Aussitôt la pandémie apparue dans notre pays le 25 mars dernier, le président de la République a immédiatement annoncé un fonds de 6,3 milliards de FCFA pour y faire face. Cependant, cette allocation ne provient pas de nouvelles ressources créées par l’Etat comme l’on pouvait s’y attendre.
Elle a été mobilisée sur le budget 2020 du ministère de la Santé et des affaires sociales à travers des prélèvements sur divers chapitres.
Ainsi, sur le chapitre » Epidémie et catastrophes « , sur une dotation prévisionnelle de 603 millions de FCFA, 300 millions ont été retenus. Sur le chapitre » Achat de médicaments » sur une projection d’un peu plus de 3,4 milliards de FCFA, il a été retenu plus de 1,4 milliard de FCFA. Sur les 993 millions de FCFA prévus au niveau du chapitre » Appui mise en place SGI hôpitaux « , 700 millions ont été ponctionnés. Même opération au chapitre » Autres dépenses matériels » pour lequel 825 millions étaient budgétisés. 412 ont été retenus pour le fonds Covid-19. Sur 1,1 milliard de FCFA prévu pour le chapitre » Besoins nouveaux de services » 450 millions ont été prélevés. Au niveau du chapitre » Travaux et construction bâtiments « , sur une prévision de 1,9 milliard FCFA, 900 millions ont été retenus pour le fonds Covid19. Enfin, au chapitre » Autre dépenses de personnel « , sur une projection budgétaire de près de 5 milliards de FCFA, le gouvernement a prélevé plus de 2 milliards de FCFA. Au total ce sont bien 6,3 milliards de FCFA qui ont été soustraits du budget 2020 du ministre de la Santé et des affaires sociales.
Les 6;3 milliards de FCFA logés dans un compte unique
Conséquence d’une telle amputation budgétaire, le département se trouve dépouillé d’une part importante de ses ressources destinées, comme on le constate, à des chapitres importants comme l’achat de médicaments pour faire face aux nombreuses maladies qui font souffrir les Maliens.
Mais plus grave encore, ces ressources prévues pour contribuer à assurer la prise en charge de la santé des Maliens seront logées dans un compte unique manipulé par la Primature et qui opère des paiements sans daigner informer le destinataire primaire de ces ressources, c’est-à-dire le ministère de la Santé.
Certes le Covid-19 peut quelque part dépasser la seule compétence du ministère de la Santé et des affaires sociales au vu de ses multiples incidences sur les autres aspects de la vie du pays, mais il est évident que ce département restera au cœur du dispositif de prise en charge de la pandémie à travers les structures sanitaires. En la matière, toute initiative de mise en place de fonds de lutte contre la pandémie devrait tendre à renforcer en premier le département de la Santé et non l’affaiblir. Comme c’est fut le cas actuellement par le trébuchement du Premier ministre, ministre de l’Economie et des finances.
A l’évidence le patron de l’hôtel des finances devrait mobiliser ces ressources supplémentaires en urgence auprès des bailleurs et autres partenaires financiers pour les mettre à la disposition du ministère de la santé et des autres départements intervenants dans la lutte. Et non charcuter un budget déjà existant et destiné à des dépenses aussi cruciales que l’acquisition des médicaments pour faire face à des maladies aussi nocives sinon plus que le Covid19.
Sur les 6,3 milliards de FCFA, la Primature a procédé à des dépenses sans même informer le ministre de la Santé. Il y a eu l’achat de plus de 200 lits d’hôpital qui, selon certaines sources, ne répondent á aucune norme médicale ; les frais de confinement à l’hôtel des 128 Maliens rapatriés pour plus de 500 millions de FCFA payés au nom du ministère de l’Artisanat et du Tourisme ; l’achat den masques à travers le ministère de l’Industrie et du Commerce. S’y ajoute la gestion du couvre-feu pour plus de 700 millions débloqués pour le compte du ministère de la Sécurité et de la Protection Civile.
Des ressources de la santé utilisées au compte d’autres ministères
Comme on le constate, ce sont des dépenses des autres départements en rapport certes avec le Covid-19 qui sont réglées sur l’argent du ministère de la Santé. Alors qu’au même moment ce département a de la peine à faire face à ses obligations régaliennes vis-à-vis des structures sanitaires de prise en charge et du personnel mobilisé pour la prise en charge des malades du Covid-19 et des autres pathologies. Il est de notoriété publique que plusieurs agents de santé sont aujourd’hui contaminés du Covid-19 faute d’équipements adéquats de protection (masques, gants, dispositif de lavage de mains etc). Le mouvement d’humeur du personnel de l’hôpital de Kayes est illustratif à cet égard. Pour éviter que cette situation ne contamine les autres hôpitaux, le DFM du ministère de la Santé était obligé de solliciter en urgence auprès du Directeur du Budget la mise à disposition de 1 360 000 FCFA.
L’affectation de cette ressource suivie du déplacement d’une délégation conduite par le ministre Michal Hamala Sidibé à Kayes a permis de ramener, pour le moment, la quiétude à l’hôpital régional. Mais pour combien de temps? Il faut aussi préciser que le comité de gestion est aussi rattaché á la Primature et ne comprend aucun membre du cabinet du ministre de la Santé qui n’a même pas été consulté pour sa composition.
S’agissant du fonds spécial covid-19 constitué des contributions des différentes structures et bonnes volontés logé dans un compte logé à la BMS-SA, il est aussi à la seule portée de la primature. A la date d’hier 5 mai, le niveau de contribution à ce fonds était de plus de 3,6 milliards de FCFA.
Pour terminer il convient de souligner qu’en plus de ces privations de ressources financières, le ministère de la Santé a été délesté récemment de la Direction nationale du développement social et de l’économie solidaire. Affaire à suivre…
YC
Source : l’Indépendant