre, et ce, dans le seul but de parvenir à ses fins, à tout prix : la division de la nation malienne.
En effet, honni, banni par ceux-là mêmes qu’il prétend défendre (les populations « blanches » des régions nord du Mali), ayant échoué sur tous les fronts, (militaire, diplomatique), le MNLA, cherche à renaître de ses cendres à la faveur de l’intervention française (la réponse revient aux Français). Le MNLA donc veut maintenant imposer une guerre ethnique et raciale au Mali. Une dangereuse éventualité que notre histoire multiséculaire n’avait auparavant jamais connue. De mémoire d’homme, il n’y a jamais eu sur cette terre du Mali, depuis la chute de l’empire du Ghana, une guerre opposant exclusivement une ethnie à une autre, une race à une autre. Il y a certes eu des affrontements sporadiques entre éleveurs et sédentaires, mais jamais au point que cela prenne l’ampleur d’une guerre ethnique ou raciale.
Même les guerres à caractère religieux que notre pays a connues de par le passé, comme celles d’El Hadj Omar Tall et de l’Almamy Samory Touré, n’ont jamais opposé, de façon exclusive, une race ou une ethnie à une autre.
Les descendants d’esclaves dont on parle peu, les Bella et autres populations noires du Sahara, originaires du sud du pays, n’ont jamais été pris lors de batailles rangées opposant les populations noires aux populations blanches. Leurs ancêtres ont été soient enlevés lors de razzias sur les villages sédentaires, ou vendus, tout comme le fut Kounta Kinté dans Racines, et tant d’autres.
Il y a certes eu des guerres de religions (guerres omariennes contres les Bambara et autres peuples animistes, guerre de la naissance du royaume du Macina, les guerres samoriennes…), mais aucune de ces guerres, de mon point de vue, n’a opposé une ethnie à une autre, une race à une autre.
Par exemple, il y avait des officiers Bambara dans l’armée d’El Hadj Omar Tall, des offciers Bambara dans l’armée de Cheikou Ahmadou Barry lors de la fameuse bataille de Nakuma, officiers et soldats sans doute convertis à l’islamisme. Le fameux Djadjiri, héros des batailles de Woïtala et de Ségou (que chantent de nos jours encore les griots), était un Bambara Massassi, les mêmes Massassis qui avaient vaillamment combattu El Hadj Omat Tall dans le Kaarta…
C’est pour dire que, par ses provocations verbales et les actes qu’il pose ces derniers temps dans la ville de Kidal, le MNLA et ses complices veulent pousser le peuple malien et son armée dans leur piège diabolique : à bout de nerfs, pousser l’armée à se soustraire de la tutelle des politiques et réagir de manière épidermique, d’une part et d’autre part, pousser les populations noires à commettre des exactions sur les populations blanches. L’une dans l’autre, ces postures pourraient nous mener droit dans le mur. Car nous avons face à nous des gens qui n’ont rien à perdre, ayant déjà tout perdu, à commencer par l’estime de leur propre communauté qu’ils n’hésiteront pas à sacrifier sur l’autel de leurs ambitions folles. De telles personnes ne reculeront devant rien, rien que pour sauver leur tête face à la justice malienne et internationale auxquelles elles rendront compte si un accord politique ne leur garantit pas l’impunité.
Il faut que nous gardions à l’esprit que, malgré toutes les tares du régime d’ATT, la démocratie malienne aurait, tant bien que mal, continué son petit bonhomme de chemin tortueux si le même MNLA et ses alliés d’AQMI, de MUJAO et autres, ne lui avaient pas assené le coup fatal qui a déclenché, en janvier 2012, leur rébellion armée. Il faut tout aussi que nous gardions à l’esprit qu’à chaque tournant décisif de l’histoire du Mali indépendant, le même problème, comme par hasard, se reproduit: la rébellion de 1962-1963, comme par hasard, s’est déclenché dans le sillage de la création du Franc Malien. Celle de 1990, dans la foulée des luttes du mouvement démocratique pour l’instauration du multipartisme. La rébellion de 2006 visait à tirer partie des élections générales de 2007. Enfin, ce n’est pas par hasard que le MNLA a lancé ses hostilités en janvier 2012, à la veille d’autres élections générales où l’incertitude planait sur la tête d’un Etat très fragilisé par la collision dangereuse de ses dirigeants avec le narcotrafic, la prise d’otages et le crime organisé sur fond de corruption et de gabégie généralisées au niveau de l’administration centrale.
Il n’est un secret pour personne que, malgré tout ce bruit entretenu autour de Kidal, le MNLA ne dispose pas de combattants capables de faire face aux troupes maliennes. C’est donc la population civile qu’ils vont utiliser comme bouclier humain en cas d’hostilités afin de brandir, comme ils en ont l’habitude, des « preuves matérielles » de crimes contre l’humanité. Ce qui leur servirait de faire-valoir auprès des institutions internationales auxquelles ils feront la démonstration que « nous ne pouvons pas vivre ensemble sur le même territoire ».
Si par malheur ce scénario arrivait à se présenter, non seulement l’armée malienne serait « éclaboussée », mais aussi la France en tant que puissance ayant appuyé le Mali dans la reconquête de son territoire. Toute chose qui remettrait en cause les immenses sacrifices que le peuple malien a déjà consentis pour le recouvrement de son intégrité territoriale.
Il ne faudrait donc pas que notre armée tombe dans le piège de la provocation. Quand on a un dessein plus élevé et qu’on fait face à des gens sans foi ni loi, qui n’ont aucune honte à mentir, à dire et à se dédire du jour au lendemain, il faut savoir faire preuve de sang froid et laisser les illuminés tomber dans leur propre et sale piège.
Dans cette même démarche machiavélique, le MNLA veut pousser les populations noires du Mali à commettre des exactions contre leurs compatriotes à peau blanche. Dans l’un comme dans l’autre cas, c’est le même objectif qui est visé, à savoir, prouver au monde entier que le problème du Mali est un problème d’ethnie ou de race, et du coup, exiger la scission du pays sous l’égide de la communauté internationale. Je donne ma main à couper que c’est dans le même dessein que le MNLA s’est allié aux terroristes pour obtenir par tous les moyens une intervention internationale au Mali; laquelle leur donnerait voix au chapitre et la légitimité qu’il n’a jamais eue.
Dans la situation actuelle relative à Kidal, il faudrait donc que la France et le Médiateur mettent la pression sur le MNLA afin de l’obliger à mettre fin à ses surenchères et ses actes de provocation, s’ils ne veulent pas voir tous les efforts consentis pour la stabilité du Mali, s’effondrer comme un château de cartes. Car, comme le dit si bien un adage bien de chez-nous, le cœur n’est pas comme le genou pour se plier à tous les coups. Tout peut échapper aux politiques, la population comme l’armée, surtout que nous sommes dans une transition.
Bassakoro Diarra,Ecrivain