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Hassan Naciri : « L’objectif ultime n’est autre que la stabilité du Mali »

L’ambassadeur du Maroc était présent lors de la rencontre du chef de la diplomatie chérifienne avec les autorités de la transition à Bamako cette semaine. Il en explique la portée.

 

Ce qui se joue au Mali concerne autant les pays de la zone soudano-sahélienne que les pays du Maghreb. Il y a bien sûr les frontières partagées, mais aussi cette réalité qu’aucun pays n’a intérêt à voir son voisin déstabilisé. Cela permet de comprendre le ballet d’initiatives discrètes et non moins réelles d’un certain nombre de pays de la région, dont le Maroc. C’est ainsi que, cette semaine, le ministre marocain des Affaires étrangères a fait le déplacement de Bamako. Sur le chemin de la capitale malienne, il a récupéré le chérif de Nioro. Ensemble, ils ont fait le voyage vers Bamako où ils ont rencontré les autorités de la transition. Ambassadeur du roi Mohammed VI au Mali, Hassan Naciri, par ailleurs doyen du corps diplomatique, a répondu au Point Afrique pour expliciter le sens de ce si fort intérêt du Maroc pour ce qui se passe au Mali.

Le Point Afrique : En quoi les relations entre le Maroc et le Mali sont-elles importantes ?

Hassan Naciri : Il s’agit de relations multiséculaires qui ont existé avant même la constitution de nos États respectifs. Des relations intenses, multiformes et ininterrompues. Dans ce contexte, nous rappelons les récits de l’explorateur marocain Ibn Battouta sur Tombouctou et Gao, au XIVe siècle, et les écrits de Hassan El Wazzan dit « Léon l’Africain » au XVIe siècle. Comment ne pas évoquer le fait que nos ancêtres avaient introduit l’Islam sur cette terre du Mali, au XIe siècle, et avaient, parallèlement, été en commerce avec l’Empire du Mali. Les caravanes commerciales servaient de trait d’union entre le Maroc, l’Orient, l’Europe et le Mali. Il faut remarquer que le célèbre empereur Mansa Moussa, qui dominait les savanes de l’Afrique de l’Ouest, a envoyé un émissaire chargé de présents au sultan marocain Abou Alhassan à l’occasion de sa victoire de Tlemcen en 1337. Il nous appartient donc d’entretenir et de pérenniser ces relations.

Quels sont les enjeux de la médiation du Maroc dans la crise que traverse le Mali ? Quels en sont les contours ? Cela a-t-il un rapport avec l’intérêt du Maroc pour la Cedeao ?

Le seul enjeu, c’est la paix et notre sécurité collective. C’est aussi notre devoir d’aider tant que faire se peut un pays frère qui traverse des moments difficiles. Le Mali est membre de la Cedeao, mais il est aussi membre de l’Union africaine, de l’Organisation de coopération islamique et de l’Organisation internationale de la francophonie.

Qu’attendez-vous sur le plan politique, économique, social et religieux de cette démarche ?

L’objectif ultime n’est autre que la stabilité du Mali, pays qui se trouve au centre du Sahel, dans le voisinage du Maroc surtout en termes de pertinence historique, géographique et culturelle. Il est certain que la stabilité de ce pays rejaillira sur tous les pays voisins et au-delà.

Que pensez-vous de la manière dont la transition est enclenchée ? Comment concrètement le Maroc pourrait accompagner le Mali afin de faire face aux défis liés à la transition ?

La transition a été enclenchée selon le schéma des arrangements avec la Cedeao et en référence aux concertations nationales maliennes ayant eu lieu du 10 au 12 courant. Je crois que les Maliens ayant fait leur choix, il appartient à la communauté internationale de les accompagner. Les efforts du Maroc s’inscrivent parfaitement dans cette démarche.

