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Industrie hôtelière et Covid-19 : le personnel féminin entre doute et espoir

Dans l’industrie hôtelière, de nombreuses femmes ont perdu leur emploi. Celles qui ont pu garder leur poste, malgré la crise de Covid-19, restent prudentes sur leur sort tant les entreprises hôtelières restent très fragiles.

 

Perdue dans ses pensées devant un kiosque de produits de beauté, Fanta, entourée de ses deux enfants, tente de se reconstruire une nouvelle vie depuis cinq mois. La pandémie de la Covid-19 est à l’origine de la perte de son emploi qu’elle exerçait, depuis 10 ans, dans un grand hôtel de la place. « Je tente de reconstruire ma vie ici, mais la réalité quotidienne marquée par la rareté des clients m’indique que j’ai encore du chemin à faire. Je n’ai pas le choix, je m’accroche dans l’espoir d’un lendemain meilleur », dit-elle. D’autres femmes qui ont pu garder leur poste, malgré la crise, restent prudentes sur leur sort tant les entreprises hôtelières restent très fragiles, à cause des crises sécuritaire et sanitaire.

Conformément à plusieurs résultats d’enquêtes, notamment menées par le Conseil national du patronat du Mali (CNPM), la direction nationale de l’hôtellerie et du tourisme, l’industrie hôtelière ne se porte pas mieux depuis les premières heures de la pandémie : les fermetures des frontières, les mesures barrières et le couvre-feu ont mis à mal un secteur économique qui fait pourtant vivre de nombreuses personnes, dont des femmes.

Coup d’arrêt

La pandémie de Covid-19 a atteint le Mali à partir de mars 2020. Pour contenir sa propagation, l’État malien a pris certaines mesures : la suspension jusqu’à nouvel ordre des vols commerciaux en provenance des pays touchés, à l’exception des vols cargos ; la suspension jusqu’à nouvel ordre de tous les regroupements publics y compris les ateliers, les colloques, les séminaires, les meetings populaires et la fermeture jusqu’à nouvel ordre des boites de nuit et bars. Ces différentes mesures ont causé un véritable coup d’arrêt à l’activité touristique et hôtelière.

Bien avant la pandémie de la Covid-19, l’industrie hôtelière du Mali était confrontée à une multitude de difficultés, notamment la fragilité de l’environnement sécuritaire marqué par des prises d’otages, des conflits impliquant des communautés, des attaques terroristes contre les installations touristiques.

L’adoption des mesures restrictives par l’État pour freiner la propagation de la pandémie a fortement touché le secteur. Ce fut le début d’une aventure pour le secteur dont personne ne mesure pour l’instant les conséquences, malgré quelques enquêtes menées.

Comme nous l’indique cette gérante d’un hôtel dans la zone ACI 2000, l’hôtel rapportait plusieurs centaines de millions de francs CFA chaque année contre quelques dizaines seulement cette année. Selon elle, les séminaires, colloques, rencontres internationales et autres formations, qui étaient les principales sources de recettes, se font par visioconférence. Toutes choses qui se sont naturellement répercuté sur les contrats de travail des agents féminins comme masculins.

En juin 2020, dans un rapport, la direction nationale du tourisme et de l’hôtellerie a estimé à 179 233 272 francs CFA la masse salariale devant être perçue par les employés en arrêt de travail, pour les trois derniers mois (mars-avril-mai).

Retard de salaires

Pour Madame Diané, travaillant à l’hôtel Sud de Korofina, rien qu’entendre « Covid-19 » lui coupe le sommeil. « Cette maladie a bouleversé tout chez moi. Parce que la majorité de nos clients sont des hommes et des femmes d’affaires venant de l’extérieur. Depuis l’avènement de la pandémie, ces gros clients ont déserté les lieux. Ce qui a beaucoup joué sur notre chiffre d’affaires et nous a poussés à réduire nos effectifs afin de sauver l’entreprise de la fermeture totale. Malgré tout, nous avons du mal à payer le peu de travailleurs qu’il nous reste. Ce qui se solde souvent par des retards de salaires. Trois de nos femmes employées nous ont même quittés ».

Par contre, à l’hôtel Colombus, on soutient que malgré la rareté de la clientèle et toutes les difficultés financières, consécutives à la pandémie , la direction de la structure a pu maintenir l’effectif d’avant la crise.

Selon Mme Assan Doumbia, restauratrice, il y a plus de peur que de mal, du moins pour les agents : « Au début de la Covid-19, tous les travailleurs avaient la peur bleue au ventre. Parce que les rumeurs circulaient déjà que le patron allait suspendre les salaires. D’autres pensaient même qu’il allait licencier beaucoup de salariés. Mais tel ne fut pas le cas. Sincèrement, depuis l’avènement de la Covid-19 jusqu’à maintenant, nous percevons nos salaires régulièrement. Mais nous savons que cette maladie a impacté la clientèle. Malgré ces difficultés, nous n’avons pas encore accusé de retard de paiement de salaire ».

Un secteur abandonné ?

Interrogé sur la situation précaire des entreprises hôtelières, un responsable de la Fédération nationale de l’industrie hôtelière du Mali (FNIHM) estime que la Covid-19 est venue enterrée un secteur déjà mis à mal par la crise sécuritaire qui mine le pays, depuis 2012.

« Nous n’avons reçu aucune forme d’assistance. Par contre, nous ne pouvons que nous adapter à la situation, avec toutes les conséquences que cela engendre. L’ex-président Ibrahim Boubacar Keïta nous avait promis un fonds. Malheureusement, il y a eu un changement de régime qui a tout chamboulé », nous a-t-il confié. Pendant ce temps, poursuit le responsable, les impôts réclament à certains les impayés de 2016, 2017 et 2018.

Dans un rapport d’évaluation de l’impact de la Covid-19 durant un mois (mi-avril à mi-mai 2020), de la direction nationale du tourisme et de l’hôtellerie, il ressort que 1 856 entreprises et 14 089 emplois directs ont été affectés par la crise sanitaire. En tout, 13 231 personnes ont marqué un arrêt de travail pour un cumul de salaires estimé à 2,2 milliards de francs CFA pour les employés en arrêt de travail de l’ensemble du secteur.

Le rapport fait ressortir 94% du personnel en arrêt de travail contre 6% d’emplois maintenus. Pour y faire face, le ministère de l’Artisanat et du Tourisme, à l’image de l’Organisation mondiale du tourisme (OMT), préconise, dans son document intitulé Synthèse du rapport général d’évaluation de la crise de la pandémie de Covid-19 sur le secteur du tourisme du Mali, la mise en place d’une subvention d’État pour le paiement des charges fixes des entreprises sur trois mois, un gel et l’échelonnement des échéances fiscales (impôt sur les sociétés, sur les bénéfices industriels et charges sociales) et la mise en place d’un fonds pour la relance du secteur du tourisme.

Source : Benbere

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