Interrogé sur son point de vue sur le Référendum passé, Dr. Hamed Sow a répondu qu’un Référendum, par définition, doit être consensuel. “J’aurais souhaité que les autorités travaillent davantage pour essayer d’amener la quasi-totalité des forces politiques et des associations de la société civile. Ce qui n’a pas été le cas. J’aurais souhaité que le dialogue soit plus poussé pour que nous arrivions à un consensus comme ce qu’il s’est passé lorsque le président Amadou Toumani Touré avait organisé son Référendum où tout le monde était d’accord. Qu’à cela ne tienne ! Les chiffres officiels communiqués pour le Référendum de cette année 2023 montrent une forte adhésion. Mais qu’est-ce que cela change ? Je pense, comme dans tout texte fondamental, il y a des aspects très positifs comme il y a d’autres où on peut peut-être rester sur notre faim. Ce qui est sûr et certain, il y a eu un glissement léger vers un régime un peu plus présidentiel. Qu’à cela ne tienne ! Tout va dépendre maintenant des institutions qui seront mises en place et du rôle que ces institutions vont jouer. Parce qu’en réalité, les textes sont ce qu’ils sont. C’est leur application et les hommes qui l’appliquent qui peuvent donner un certain poids au texte”, a-t-il développé.
“Le temps a donné raison aux autorités actuelles qui sont en réalité des hommes de terrain…”
Sur la situation sécuritaire du Mali, Dr. Sow a laissé entendre qu’il y a une satisfaction générale par rapport à la reconquête de Kidal. Pour preuves les associations de la société civile, les partis politiques félicitent les autorités de la Transition et surtout les FAMa pour avoir reconquis la localité de Kidal.
“Je m’associe à ces félicitations. Je pense que c’est à partir de maintenant que le plus difficile va commencer. Ce qui s’est passé dénote un certain nombre de choses. Je pense que les autorités qui nous dirigent aujourd’hui, sont en réalité des hommes de terrain. J’emprunte la qualification de feu le président Amadou Toumani Touré dont je salue la mémoire. Car le 10 novembre, il a été commémoré la 3e année de son décès. C’est ATT qui disait que la plupart de ces jeunes qui nous dirigent ont eu leurs galons sur le terrain. Donc, il y a un certain nombre de mesures qu’ils avaient prises et sur lesquelles on pouvait s’interroger. Par exemple, le fait de mettre fin à l’opération Barkhane, le fait de demander à la Minusma de partir, pouvaient susciter un certain nombre d’interrogations. Mais, en définitive, le temps leur a donné raison puisque les résultats sont là. On pourrait parler de la montée en puissance de l’Armée malienne qui n’est pas seulement l’illustration de ce qui s’est passé à Kidal. Mais il y a un certain nombre d’indices qu’il faudrait regarder, notamment le nombre d’attaques, d’attentats qui ont assez diminué”, a-t-il indiqué.
Cette entrée des FAMa à Kidal n’entraînera-t-elle pas une crise ? En réponse, Dr. Sow a fait savoir qu’il est de l’école d’ATT qui disait que “la meilleure façon de gagner une guerre est de l’éviter”. A son entendement, il faut être deux pour faire la paix. “Nous ne savons pas s’il y a eu des négociations sérieuses ou pas. Maintenant, une chose est de conquérir Kidal. Maintenant, la question essentielle est de se demander ce qui va se passer demain et qu’est ce qui doit être fait demain ? Nous allons nous appesantir sur cette question. Parce que ce qui est fait est fait. Nous ne reviendrons pas sur ce fait. Peut être qu’il aurait fallu négocier davantage. Mais, apparemment, il y a des blocages. Et s’il y a des blocages et que cela se traduise par des confrontations, nous pouvons trouver que c’est dommage. Mais peut être, il y avait des contraintes aussi. Je suis prudent sur cette question. Parce que je ne suis pas sur le terrain. Et je n’ai pas les éléments pour apprécier. Nous sommes face à une situation où toute la classe politique a félicité l’Armée national. Pour le moment, je n’ai pas vu une voix discordante par rapport à la reconquête de Kidal. Il est salutaire que les Maliens se retrouvent”, a-t-il dit.
