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Ibrahim Harane Diallo, Chercheur : “La reprise de Kidal est une nouvelle étape”

Ibrahim Harane Diallo, journaliste, politologue et chercheur à l’Observatoire sur la prévention et la gestion des crises au Sahel livre son analyse, une semaine après la reprise de Kidal et les défis auxquels l’armée doit faire face. Entretien.

 Mali Tribune : Après une absence de 11 ans, l’armée malienne est de retour à Kidal. Quelle est votre réaction ?

Ibrahim Harane Diallo : Je n’ai pas été surpris par cette victoire de l’armée malienne sur Kidal. Parce que si on fait un examen sur mes interventions précédentes à cette question précise de Kidal, j’ai toujours écarté le scénario de 2012 et mis en évidence la possibilité sans difficulté majeure pour l’armée malienne de s’emparer de Kidal pour la simple raison que l’armée malienne de 2012 est nettement différente de l’armée malienne de 2023.

L’armée malienne d’aujourd’hui s’est assez solidifiée en termes d’équipements militaires, de formation, d’expérience et des leçons à tirer du passé pour reprendre Kidal même si nous avions toujours conseillé une démarche pacifique par rapport à la question de Kidal pour que nous puissions éviter de poser les questions aujourd’hui que nous sommes en train de se poser, car une partie importante d’observateurs se posent des questions aujourd’hui sur l’avenir de ces opérations militaires sur Kidal.

Mali Tribune : Pensez-vous qu’il aurait été préférable de prendre Kidal par la guerre ou par le dialogue ?

I H. D.: A travers nos différentes publications au sein de l’Observatoire, nous avons toujours conseillé l’option du dialogue par rapport à cette question particulière de Kidal. Nous tenons pour vérité qu’en politique, l’option de la guerre doit toujours être en dernier ressort.

Avec cette méthode non pacifique si je peux le dire ainsi, le choix des armes par rapport à Kidal met l’armée dans un double défi : le premier a consisté à prendre la ville de Kidal. Le deuxième, comment contrôler Kidal et ses environnants pour que les services sociaux de base et l’administration puissent retourner.

Pour moi, le deuxième challenge de l’armée malienne, c’est la sécurisation de la ville de Kidal et environnants pour permettre l’arrivée des services sociaux de base et de l’administration dans la ville de Kidal.

Ces mesures de sécurisation sont importantes parce que la menace persiste toujours dans la ville de Kidal et alentours, puisqu’il y a une multitude de forces qui sont opposées à l’armée malienne notamment les ex-rebelles qui ont déclaré déjà qu’ils n’ont pas encore enterré la hache de guerre.

En face, le groupe Etat islamique affilié à Al-Qaïda qui connaît bien ces zones-là et qui pourrait à tout moment tenté de déstabiliser la zone.

Dans les semaines, voire les mois à venir, le défi qui se pose à l’armée, c’est de s’assurer qu’elle contrôle ces zones-là afin de permettre un retour progressif de l’administration et des services sociaux de base.

Mali Tribune : Le CSP a affirmé qu’elle a juste opéré un repli stratégique et promet de revenir en force pour une nouvelle bataille. Comment vous analysez cela ?

I H. D.: Cette déclaration du CSP était attendue et envisageable. Il y a quand même une cause pour laquelle ils se sont battus.

Cette déclaration doit être prise au sérieux par l’Etat du Mali qui doit davantage renforcer le dispositif sécuritaire et se préparer justement à une éventuelle offensive du CSP qui a la possibilité de se renforcer à travers une collaboration avec toutes les forces qui s’opposent à l’Etat du Mali dans la localité. Le CSP peut se mettre dans une dynamique de collaboration avec des extrémistes violents pour pouvoir faire un bloc commun contre les Forces armées maliennes, comme on l’avait vu en 2012.

Mali Tribune : L’armée malienne à Kidal. Et maintenant ?

I H. D.: La reprise de Kidal n’est pas une fin en soi. Je pense que c’est le début du gros travail qui va démarrer dans les prochaines semaines et mois qui consisterait à protéger et pérenniser cet acquis. Il faut que des mesures soient prises pour sécuriser Kidal afin de parachever le travail qui consiste à faire en sorte que les services sociaux de base ou encore l’administration puissent retour à Kidal.

