Le 3 février sera présenté au public une étude réalisée sur le secteur du livre au Mali. Un secteur durement frappé par la crise et dont les acteurs se battent pour survivre, dans un marché marqué par la piraterie de leurs produits et un contexte économique difficile. Comment se défendent les entreprises d’éditions de livres au Mali ? Le Directeur des éditions Jamana, non moins Président de l’organisation patronale des éditeurs, Hamidou Konaté, nous répond.
Journal du Mali : Quels sont les objectifs de votre organisation ?
Hamidou Konaté : L’OMEL est née en 1996, avec 5 membres à ses débuts, et en compte aujourd’hui une vingtaine. Son objectif est de défendre les intérêts des acteurs du secteur, avec surtout la lutte contre la piraterie. On prend votre livre, on le multiplie, on le vend au marché Dibida et vous n’y pouvez rien… Deuxièmement, le combat portait sur le fait que les livres maliens soient utilisés dans les écoles maliennes. Cela est pratiquement un acquis aujourd’hui, mais à l’époque de la création de l’OMEL, ce n’était pas donné du tout. Nous sommes avec des populations aux revenus extrêmement faibles, donc c’est l’État qui achète les livres scolaires. Ne parlons pas des livres de littérature générale…
Dans un pays où la lecture n’est pas très développée, comment vivent vos entreprises ?
Grâce aux manuels scolaires, qui sont la vache à lait du secteur de l’édition au Mali. Ils nous permettent de réaliser des bénéfices et ceux-ci sont pour la plupart du temps réinvestis dans l’activité, pour payer de l’équipement, gérer les salaires, acquérir nos sièges, etc., mais aussi pour financer la littérature générale, qui rapporte moins. Mais il faut mette cela au passé maintenant, parce que, en dehors de quelques ONG qui font encore des commandes de livres, cela fait cinq ans que ce marché s’est tari. L’État ayant complètement cessé ses commandes, il est difficile de donner des chiffres pour les cinq dernières années. Mais, auparavant, c’est un marché qui s’élevait à plusieurs milliards de francs CFA pour ce qui concernait les livres scolaires et le matériel didactique.
Comment subsistent-elles aujourd’hui ?
C’est notre profession et on la maintient comme on peut. Les gens vivent sur leurs réserves, qui commencent à s’amenuiser, et il y a aussi quelques petites parutions, mais la situation est difficile. Pour sortir un livre de littérature générale, cela peut prendre deux à trois ans, dans le meilleur des cas. Ce n’est donc pas cela qui va faire vivre le secteur. On continue de le faire par militantisme, et aussi pour maintenir le personnel qui souffre de retards de salaire énormes chez certains de nos membres…Sans oublier le fardeau fiscal ! Parce que, que vous produisiez ou pas, les impôts sont là et il faut payer.
Qu’en est-il de la littérature générale ?
Certaines maisons ne font que du scolaire et d’autres sont assez spécialisées en littérature générale en langues nationales et / ou en français. Il faut dire que les gens commencent à prendre goût à l’écriture et, bon an mal an, l’ensemble des éditeurs fait paraitre une centaine de titres, ce qui n’est pas mal. Au niveau de Jamana, par exemple, on sort 5 à 6 livres par an. C’est vrai aussi que maintenant on demande de plus en plus aux auteurs de contribuer. Les livres ne sont pas entièrement à compte d’auteur, mais c’est presque cela… Tout cela nous fait mal mais nous n’avons pas les moyens. Des fois, on peut aller avec un projet voir des gens qui voudront mettre un peu d’argent pour aider l’édition. Cela nous permet de sortir des livres sponsorisés, en quelque sorte, et donc de les vendre à des prix abordables.
De quoi traite l’étude qui sera publié cette semaine ? Propose-t-elle des pistes de solutions ?
L’étude fait l’état des lieux du secteur, tel que nous venons de le faire, mais interpelle aussi les décideurs. Le rôle du livre est inestimable. L’État doit donc vraiment s’intéresser à ce secteur, l’aider comme il le peut. Aux professionnels du livre aussi de se prendre au sérieux et de faire des livres qui répondent à des besoins, à des attentes du public. Du côté de l’État, l’accord de Florence et son traité de Nairobi, qui traitent de l’exonération de tout ce qui entre dans la fabrication du livre, de l’encre aux machines, etc…, ont déjà été signés. Mais l’Assemblée nationale du Mali n’a pas encore ratifié ces textes afin qu’ils entrent en vigueur. Cela veut dire qu’on n’accorde pas beaucoup d’importance à ce secteur.
Journal du mali