Dans la société malienne, des hommes sont victimes de violences conjugales, contrairement à ce que l’on croit dans l’imaginaire populaire. Pour des préjugés, ils préfèrent malheureusement le silence à la dénonciation.
« En 36 ans de carrière, je n’ai enregistré que trois cas réels de dénonciation de violences conjugales sur des hommes », confie Me Fatimata Dembélé Djourté, vice-présidente de la Commission Nationale des Droits de l’Homme (CNDH). Selon elle, les rôles semblent être inversés de nos jours. Si auparavant les femmes étaient les plus nombreuses à se plaindre de violences conjugales, beaucoup d’hommes se retrouvent dans le même cas actuellement. Cependant, déplore la vice-présidente, « le problème qui se pose est leur manque de courage à dénoncer ces femmes violentes. » Elle affirme ensuite qu’en 36 ans de carrière, elle n’a assisté qu’à trois cas de plainte de la part des hommes violentés.
Notre interlocutrice estime qu’au Mali, les hommes ont la réputation d’être des « commandants » dans les foyers, ils doivent obligatoirement être « des lions » imbattables aux yeux de leurs femmes et de leurs communautés. C’est pourquoi, indique-t-elle, il est difficile pour la société d’admettre qu’un homme puisse être victime de coups ou blessures dans le foyer. Et pourtant, c’est une réalité.
A ses dires, afin de garder cette réputation et surtout d’échapper à l’humiliation, les hommes violentés n’osent jamais en parler à plus forte raison aller le crier haut et fort devant un juge. Maître Djourté ajoute que le plus généralement, un homme battu est un homme faible psychologiquement. « Ces hommes préfèrent régler les choses en leurs manières, cela amène très souvent à un bain de sang. », dit-elle.
L’avocate souligne que beaucoup d’hommes violentés, même s’ils décident de porter plainte, disent tout sauf la vérité. Au lieu d’avouer qu’ils sont victimes de coups et blessures, ils préfèrent parler d’injures ou d’agressions verbales de la part de leurs femmes. Dans ces conditions, il est difficile d’avoir des statistiques, car les victimes ne se confient pas. Ils ont peur des préjugés de la société. Me Djourté d’affirmer que les hommes et les femmes violents doivent comprendre que les injures, les coups et blessures dans le mariage sont sanctionnés par la loi et peuvent donner lieu à une condamnation. Elle précise aussi que cette même loi ne fait pas distinction entre l’homme et la femme en la matière.
Parlant des causes, la vice-présidente indique que, selon les recherches menées par son bureau d’études de droit catégoriel, les causes liées à la violence subie par les hommes sont les suivantes : la jalousie ; l’éducation, car une femme éduquée dans la violence serait à son tour violente ; l’auto-défense (il faut comprendre par là qu’un homme violent forge une femme violente car certaines ne se laissent pas faire). A ce propos, elle dit avoir même connu une femme très forte de caractère qui aurait appris le judo pour se défendre contre son mari violent.
Fatimata Dembélé estime qu’une femme violente est pire qu’un homme violent. Elle s’explique : « un homme violent s’arrête aux coups et blessures. Une femme violente a plusieurs tours dans son sac. Après les coups et blessures, le versement d’eau bouillante sur le mari endormi, l’empoisonnement, l’ablation des parties génitales, tout y passe.»
Partant, elle rassure que la CNDH, en partenariat avec les organisations de défense des droits de la femme, l’organisation de défense des droits de l’Homme, les représentants des institutions de la République, le ministère de la Justice, le ministère de la Promotion de la Femme, le ministère de l’Action humanitaire, et le ministère de la Sécurité, travaille sur l’élaboration d’une loi basée sur le genre depuis 2015.
Me Fatimata Dembélé soutient que la famille doit revoir l’éducation des enfants. Aux couples, elle recommande d’éviter les disputes et les discussions pouvant dégénérer devant les enfants, car c’est de là qu’ils peuvent se forger un caractère violent.
Sanata Goita
Source: Azalaï Express