Ces dernières semaines, nous étions nombreux à nous faire du souci pour Adam Thiam. Il était hospitalisé, atteint du Covid-19. Les nouvelles reçues ces jours derniers étaient un peu rassurantes cependant. Mais la « traîtresse faucheuse », comme il aimait lui-même à qualifier la mort, en a décidé autrement, arrachant à sa plume cet éditorialiste vedette, chroniqueur, poète, chercheur en sciences sociales.
« Une plume rare »
Né en 1954 à Kéniéba, dans la région de Kayes, Adam Thiam étudie au lycée Badala de Bamako avant de rallier l’Université de Dakar où il obtiendra, en 1978, une maîtrise en sciences humaines. Jusqu’à son décès, survenu dans la nuit du 18 mars 2021, il dirigeait la cellule communication et relations publiques de la présidence. En novembre 2019, alors que la tête de cette cellule souffrait d’instabilité, Ibrahim Boubacar Keïta l’avait appelé à la rescousse. Celui qui a également été le porte-parole d’Alpha Oumar Konaré (2003-2005) lorsque ce dernier était le président de la Commission de l’Union africaine avait offert ses services à Dioncounda Traoré en 2013. Et quand Bah N’Daw a été nommé président de la transition, il a décidé de le maintenir à son poste.
À l’annonce du décès d’Adam Thiam, les premières réactions qui ont inondé les réseaux sociaux, au Mali et ailleurs, ont salué « une plume rare », « l’un des plus célèbres journalistes » du pays. « Avec la mort d’Adam Thiam, le Mali perd un de ses esprits les plus brillants », a notamment déploré Tiebilé Dramé, qui n’a pas manqué de rappeler les souvenirs qu’il garde comme une relique de leur amitié, depuis le lycée en passant par le Royaume-Uni, où Adam Thiam a acquis une spécialisation en sécurité alimentaire à la London School of Hygiene and Tropical médecine en 1984.
Mais c’est surtout au Républicain, fondé par Tiebilé Dramé en 1992, qu’il exercera avec le plus de talent son métier de journaliste, après l’éphémère aventure de Tarik-Hebdo. Ses éditoriaux – notamment « De quoi je me mêle » et « La chronique du vendredi » – avaient un succès monstre. Ils se singularisaient par leur profondeur et leur style très travaillé, sans verser pour autant dans une démonstration élitiste.
Diagnostic sans concession
Adam Thiam savait, avec un talent à nul autre pareil, dresser un diagnostic sans concession de notre présent, dans le sens où l’entend Michel Foucault. Aucun sujet constituant un enjeu structurant pour notre avenir n’échappait à la lucidité de cet intellectuel affable, qui savait autant émerveiller par sa culture que par son sourire. Il pouvait vous entretenir de politique et basculer tout à coup dans la musique, lui qui appréciait autant les chants du yéla des Toucouleurs que le blues touareg d’un Tinariwen. Avec toujours ce côté taquin qui le caractérisait, comme lorsqu’il avait proposé dans une chronique de supprimer les poches des uniformes des policiers régulant la circulation pour lutter contre le racket.
Celui que de nombreux confrères – et notamment l’auteur de ces lignes – appelaient « l’excellent Adam Thiam », jouissait d’une réputation qui ne s’est jamais démentie dans ce métier qu’il a notamment exercé en collaboration avec Jeune Afrique.
Ses interventions dans les médias internationaux étaient scrutées en ces temps troublés que nous vivons au Sahel, que ce soit sur RFI, la BBC, la Deutsche Welle ou Africable. Il en était de même pour ses enquêtes, telle celle qu’il avait menée sur l’affaire « Air Cocaïne », qui a eu un écho retentissant, et pour ses travaux de recherche, dont le remarquable Centre du Mali : enjeux et dangers d’une crise négligée (paru en 2017).
Son regard perçant et ses analyses toujours pertinentes manqueront à n’en pas douter dans les mois et les années qui viennent, tant sont grands et complexes les défis auxquels le pays est confronté en ces temps de transition.
Source : Jeune Afrique