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Historique : Allocution du Général de Gaulle à l’Assemblée Fédérale du Mali, 13 décembre 1959

Le Général de Gaulle se rend à l’Assemblée fédérale du Mali, présidée par M. Léopold Sedar Senghor, et composée de vingt représentants de chacune des deux Républiques alors fédérées, la République du Sénégal et la République soudanaise. En présence de M. M. Modibo Keita, Président du Gouvernement fédéral et de celui de la République soudanaise, et Dia Mamadou, Vice-Président du Gouvernement fédéral et chef du Gouvernement sénégalais, de M. Philibert Tsiranana, Président de la République malgache, et des autres membres du Conseil exécutif de la Communauté, il s’adresse aux représentants des deux États fédérés qui viennent de demander l’indépendance.

general charles gaulle

Monsieur le Président de l’Assemblée fédérale du Mali, Messieurs les Chefs de Gouvernement du Mali, du Sénégal, du Soudan,

Messieurs les Chefs des Gouvernements africains, Monsieur le Président de la République malgache, Mesdames, Messieurs,

Solennellement, je veux dire combien je suis honoré de me trouver devant cette Assemblée. Je tiens à dire aussi combien je suis touché des paroles que Monsieur le Président vient de prononcer et dont un certain nombre s’adressaient à moi-même et, à travers moi-même, à la France et à notre Communauté. Ayant rendu cet hommage à l’Assemblée elle-même et à son Président, je vous demande maintenant la permission de vous dire certaines choses, simplement et sans apprêt.

Oui, dans peu de jours, la France, le Mali et les États qui le composent entameront des négociations pour modifier le statut de leurs rapports. Cela était prévu implicitement et même explicitement par la Constitution de la Communauté que nous avons tous votée. II n’en est pas moins vrai que cela va conduire l’État fédéral du Mali et les États du Soudan et du Sénégal qui le composent à une situation nouvelle. Autrement dit, cet État du Mali va prendre ce qu’on appelle la situation d’indépendance et que je préfère appeler celle de la souveraineté internationale. Je dis que je le préfère, sans contester, du reste, l’attrait et la signification que peut avoir, que doit avoir, pour tout peuple et particulièrement celui-ci, le terme d’indépendance. Je préfère cependant celui de souveraineté internationale parce qu’il me paraît correspondre mieux aux nécessités de toujours et, surtout, aux nécessités d’aujourd’hui. L’indépendance signifie un désir, une attitude, une intention. Mais le monde étant ce qu’il est, si petit, si étroit, si interférent avec lui-même, que l’indépendance réelle, l’indépendance totale n’appartient en vérité à personne. Il n’y a pas, je le disais hier à Saint-Louis, d’État si grand, si puissant qu’il soit, qui puisse se passer des autres. Dès lors qu’il n’est pas d’État qui puisse se passer des autres, il n’y a pas de politique possible sans la coopération.

Mais la souveraineté internationale signifie quelque chose de positif. Elle signifie qu’un peuple prend dans le monde ses responsabilités à lui. Elle signifie qu’il s’exprime pour lui-même et par lui-même, qu’il répond de ce qu’il dit et qu’il répond de ce qu’il fait. Cela, dans la société des hommes, est évidemment capital. C’est à ce rang que le Mali et, je le répète, avec lui, les États qui le composent vont donc accéder, avec l’appui, l’accord et l’aide de la France.

Dans le monde que j’évoquais tout à l’heure et dont j’ai dit bien souvent qu’il était très dur et très difficile, il y eut toujours, il y a toujours, un grand combat. C’est le destin des hommes. C’est la loi de notre espèce. Je crois que, pour le moment, si l’on voulait résumer le combat du monde, on pourrait dire qu’il est engagé entre ceux qui veulent la liberté et ceux qui y renoncent. La liberté est aussi ancienne que les hommes. Mais je crois qu’elle est l’enjeu aujourd’hui plus que jamais.

