Ils ont failli sur tous les plans. En mars 1991, sous le manteau de la démocratie, ils se sont empressés de prendre la tête des revendications de la jeunesse. En vingt ans, tels des vautours, ils se sont bien assis sur le pays, chacun arrachant sans pitié la part qu’il jugeait lui revenir. De nos jours, ils sont toujours sur ce qui reste de la République dans l’agonie, c’est-à-dire la peau, quelques organes et les os qui restent encore à ronger.
Face à une jeunesse qui leur a tourné le dos à cause de leurs gros mensonges, de leurs promesses vides, de leurs actes irresponsables qui trahissent flagramment leurs discours, ils ont perdu tout leur poids. Lentement mais sûrement, ayant calculé le moment propice, les religieux ont envahi la scène publique. Comment sont-ils parvenus à damer le pion aux hommes politiques ?
Par de simples discours démagogiques lors des prêches à connotation plutôt politiques que religieuses. En disant haut, tout simplement, ce que le peuple veut entendre. Au fur et à mesure, leur influence grandissait sans cesse. Ils en ont profité, ainsi que du laxisme de la classe politique plus préoccupée à voler le dénier public qu’à faire face à la menace religieuse grandissante, pour envahir tout le terrain par la prolifération des mosquées dont on dénombre plus de dix mille construites dans l’illégalité, par une islamisation forte du peuple, à la limite de l’extrémisme et de l’intolérance, se portant ainsi garants de la défense des intérêts des citoyens Maliens. Maintenant, chaque prêcheur, réclamant des milliers d’adeptes, y va selon ses fantaisies attachées en première position à sa propre personne, fantaisies qui n’ont rien à voir avec l’Islam originel. Ainsi, au Mali, un nouvel Islam est né, qu’il conviendrait d’appeler islam politique. Au départ de tous les prêches, des versets du Coran sont cités, des mots sont crachés en arabe pour mieux enfumer les crédules. Puis, tout ce qui suit est centré sur la politique, surtout sur l’argent qui est leur prédilection, le tout sur un fond d’intimidation constante ou d’injures parfois.
L’affligeant
spectacle
Quand les hommes avertis connaissent des échecs, ils cherchent d’abord à savoir les causes pour en tirer des leçons pour l’avenir. La classe politique malienne n’est pas de ce lot. La cupidité a si aiguisé leur bêtise qu’ils n’ont trouvé rien d’autre que de se mettre à courir derrière les religieux pour soulever les masses dans un but à atteindre uniquement dans le cadre des élections ou des manifestations, puisqu’ils ne sont plus à mesure de les soulever eux-mêmes. Pour ce faire, ils se mettent à genoux devant les religieux, ils les arrosent de centaines de millions de francs. Les populations sont mobilisées chaque fois, sur consigne des religieux, par milliers de personnes. Mais pourtant, rien ne change. Quand un religieux n’est pas content des coupures de courant, qu’il souhaite une V8, ou qu’il veut que la route menant à son village natal soit bitumée, il obtient dare-dare ce qu’il souhaite, pendant que les masses mobilisées à cet effet sont toujours dans les Sotrama comme dans des boîtes de sardines, sur des routes si cassées qu’il est difficile de les appeler comme telles. En son temps, le Prophète lui-même a exercé le petit commerce pour subvenir à ses besoins. Au Mali d’aujourd’hui, nous voyons des leaders religieux qui ne font aucun travail, mais qui vivent dans l’opulence la plus criante. D’où vient l’argent ?
Les complices des voleurs
Voilà la question qui fâche leurs adeptes endoctrinés jusqu’à la moelle de leurs os, mais qui ont plutôt intérêt aussi à se poser la question, au lieu de s’enflammer, comme un enfer, contre ceux qui ne partagent pas leur vision. L’argent, c’est celui des fidèles, ou, et en plus, le maigre budget du Mali. Aucun Dieu ne le donne ! C’est l’argent du vol systématique et organisé que les hommes politiques utilisent pour arroser ces religieux dans le but d’obtenir leur soutien ou leur silence, selon les circonstances qui prévalent. Celui qui partage ou accepte le butin, sachant bien qu’il est volé au peuple, n’est-il pas le complice du voleur ?
