« Lorsque les ainés et les responsables des faitières m’ont informé que je devais prendre la parole ce matin en leur nom, je me suis tout de suite dit De quoi je me mêle. Moi qui regrette aujourd’hui de n’avoir pas eu comme eux le privilège d’avoir connu Adam THIAM aussi tôt, de ne pas l’avoir comme eux pratiqué au Républicain,Tarik Hebdo,Arawane Express ou Bénbéré.Oui notre regret c’est de n’être pas allé à son école aussi tot, de n’avoir pas assez profité de ces échanges avec lui qui pouvaient tous se résumer en des cours de pratique presse écrite, radio ou télé.
Adam Thiam était une école pour la génération de journalistes à laquelle nous appartenons. Une école aux antipodes des méthodologies professorales ou magistrales basée sur des exemples simples et concrets.
Un soir de l’année 2005 après la diffusion d’une interview avec un homme politique que nous pensions avoir mis en difficulté, avec des questions très embarrassantes, Adam Thiam nous appela et nous fit savoir que nous sommes passés à côté de l’objectif et qu’une interview n’est jamais un duel. C’est plutôt un accouchement renchérit-il, le journaliste est la matrone. Il doit aider au lieu de vouloir systématiquement coincer. Et depuis ce jour, nous avons notre définition du genre journalistique qu’est l’interview. Beaucoup d’autres jeunes journalistes ici présents se rappellent les séances de débriefing sans complaisance avec Adam Thiam.
« La mort ne surprend pas le sage. Il est toujours prêt à partir disait Massa Makan Diabaté.
Et selon une autre assertion toujours malienne « c’est pour anticiper sur la soif qu’on envisage de creuser un puits ».
Cher ami, cher grand frère Adam,
Les nombreux messages venus de partout depuis l’annonce de ton rappel à Dieu prouvent avec éloquence que la mort ne t’a pas surpris, que tu as consacré ton existence à la préparer à l’anticiper.
La grande famille de la presse malienne et au delà reconnait unanimement les valeurs de probité, de dignité et surtout d’humilité que tu as su incarner pendant les trente dernières années en tant que journaliste et récemment en tant que responsable de la Cellule de Communication de la Présidence de la République.
Ismaël Aidara, ton ami de Confidentiel Afrique écrivait hier depuis Dakar que tu faisais du journalisme traditionnel, dogmatique, que tu étais le moine inoxydable du journalisme africain contemporain, un passage obligé.
Pour Ousmane Ndiaye de TV 5, cet autre jeune frère qui te considère comme un mentor Tu étais d’une tradition de journalisme qui se perd, un journalisme littéraire fait de solides références et d’une érudition impressionnante.
Et plus près de nous ici, pour Mame Diarra Diop de Mikado dont tu as guidé les premiers pas dans la presse au Mali Tu étais cette plume acérée, piquante, décryptant ce monde fou, ce monde où tu as conseillé des politiques d’Addis Abeba à Bamako en passant par Niamey.
Et enfin pour Sory Ibrahim Keita de l’ORTM tu n’avais pas la plume Adam mais c’était toi la plume.
Qui n’a pas un jour été touché par tes sorties, de quoi je me mêle ou la chronique de vendredi ?
Qui ne s’est pas un jour senti directement interpellé par tes éditos sur les menaces qui planent sur la République, la laïcité et le caractère indivisible du Mali ?
L’histoire retiendra cher Adam que tu fus des premiers à avoir alerté sur les risques de déplacement de la courbe de l’insécurité du Nord au Centre du pays. Tu ne t’es pas contenté des éditos tu as même tes inquiétudes dans un ouvrage « Centre du Mali : Enjeux et dangers d’une crise négligée ».
Qui n’a pas en mémoire Janjo ou ces hommages à titre posthume que tu étais prompt à rendre.
Aujourd’hui tu rejoins Siramory Diabaté,Kassé Mady Diabaté Bako Dagnon que tu as eu à magnifier par ta plume mélodieuse. Et dans dans l’article consacré à l’artiste Ousmane Sacko tu as chuté avec cette affirmation « On ne pouvait pas lui ôter la vie après l’avoir écouté chanter ».
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En cette journée très lourde cher aîné il y’a bien lieu de s’interroger s’il aurait fallu te rappeler après t’avoir lu ou entendu.
Mais c’est à Dieu que nous appartenons, c’est à lui que nous retournons.
Nous allons tant bien que mal surpasser ces moments d’émotion en nous rappelant les valeurs d’amitié, de fraternité et de confraternité que tu as su promouvoir notamment à travers des rencontres deux, trois dimanches le mois autour du Tieb de Djenaba.
A tes enfants, Raki,Jafar ,Thierno et Aye nous pouvons témoigner au nom de la presse malienne que leur père fut un brillant journaliste qui a su créer et imposer son style.
Cher Adam je voudrais terminer mon propos par deux rappels, le premier avec ces vers de Saint Augustin « Je vis toujours »
La mort n’est rien, je suis seulement passé, dans la pièce à côté.
Je suis moi. Vous êtes vous.
Ce que j’étais pour vous, je le suis toujours.
Donnez-moi le nom que vous m’avez toujours donné,parlez-moi comme vous l’avez toujours fait. N’employez pas un ton différent, ne prenez pas un air solennel ou triste.
Continuez à rire de ce qui nous faisait rire ensemble. Fin de citation
Le deuxième rappel Adam c’est cet ultime sms que tu as envoyé à nous tous par l’entremise de Serge Daniel dimanche dernier à seulement cinq minutes de l’émission que tu as parrainée. Tu écrivais je te cite « je vais vous regarder de là où je suis ».Une mise en garde donc du grand frère fouettard qu’il sera désormais impossible d’ignorer.
Va en paix Adam Thiam ! »
Sékou Tangara
Source: Bamada.net