Quand, donc, un pays comme le vôtre va accéder à la responsabilité internationale, le monde entier regarde de quel côté il va se diriger librement. Va-t-il choisir le camp de la liberté ? Va-t-il choisir l’autre ? Veuillez observer, d’ailleurs, que je ne crois pas que ce soient toujours les mêmes qui se trouvent dans le camp de la liberté et toujours les mêmes qui se trouvent dans l’autre. Il peut arriver qu’on change, ou bien tout à coup, ou bien peu à peu, de camp. Et c’est la raison pour laquelle nous ne renonçons à personne.

Mais, les choses étant ce qu’elles sont, le monde étant ce qu’il est, le Mali va devoir choisir la direction qu’il va prendre. Pour la choisir et pour la suivre, il y a quelque chose d’essentiel, et je le dis au nom d’un pays fort ancien, qui a traversé beaucoup de vicissitudes et que vous connaissez tous très bien. L’essentiel, pour jouer un rôle international, c’est d’exister par soi-même, en soi-même, chez soi. Il n’y a pas de réalité internationale qui ne soit d’abord une réalité nationale. II faut qu’un pays qui veut jouer son rôle dans le monde prenne les voies qui le lui permettent. Or, cela revient, d’abord, à se constituer un État.

On n’a jamais vu un pays exister internationalement – sinon comme élément de trouble -sans un État, c’est-à-dire sans une organisation qui dirige l’ensemble des citoyens, qui soit acceptée, reconnue par la masse des habitants et qui mène le pays tout entier vers le mieux. Cela est capital, encore une fois, et, croyez-moi, ce que le monde va regarder dans votre Mali qui s’organise c’est avant tout la façon dont s’organisera et dont fonctionnera votre État.

D’autre part, il faut l’effort du pays tout entier, il faut l’effort des citoyens, il faut l’effort des hommes et des femmes, il faut l’effort dans le sens où la civilisation moderne l’exige, c’est-à-dire dans le sens du progrès. Nous sommes à l’époque de la technique. Il n’y a pas d’État qui compte, s’il n’apporte pas au monde quelque chose qui concourre au progrès technique du monde. Cela aussi je dois le recommander, puisque j’ai l’honneur de me trouver au milieu de vous. Votre État et votre progrès, voilà sur quoi vous serez jugés. Vous en prenez la responsabilité. La France l’accepte de tout coeur. J’ajoute qu’elle est prête à vous y aider.

Elle y est prête, d’abord, parce que c’est sa nature humaine. Il y a eu des vicissitudes dans l’histoire de la France, mais la continuité de cette histoire, bien avant la Révolution dont parlait tout à l’heure le Président Senghor, la vocation de la France, la destination de la France, c’est une vocation, c’est une destination humaine. Elle est fidèle à cette vocation, elle est fidèle à cette destination, quand elle vous offre son concours, loyal et amical, pour votre construction, pour votre établissement et pour votre progrès. Mais elle le fait aussi pour une autre raison, c’est qu’elle vous connaît et que vous la connaissez. Ce n’est pas en vain que nous nous sommes rencontrés depuis si longtemps, que nous avons vécu ensemble depuis des siècles, que nous nous sommes mélangés partout, en particulier dans la métropole française, que nous avons tous appris la même langue et que nous la parlons tous, que nous nous sommes formé l’esprit suivant les mêmes disciplines et les mêmes orientations, que nous avons rêvé les mêmes choses, bref, que nous nous sommes fait le même idéal. Cela, nous ne le renierons jamais, nous Français, et nous ne le renions pas plus chez nous que quand nous sommes au milieu de vous. Voilà pourquoi vous pouvez compter sur la France.

Dans le monde où nous nous trouvons côte à côte, restons les uns avec les autres. C’est le meilleur service que nous puissions nous rendre à nous-mêmes et, en tout cas, c’est le service qu’exige de nous l’humanité.

 

Vive le Mali !

Vive le Sénégal !

Vive le Soudan !

Vive la France !

 

Par charles-de-gaulle.org

 

Source: autre presse

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