Sur l’initiative marocaine, des grands religieux du pays ont été réunis et se sont entretenus avec le ministre marocain des Affaires étrangères, Nasser Bourita. Le chérif de Nioro qui n’était pas venu dans la capitale depuis des années a fait pour l’occasion le déplacement. Pourquoi une telle initiative et dans quel but ?

Le but de l’initiative marocaine, sous la haute impulsion de Sa Majesté le Roi, Commandeur des croyants, est de réunir les dignitaires religieux autour des autorités de la transition afin d’aider à baliser le chemin pour une transition apaisée. C’est, à notre sens, une condition sine qua non pour aboutir à des élections crédibles et transparentes à la fin de la transition. Pour ce faire, il serait judicieux de tirer profit de la période de transition pour entreprendre les réformes prioritaires comme celles liées à la loi électorale et à la révision du fichier électoral.

Au sortir de l’audience que le président de la Transition a bien voulu lui accorder, Monsieur Nasser Bourita, émissaire de Sa Majesté le Roi a indiqué qu’il lui a transmis un message d’encouragement, de solidarité et de fraternité, avant de souligner que les frères du Mali ont la capacité nécessaire pour avancer dans le sens de la paix et du progrès. Qu’ils ont prouvé qu’ils ont les moyens et la volonté de faire valoir, en tout temps, dans toutes les circonstances, les intérêts supérieurs de la nation malienne.

Que représente pour le Maroc et pour vous une personnalité religieuse comme le chérif de Nioro ?

Le très respecté chérif Mohamed Ould Cheikhna Hamahoullah, affectueusement appelé Bouyé, le chérif de Nioro, est un dignitaire religieux malien très respecté, descendant d’une grande famille, pieuse, patriote et nationaliste malienne, dont les racines remontent jusqu’au Royaume chérifien. Le chérif de Nioro prêche un islam ouvert et tolérant. Il est connu pour sa sagesse et son pragmatisme, et dit sans équivoque à tous ses interlocuteurs que l’action politique n’est pas vraiment sa préoccupation. Toutefois, il se réserve le droit de donner son avis sur les questions de la nation quand on le lui demande ou quand les blocages politiques l’exigent. On peut donc dire, en toute confiance, que le chérif de Nioro reste un garant moral et social de stabilité et de cohésion sociale.

Peut-on placer cette proximité dans la dynamique de renforcement et de rayonnement régional de l’islam du milieu tel que revendiqué par le Maroc ?

Il est vrai que l’une des priorités du Royaume sous la conduite éclairée du roi Mohammed VI, Commandeur des croyants, est de favoriser l’émergence de l’islam de juste milieu tel que pratiqué depuis la dynastie des Idrissides au VIIIe siècle, un islam de l’amour, du respect de l’autre, du partage et d’humanisme. Sur le terrain, c’est cet islam que nous partageons avec un Mali tout aussi imprégné des valeurs intrinsèques du vivre ensemble.

Quel bilan faites-vous de vos années au Mali, plus particulièrement, sur la situation sociopolitique et sécuritaire du moment ?

Un pays attachant et un peuple résilient. Il a toujours su relever les défis que sa marche lui impose et nul doute que son passé, connu de tous, continuera de servir de boussole et de levain pour avancer.

Il ne faut pas perdre de vue le fait que la crise qui affecte ce pays frère n’est pas seulement malienne. Elle concerne toute la région sahélo-saharienne et est la résultante de facteurs exogènes très prégnants. Sur le plan interne, les difficultés du moment sont liées aux problèmes classiques d’alternance politique connus aussi ailleurs. Ceci étant, il y a lieu de souligner que la solution idoine, ultime, ne peut provenir que d’une dynamique endogène comme l’attestent le dialogue national inclusif des forces vives de décembre 2019 et tout récemment les concertations nationales du mois de septembre. Il appartient à la communauté internationale de soutenir et d’accompagner cette dynamique.

Par Olivier Dubois et Malick Diawara

Le Point.fr

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