Mali Tribune : La prise de Kidal sonne-t-elle la fin de la lutte contre le terrorisme ?I H. D.: La reprise de Kidal ne constitue pas du tout la fin de la lutte contre le terrorisme, mais une étape importante en matière de lutte contre le terrorisme. Cela fait plus de dix ans que l’armée malienne n’était pas présente à Kidal. Une région laissée pour compte où les différents groupes armés pouvaient circuler comme ils voulaient.

Aujourd’hui, on peut dire que les choses vont changer avec une présence militaire bien structurée au niveau de Kidal et environnants. Cette présence va ralentir les mouvements de ces groupes terroristes.

Cependant, la présence de l’armée malienne à Kidal ne va pas mettre fin à la lutte contre le terrorisme. D’ailleurs, je pense que c’est une nouvelle étape en matière de lutte contre le terrorisme. Parce que l’armée est davantage plus proche de ces groupes terroristes-là que par le passé. Plus proche de ces groupes terroristes-là, l’armée malienne va certainement prendre de nouvelles mesures qui s’imposent pour qu’elles puissent lutter efficacement contre le terrorisme.

Mali Tribune : Quel avenir pour le CSP qui a promis de revenir en force ?

I H. D.: Le CSP a encore de l’avenir. Mais la question qui se pose, est-ce qu’il a les moyens de pouvoir mettre ses menaces en exécution face à l’armée malienne ? C’est une autre discussion. Je pense qu’il faut prendre la menace au sérieux. Le CSP quoi qu’on puisse dire, c’est un groupe qui connaît très bien le terrain. D’ailleurs, le CSP n’a pas dit son dernier mot et a déclaré qu’il continue avec la belligérance.

Au regard de tous ces aspects, il est important que la gestion de cette question soit faite par la plus grande intelligence. Car, en matière de conflit, il n’y a pas une petite mesure surtout qu’on ne connaît pas les intentions de l’ennemi ni ses moyens.

Mali Tribune : L’Accord de paix est-il mort de sa belle mort ?

I H. D.: Aujourd’hui, on peut dire que l’Accord de paix de 2015 est mort de sa belle mort sur le plan pratique. Parce qu’il y a eu de la belligérance ouverte entre l’armée malienne et les ex-rebelles. Au-delà de tout ça, les ex-rebelles ont déclaré lors du conflit de Ber, qu’ils sont sortis de l’Accord.

Pour rappel, l’Etat du Mali n’a pas officiellement mis fin à l’Accord. Egalement la médiation internationale n’a pas officiellement évoqué cette question de mort de l’Accord.

Pour moi, ces aspects ouvrent une perspective à travers laquelle l’Accord peut être ressuscité avec une version améliorée.

 

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MICRO-TROTTOIR

Ce que les Maliens attendent du gouvernement après la reprise de Kidal

Dans ce micro-trottoir, les Maliens formulent leurs attentes après l’entrée de l’armée malienne à Kidal.

Aboubacar Diarra (gestionnaire) :

“Pour moi, l’armée malienne doit rester sur ses gardes après la reprise de Kidal. Parce que le CSP n’a pas dit son dernier mot. Le gouvernement de Transition doit tout mettre en œuvre pour que cette reprise de Kidal soit effective”.

Issouf Coulibaly (analyste) :

“Maintenant que l’Etat est en position de force, je pense qu’il faut une relecture de l’Accord de paix de 2015 ou carrément la signature d’un nouvel Accord sous l’égide de Bamako et non Alger, car ce dernier joue double jeu avec nous”.

Mahamoud Maïga (administrateur civil) :

“Je pense que la première chose que le gouvernement doit faire, c’est d’abord sécuriser l’ensemble de la région et faire retourner les services sociaux de base”.

Issa Tangara (observateur) :

“Après cette reprise de Kidal, je crois que les différents protagonistes doivent privilégier la voie du dialogue pour trouver une solution à cette épineuse question de Kidal”.

Dossier réalisé par

Ousmane Mahamane

Mali Tribune

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