“L’accord d’Alger n’était pas applicable, il y a des contradictions entre communautés du Nord”
Réagissant à la question sur l’application de l’Accord d’Alger, Dr. Sow a fait remarquer que l’application de cet accord a toujours posé problème. “C’est un accord qui a été signé en 2015 en deux temps. A l’époque, tous les partenaires du Mali nous avaient poussés à la signature de cet accord. Et le gouvernement d’alors a été bousculé pour qu’il applique l’accord. En réalité, l’accord d’Alger n’était pas applicable. Parce que l’accord stipulait qu’il y aura un président des régions élu au suffrage universel direct. Il y aura une Assemblée régionale, un budget régional, une force de police, de gendarmerie régionale, un gouvernement régional, une Fédération. Donc, il fallait passer par un Référendum. L’ancien régime a voulu faire ce Référendum. Et une partie des Maliens a dit non «An Tè A Bana». Au moment où il n’y pas eu ce Référendum, l’Accord n’était pas applicable. L’Accord même en son sein prévoit des mécanismes de révision. Je veux dire que le problème du Nord est un problème très complexe dans lequel il y a des contradictions entre les communautés. Pour le moment, il faut absolument résoudre ce problème de contradiction. Sinon, nous allons passer notre temps à négocier. Et Dieu sait qu’ATT a négocié cette affaire du Nord. ATT a tout fait mais le problème du Nord n’a pas été réglé. Donc, qui veut la paix, prépare la guerre. Pour négocier, il faut un rapport de force favorable. Ce qui est le cas aujourd’hui pour les FAMa. Le problème du Nord est un problème récurrent. Si nous voulons arriver à une paix définitive, il faudrait que nos frères au nord comprennent qu’il n’y a d’avenir que la paix. S’ils veulent l’intérêt de leurs populations, s’ils veulent le développement de leurs régions qui renferment d’énormes potentialités, il faut l’unité nationale. Les populations du Nord sont fatiguées des rébellions. Le développement du Mali pourrait partir du Nord vers le Sud. Il n’y a pas de développement sans paix et il n’y a pas de paix sans développement. Maintenant que Kidal a été repris, il faut organiser le retour de l’Etat avec les infrastructures de base comme l’administration, l’école, le centre de santé, etc. Ensuite, il faut engager un véritable dialogue qui va se faire dans un contexte beaucoup plus favorable pour les FAMa.
Nos frères du Nord doivent comprendre qu’il n’y a pas une solution par la guerre. Nous sommes dans cette guerre depuis les années 60, il n’y a pas eu de solution. Ils doivent comprendre qu’il n’y a d’avenir que la paix. Mais quand on gagne la guerre, il faut être humble et négocier. Donc, l’Etat doit stabiliser le pays et engager la négociation avec nos frères du Nord”, a-t-il expliqué.
Revenant sur la question si Assimi Goïta doit-il être candidat ou pas aux prochaines élections présidentielles, Dr. Hamed Sow a dit que fondamentalement Assimi Goïta a intérêt à sortir par la grande porte de l’Histoire en organisant les élections libres, transparentes, crédibles, inclusives, apaisées et partir. “Assimi Goïta peut faire le ‘ATT’. Assimi Goïta a deux voies : soit il reste au pouvoir et cela risque de se terminer par un régime autoritaire comme l’a fait le général Moussa Traoré, ou bien, il peut s’inspirer de l’exemple d’ATT en organisant des élections et partir, ensuite, se préparer pour revenir. Il est jeune, il n’a que 40 ans.
Il a toutes les chances de revenir. Je déconseille Assimi Goïta d’être candidat. Il doit organiser les élections sans lui-même comme candidat”, a-t-il exprimé.
“La crise énergétique ne doit pas être imputé à un gouvernement… “
Posant son regard sur la crise énergétique au Mali, Dr. Hamed Sow, en tant qu’ancien ministre des Mines et de l’Energie, a précisé qu’il ne faut pas imputer cette crise à un gouvernement. Pour lui, cette crise est l’aboutissement d’un processus.
