A Sougounicoura, en plein cœur de Bamako, malgré le vrombissements des Sotrama, vous pourriez entendre un bruit plus fort que celui de ces voitures de transport en commun et de leurs apprentis qui passent toute la journée à crier à cor et à cri pour s’attirer les passagers. Il s’agit du bruit des marchands de patriotisme tant ils excellent dans l’élévation de la voix.
Pour les entendre, nul besoin de tendre l’oreille : il faut juste ouvrir grandement les yeux et les fixer sur l’écran de son téléphone ouvert sur les réseaux sociaux.
N’est-ce pas paradoxal pour une voix qui ne se prononce pas au bout des lèvres mais plutôt du bout des doigts sur un clavier téléphonique d’avoir un aussi grand écho?
Et pourtant, c’est bien le cas. Nos marchands sont talentueux et le bruit de leurs doigts sont aussi retentissant que le balafon de Soumagourou Kanté.
– Aw ni sôgôman (le marchand)
–M’ba, comment vas-tu? (le client)
– Pourquoi, tu ajoutes le français à la salutation en bamanakan ? Tu es un vendu (le marchand) !
Voilà un peu la logique imagée du prototype de marchand du patriotisme. Selon son desiderata, il est prompt à commercer avec son potentiel client ou à complètement refuser de lui vendre sa marchandise.
Pour être sûr qu’il vous accepte comme client et de vous vendre cette marchandise, dont lui seul dispose de la science infuse pour sa création, il faut s’assurer d’être toujours en accord avec lui.
Quand il crie « les Russes vont nous sauver », alors il faut crier avec lui « Hourrah! Hurrah !! ». Quand il dit « A bas X », il faut crier plus fort « A bas toute la lignée de X ».
Et quand il dit « Vive Y ! », il faut lever plus haut sa voix pour faire entendre, des hauteurs des collines qui jouxtent la métropole bamakoise, que tous les descendants de Y seront des enfants bénis.
C’est seulement à ce prix-là que le grand marchand de patriotisme pourrait vous céder sa marchandise. Mais, malheureusement, même toute cette précaution ne vous garantit pas à 100% l’accès à la marchandise « patriotisme », car souvent le marchand est , sans le savoir, en désaccord avec lui-même.
Il peut donc crier à la gloire de Z le matin et le soir appeler à l’abattre. La donne peut changer selon ses humeurs et surtout ses intérêts. Prier donc qu’au moment où vous le rencontrerez, qu’il soit d’humeur agréable et que ses intérêts coïncident avec les vôtres sinon il risque de vous lâcher en plein vol à moins que vous ayez déjà votre parachute.
Source : Benbere