Nous aimons dire tout le temps que le Mali est mal gouverné. Cela est un fait indéniable. Sur le plan international, la classe politique malienne ne peut rien décider sans l’aval de Paris qui est leur temple. A l’intérieur du pays, elle est obligée de prendre l’avis des religieux qui leur dictent leurs conditions. C’est donc une classe qui n’est capable de rien, qui est comme une feuille d’arbre sèche au gré du vent et des eaux du fleuve qui l’emportent où elles veulent. De la sorte, ceux que nous croyons être la tête du pays ne sont en fait que de simples masques hilares ou des pantins dont les ficelles sont tirées dans l’ombre. Sur le plan intérieur, les religieux sont aussi comptables de cette mal gouvernance au même titre que les hommes politiques, sauf que les premiers sont habitués à ne jamais le reconnaître. Au Mali, ce n’est un secret pour personne que sur les questions vitales du pays, les prétendues familles fondatrices de Bamako et les religieux sont consultés au préalable. Rien ne se fait sans qu’ils soient au courant à l’avance et sans qu’ils se prononcent. C’est d’ailleurs l’une des causes du conflit avec IBK qui a cessé de le faire.
La force des religieux
La force des religieux est la misère du peuple qu’ils exploitent à leur guise selon leurs intérêts. La bêtise de la classe politique est de continuer à soudoyer ces religieux pour obtenir leur grâce. Or, il suffit d’un rien pour affaiblir les positions de ces derniers. Au lieu de leur mettre en poche des centaines de millions qui ne servent à rien, on aurait pu financer bien des projets en faveur de la jeunesse pour la tirer, tant soit peu, de la galère. Celle-là, consciente du souci et de l’attention croissante à son égard, se remettrait de nouveau derrière la classe politique et hésiterait à répondre à des appels aux interminables prières politiques qui ne changent rien dans le pays ! Dans ce cas, même s’ils ne peuvent encore rien sur le plan international, les hommes politiques pourraient diriger à l’interieur sans avoir des entraves. Si l’article 39 avait été appliqué bien avant, par exemple, il y aurait eu moins d’enseignants aux marches, et l’école malienne aurait été sauvée d’une année désastreuse !
IBK a commis des erreurs qui lui coûtent maintenant son doux sommeil à Sébénicoro. Lors de sa première campagne, il a fait des promesses aux religieux qu’il n’a pas respectés par la suite. Il a cessé de prendre leur avis sur les questions majeures, alors qu’il le leur avait promis. Il s’est assis avec sa famille sur les mannes financières du pays sans vouloir les partager avec tous. Il s’est fait entourer de laudateurs de tous genres, vidéastes en plus, spécialistes en rien du tout, du moins en la politique de la bouche pleine et du ventre plein qui n’a point d’oreilles pour écouter et être objectifs dans les jugements ; de gros bras pour intimider, au lieu de gros esprits pour conseiller et avertir à temps. Ainsi, le conflit est devenu inévitable qui pourrait conduire le pays dans une nouvelle crise de pro ou de contre le régime actuel. Le plus dangereux est une lutte entre leaders religieux, une guerre de clans. Politiquement, IBK a échoué. Financièrement, il est perçu comme le plus grand voleur dans l’histoire du Mali depuis les années soixante. Soundjata, un Kéita, a fait la gloire du Mali. IBK, un autre Kéita, risque de faire sa honte !
Bien qu’ils soient très rares, il y a des hommes politiques qui gardent leur dignité face à tout ce désastre politico-religieux. Par manque de fond, ils ne sont pas écoutés au Mali et n’ont aucun soutien. Dans ce pays actuel, n’est pas patriote qui n’a rien. Malgré les prières, il faut se le dire, l’argent est Dieu au Mali d’aujourd’hui. Pour cela, Nous sommes prêts à tout, même à vendre le pays. Certains de ces rares hommes politiques, fatigués d’attendre le réveil des consciences, ou d’être taxés de maudits parce qu’ils ne volent pas, deviennent aussi des voleurs.
La mentalité malienne n’est pas encore orientée à faire des patriotes. Elle met plutôt les voleurs en poupe d’un navire qui va contre les vents, pour se retrouver un jour, sans aucun doute, dans les rocs océaniques. C’est ce à quoi nous assistons déjà.
Sékou Kyassou Diallo.
Alma Ata, Kazakhstan.
INFO-MATIN