Grève illimitée des magistrats, report des élections législatives, redécoupage administratif du territoire sont les sujets brûlants d’intérêt national sur lesquels la Majorité présidentielle brille par un silence assourdissant. Que cache cette apathie préjudiciable à la démocratie ?
Depuis le 3 août 2018, les syndicats de magistrats (Syndicat Autonome de la Magistrature (SAM) et Syndicat Libre de la Magistrature (SYLIMLA) ont enclenché une grève illimitée, après une première grève observée du 25 juillet au 2 août. Cela fait bientôt trois mois que cette grève dure. Elle tient en haleine les autorités nationales et pénalise les citoyens privés de leurs droits et de leurs libertés fondamentales.
Du début de la grève à maintenant, des bonnes volontés font l’entregent pour rapprocher les points de vue, en tout cas, ramener les deux parties, à savoir le Gouvernement et les syndicats, autour de la table des négociations.
Le zapping de dossiers
Certains Partis politiques se sentant interpellés par ce drame qui se joue ont pris en charge la question. En témoigne la visite de courtoisie du Chef de file de l’Opposition, Soumi champion, aux syndicats en cessation concertée de travail, pour ‘’comprendre le sens profond de cette grève’’. Si Soumi n’a pas véhiculé le message d’apaisement qui sied en de telles circonstances, mais qu’au contraire il s’est livré à un véritable réquisitoire contre le Gouvernement, il faut tout de même lui reconnaître le mérite de l’exercice d’écoute des préoccupations des magistrats grévistes.
La Majorité présidentielle, elle, par contre, semble marquer une indifférence totale par rapport à cette grève qui triture le Gouvernement qu’elle est censée soutenir et accompagner. Aucune déclaration officielle sur la situation ; aucune démarche personnelle pour la décrispation… C’est comme si aux yeux de la Majorité, tout se passait pour le mieux dans le meilleur des mondes.
Pourtant, lors de la grève des mêmes magistrats, en 2017, elle n’a pas hésité à rencontrer les syndicats. Pourquoi marquer une telle indifférence face à une grève qui a atteint des proportions inquiétantes, puisqu’en marge des revendications syndicales, les égos se sont invités dans le débat suite à la décision gouvernementale de rétention des salaires et de réquisition des magistrats, conformément aux dispositions légales tout de même ?
Pendant que la question de la grève des magistrats n’est pas résolue, le débat sur le redécoupage administratif du territoire fait rage. Plusieurs associations ont fait des sorties publiques pour rejeter sans ménagement le projet, en soulevant différents griefs parmi lesquels celui qui accuse le Gouvernement de partition du territoire.
Face à cette accusation gravissime, la Majorité présidentielle qui est censée soutenir et accompagner le Gouvernement ne pipe mot.
En pleine tempête de contestation du redécoupage administratif, il est procédé à une prorogation de 6 mois du mandat des députés, synonyme de report des élections législatives.
Il faut rappeler que le scrutin, initialement prévu pour le 28 octobre 2018, avait été reporté au dimanche 25 novembre 2018, sur toute l’étendue du territoire national. Un second tour de scrutin devait avoir lieu le dimanche 16 décembre 2018, dans les circonscriptions où aucun candidat ou liste de candidats n’obtient la majorité absolue des suffrages exprimés au premier tour.
Suite à ce report des législatives, puisqu’il s’agit de cela de facto, des Partis politiques ont aussitôt réagi.
Le Parti YELEMA le Changement, de l’ancien Premier ministre Moussa MARA, tout en informant du cadre légal que vise à donner cette action portée par l’Assemblée nationale, a réaffirmé son opposition ‘’ par principe au report de cette ‘’ et rappelé la nécessité d’un dialogue politique inclusif.
Un autre ancien Premier ministre, Modibo SIDIBE, après un constat de détérioration inexorable de la situation sécuritaire, socio-politique et économique, juge pertinent le report pour rendre ‘’les prochaines élections législatives libres, transparentes et équitables’’.
Les opposants irréductibles (URD, PARENA…) sont restés dans leur schéma classique de contestation, d’autant plus que la voie de la concertation qu’elle avait ouverte, en septembre, au Gouvernement, a été superbement ignorée.
Sur cette question de la plus haute importance pour un pays qui traîne les séquelles de l’élection présidentielle, la Majorité présidentielle est restée étonnamment muette comme une carpe. La seule réaction censée provenir de la Majorité, est celle informelle du Président du RPM, le Dr TRETA, interpellant le ministre de l’Administration territoriale et dont les propos ont été rapportés par un confrère de la place. Un cadre formel serait plus crédible. Hélas !
Les réactions contraires
Cette torpeur de la Majorité présidentielle est préjudiciable à la démocratie, d’autant plus qu’elle impose aux citoyens un seul son de cloche, à savoir celui de l’Opposition. Cette Opposition qui a apparemment tiré les leçons de son échec de la présidentielle qui tente de renaître de ses cendres, à travers de nouveaux regroupements : le Front pour la sauvegarde de la démocratie (FSD) ; la Convergence des Forces Patriotiques pour le Changement.
Par contre, au sortir de l’élection présidentielle qui a vu la réélection de Ibrahim Boubacar KEITA, la Majorité semble prise d’une gueule de bois. Les réunions de ses membres, de plus en plus rares, ne regroupent plus que quelques fidèles au poste. La réunion du vendredi dernier, à en croire nos sources, était famélique, en termes de représentation.
Faudrait-il croire que les antagonismes entre les membres de la Majorité sont tels qu’ils évitent de s’asseoir autour de la même table au risque de nous offrir le spectacle lamentable de pugilats ?
Cette Majorité pense-t-elle avoir accompli sa mission avec la réélection du Président Ibrahim Boubacar KEITA et voudrait bien goûter au repos du guerrier ? Si tel était le cas, ce serait fait monter son candidat dans l’arbre et le tronçonner. Sans verser dans l’exagération, cela rimerait avec une trahison du Président IBK qui a aujourd’hui plus que jamais besoin de ses alliés, le bateau Mali étant en pleine tempête.
La Majorité continuera-t-elle à donner raison au Président IBK qui la sabrait à Sikasso : “je ne vous sens pas dans le débat politique. Vous êtes frileux face à une opposition tonitruante” ou aura-t-elle un sursaut pour le confort de notre démocratie ?
Par Bertin DAKOUO
Source: info-matin