“La crise énergétique au Mali est l’aboutissement d’un processus et elle ne doit pas être pas imputé à un gouvernement… Nous avons tous notre part de responsabilité là-dedans. Dans cette crise, il y a un problème structurel important. Notre politique énergétique n’est pas adaptée aux besoins du pays, ni aux possibilités du pays. C’est cela le fonds du problème. Nommé ministre des Mines et de l’Energie, je suis venu trouver une situation et j’ai essayé de miser sur les barrages de Sélingué, Manantali. Dans le cadre de l’OMVS, j’ai mis ma petite force pour que le Mali puisse avoir le financement de Félou et de Gouina. Parce que, pour moi, l’hydroélectricité était la meilleure voie pour le Mali. Pourquoi pas le solaire ? Parce que le solaire est très cher. Les panneaux photovoltaïques étaient très chers à l’époque et le rendement énergétique était faible. Aujourd’hui, la situation a complètement changé en ce qui concerne le solaire. Il faut faire du tout solaire d’autant plus que l’hydroélectricité aussi a montré ses limites face au réchauffement climatique. Nous avons peu d’eau et il y a des risques énormes d’assèchement du fleuve Niger. La solution, c’est de travailler avec nos frères de Guinée Conakry pour faire le barrage de Fomi. Parce qu’avec ce barrage de Fomi, si nous faisons le dessablement du fleuve Niger, en enlevant des algues, le barrage de Fomi pourrait permettre de l’eau toute l’année sur la portion du Fouta Djalon jusqu’à Sotuba. Il faut renforcer le barrage de Sotuba de façon à ce que ce barrage pousse l’eau jusqu’au barrage de Kegni à Koulikoro. Et de Koulikoro, on pousse l’eau jusqu’au barrage de Markala qui doit être renforcé. Ensuite, de Markala, il faut pousser l’eau jusqu’à Taoussa et de Taoussa jusqu’au Nigeria en passant par le Niger. Cela est fondamental. Et c’est une question de survie face au réchauffement climatique. C’est pour cela que quand j’étais aux affaires, j’avais créé au sein de mon département une cellule Fomi. Toutes les études sont faites. Il faut déplacer 75 000 ménages pour agrandir le lit du fleuve. Parce qu’avec la construction, le lit du fleuve va s’agrandir. Et du coup, il faut déplacer les populations”, a-t-il exposé.
Selon l’ancien ministre des Mines et de l’Energie, le thermique était une énergie d’appoint et il est extrêmement cher. Dr. Sow a tenu à préciser qu’en tant qu’ancien ministre, il n’est pas comptable de l’actuelle mauvaise gestion de l’EDM-SA. “A l’EDM-SA, il y a un problème structurel partagé. Je ne peux pas dire que je sois comptable des problèmes de gestion actuelle de l’EDM-SA. A mon temps, j’avais une très bonne équipe dont l’actuel directeur général d’EDM-SA était commercial en ce moment. Nous avions dans l’année au maximum 5 à 6 jours de coupure. Il y avait aussi une gestion politique. Parce que dès qu’il y avait un délestage, le président m’appelait et j’appelais Djittèye le directeur général. Le président était pressé qu’il m’a mis de côté. Quand il y avait délestage, le président appelait directement le directeur général de l’EDM-SA. Nous n’avons pas connu le grand scandale auquel l’actuelle ministre de l’Energie a fait allusion. Le 2e problème structurel de l’EDM-SA est qu’elle vend de l’électricité en perte. Elle produit le courant autour de 200 F CFA et le vend à 130 F CFA. Sur chaque kilowattheure vendu, il y a 60 à 70 F CFA qui sont perdus. Je ne connais pas une entreprise dans le monde qui peut survivre dans cette situation. C’est ainsi que l’Etat a décidé de subventionner l’électricité. Mais, est-ce que l’Etat subventionne la totalité des pertes ? Deuxièmement, est-ce que cette subvention de l’Etat est payée à temps ? Est-ce que l’Etat même paie ses factures d’électricité ? A un moment, j’avais menacé le président de l’Assemblée nationale Dioncounda Traoré de couper le courant de l’Assemblée si elle ne payait pas ses factures. C’est dire que la situation actuelle de management est facile à résoudre. Il faut mettre de côté les brebis galeuses, les juger et donner l’exemple”, a-t-il confié.
“Renégocier la dette d’EDM-SA évaluée à 600 milliards F CFA, ouvrir son capital, évaluer sa gestion …”
Et s’il était nommé à la tête du département de l’Energie et de l’Eau, qu’allait-il faire faire pour résoudre le problème de l’EDM-SA ? Dr. Sow de préciser qu’il n’est pas candidat pour un poste de ministre. Il a cependant laissé entendre que sa première solution serait de demander à l’Etat de lui permettre de renégocier la dette d’EDM-SA qui est évaluée à 600 milliards F CFA.
“Après avoir négocié la dette de l’EDM-SA, je vais ouvrir son capital pour avoir de l’argent frais. Parce que dans toutes les sociétés où l’Etat est majoritaire ça ne marche pas bien. Comme 2e solution, je vais faire une évaluation des gestions de l’EDM-SA en faisant le trekking, évaluer la pléthore de personnel et laisser EDM-SA fixer le prix de l’électricité. Je vais aussi proposer une politique de promotion des panneaux solaires”, a-t-il proposé comme solutions.
Siaka Doumbia (Source Renouveau TV)