La flamme olympique arrive mercredi 5 février à Sotchi, et la cérémonie d’ouverture des Jeux d’hiver va avoir lieu vendredi dans le très beau stade olympique Ficht, du nom du sommet qui culmine à 2 868 mètres au-dessus de cette cité balnéaire du Caucase. Ces jeux revêtent une importance toute particulière pour la Russie et pour son président.
De notre correspondante à Moscou,
Vladimir Poutine s’était investi personnellement dans la candidature de la ville, qui est située au bord de la mer Noire, au pied des montages du Caucase. Le président russe en a fait une affaire personnelle. Il a suivi l’évolution du chantier et s’est rendu régulièrement à Sotchi où il possède aussi une résidence secondaire.
La Russie a investi beaucoup dans ces Jeux qui sont sans doute les plus chers de tous les temps. Le Premier ministre Dmitri Medvedev a récemment reconnu sur la chaîne américaine CNN que 50 milliards de dollars avaient été investis dans la région, mais il affirme que sur cette somme, seuls 6,4 milliards ont été dépensés pour les Jeux proprement dits.
L’enjeu politique
Pour Arnaud Dubien de l’observatoire franco-russe, ces Jeux sont devenus un enjeu de prestige, et peu importait la dépense. Comme d’autres grands événements sportifs ou politiques (le sommet des pays asiatiques de Vladivostok en 2011, ou la Coupe du monde football en 2018), ils sont censés illustrer la nouvelle capacité de la Russie à organiser de tels événements, sa capacité financière et d’attractivité. Ces événements doivent contribuer au rayonnement du pays.
Mais en attirant l’attention du monde sur la Russie, Vladimir Poutine a aussi attiré l’attention sur les violations des droits de l’homme ou l’homophobie. Et cela va à l’encontre de l’image positive que veut donner la Russie. Ce souci de l’image du pays peut expliquer en partie le fait que Vladimir Poutine ait procédé à une amnistie et ait notamment gracié Mikhaïl Khodorkovski. Pour Arnaud Dubien, les Jeux auront contribué au développement du sud de la Russie. Il pense également qu’il y aura des changements politiques après Sotchi, et que le régime devra se pencher un peu plus sur la situation économique du pays, car il est nécessaire de relancer la croissance.
La sécurité
La condition nécessaire pour que le président russe puisse dire qu’il a réussi son pari, c’est la sécurité. Pour Andreï Soldatov, journaliste spécialiste des questions de sécurité, la menace est réelle, mais malgré l’important déploiement de moyens, les forces russes ne sont pas bien préparées. Il y a eu une réforme des services antiterroristes en 2006, dont l’objectif était de répondre à une entrée massive dans le pays de combattants caucasiens ou de réagir à une prise d’otages importante. L’attention a été portée surtout sur les effectifs et la réorganisation des services. Cette réforme se situe après la prise d’otages du théâtre de la Doubrovka à Moscou, et de l’école de Beslan en Ossétie du Nord.
Mais dans le même temps, les islamistes du Caucase ont modifié leur fonctionnement et leur mode d’action. Ils ont privilégié les petits groupes et les actions de kamikazes individuels. Donc la réforme des services antiterroristes n’était pas adaptée. Quand il s’agit d’action menée par des individus seuls, il faut surtout améliorer le renseignement. Or les services de sécurité ont une approche de la répression très violente au Caucase du Nord, et cela n’aide pas à obtenir des renseignements. La meilleure source d’information, ce sont les amis ou la famille. Mais les dernières lois prévoient des punitions collectives, telles que des amendes pour les familles des terroristes.
Un projet de loi envisage même la prison. Au Daguestan notamment, qui est la région la plus instable du Caucase, les attentats ne visent pas les civils. Les terroristes jouissent donc d’une certaine sympathie de la part de la population, qui n’est pas encline à aider les forces de sécurité.
Quant à la surveillance d’internet et des communications, elle serait peu efficace à l’égard de groupes très mobiles. Dans ce secteur, il y a eu quelques cas de policiers corrompus, qui pratiquaient des écoutes privées pour le compte d’homme d’affaires, au lieu d’assurer les écoutes prévues
Et pour Andreï Soldatov, une coopération dans le domaine de la sécurité avec les Américains, comme les Etats-Unis le souhaitent, est difficilement envisageable en raison de méfiance réciproque. Et le responsable de la sécurité à Sotchi est membre du contre-espionnage, donc n’a pas la culture de la coopération internationale.
Des installations modernes
Sur le plan sportif, le journaliste russe Boris Titov, trouve que les installations de Sotchi sont de bonne qualité. Il y a eu beaucoup de retard dans la construction du complexe de saut à ski, mais il espère qu’il est solide maintenant. La députée Svetlana Jourova, ancienne championne olympique de fast track et maire d’un des villages olympiques, reconnait qu’il y a encore quelques travaux dans la ville, mais « les Jeux ont lieu dans les stades, pas sur les routes », dit-elle.
Le président du Comité olympique russe Alexandre Jukov est très fier des équipements sportifs de Sotchi. De nouveaux sports de neige deviennent disciplines olympiques. Ainsi, douze nouvelles médailles vont être mises en jeux dans ces nouvelles disciplines. La plupart viennent des x-games, des disciplines modernes très populaires parmi les jeunes. Par exemple le slopestyle, qui est une nouveauté dans le programme des Jeux olympiques.
Et certains sports s’ouvrent aux femmes, comme le saut à ski. Il y aura aussi de nouvelles épreuves par équipe. C’est le cas du patinage artistique, ou du biathlon-relais. Alexandre Jukov est confiant concernant la lutte contre le dopage. Un laboratoire très moderne a été construit à Sotchi, avec toutes les technologies les plus pointues. Et le nombre d’analyses qui vont être faites doit être beaucoup plus élevé que lors des Jeux de Vancouver.
Le journaliste Boris Titov pense qu’après les Jeux, ces installations seront utilisées pour l’entrainement des athlètes russes. Ce sera notamment le cas du stade de patinage de vitesse. Le Championnat du monde de bobsleigh en 2016 pourrait avoir lieu sur la piste de Sotchi. Le centre de presse d’Adler devrait être transformé en centre d’exposition et centre commercial. Les hôtels, en revanche, seront sans doute un peu chers pour les Russes. La cérémonie de clôture de ses 22ème Jeux olympiques d’hiver aura lieu le 23 février prochain.
rfi