Alors que le Gouvernement prend une mesure d’apaisement en payant les salaires du mois de septembre des Magistrats grévistes lesquels devraient faire l’objet de rétention, en vertu de l’article 17 de la Loi 87-47/AN-RM du 10 août 1987 portant exercice du droit de grève dans les Services publics, une poursuite du bras de fer de leur part ne ferait que les isoler davantage. D’autant plus qu’ils ne sont pas non plus en odeur de sainteté au plan international.
Le paiement des salaires du mois de septembre est un signal fort d’ouverture au dialogue du Gouvernement qui y était prédisposé comme l’atteste la non-retenue des salaires du mois d’août et des 7 jours ouvrables de grève, du 25 juillet au 2 août 2018.
Il est vrai qu’il s’agit d’une démarche unilatérale du Gouvernement qui ne répond nullement aux revendications des magistrats qui du reste ne remettent pas en cause la légalité de la mesure de rétention des salaires.
A ce geste d’apaisement du Gouvernement, il faut ajouter les personnes et groupes de bons offices qui abattent un énorme travail de l’ombre pour renouer le fil du dialogue entre le Gouvernement et les deux syndicats grévistes.
De même, en recevant le SAM et le SYLIMA, le Garde des Sceaux leur a fait comprendre que de son point de vue, le Chef de l’État s’est engagé à améliorer les conditions de vie et de travail des magistrats ; que, de même, le Président de la République a invité les Syndicats à lui faire confiance.
M. COULIBALY estime que cela constitue un engagement plus important que même un accord écrit obtenu du Gouvernement.
Toutefois, en se barricadant derrière leurs revendications et en refusant de saisir la main tendue du Gouvernement, de lâcher du lest suite aux différentes médiations qui n’ont jamais été interrompues, les magistrats grévistes courent le risque de s’isoler davantage. Ce, d’autant plus que les revendications sur lesquelles ils sont arc-boutés ne sont soutenues par aucun engagement du Gouvernement.
Il faut rappeler que les deux cahiers de doléances des magistrats totalisaient 57 revendications, dont 33 doléances financières et 24 doléances portant sur des questions institutionnelles.
L’incidence globale des doléances s’élève à 110 milliards de FCFA.
Voici ce qui a été arrêté à l’issue des débats de la Commission de conciliation, en février 2017, le procès-verbal en fait foi :
-Salaire : 10% d’augmentation immédiatement et des discussions lors de la relecture du statut de la Magistrature d’ici le 30 avril 2017, à introduire à l’Assemblée nationale avant le 30 mai 2017.
-Indemnité de judicature : 50% d’augmentation.
-Indemnité de logement : 110% d’augmentation (60.000 FCA)) pour un montant de 110.000 FCFA en 2017, et 125.000 FCFA à compter du 1er janvier 2018
-Indemnité de monture : Désaccord.
-Transposition du Décret N°0837/P-RM du 10 novembre 2014. Nouveau Décret à prendre d’ici le 30 avril 2017.
-Décret d’application de la loi sur la Cour Suprême : À prendre d’ici le 30 mars 2017.
-Statut de la Magistrature : avant son introduction à l’Assemblée nationale à élaborer d’ici le 30 mai 2017. La classification des juridictions, la grille salariale et le plan de carrière y seront annexés.
-Règlement intérieur du CSM : Projet présenté par les Syndicats au ministre de la Justice d’ici le 10 mars 2017.
-Installation solennelle des Chefs de juridiction et de Parquet : Arrêté à prendre d’ici le 30 avril 2017.
Tout autre engagement prêté au Gouvernement, comme c’est le cas en ce moment, n’est qu’affabulation. Il n’y a jamais eu de concordance entre les prétentions des magistrats et les réponses favorables du Gouvernement qui s’est par contre exécuté sur les points sur lesquels il s’est engagé.
Autre facteur d’isolement des magistrats grévistes, c’est par rapport à l’opinion blasée qui ne les suit pas dans leur aventure. C’est une litote de dire que le traitement préférentiel dont ils font l’objet est la moins bien admise de l’opinion qui ne peut s’empêcher d’établir un parallèle par rapport à leur rendement.
Sur le plan international, les magistrats grévistes sont esseulés. En effet, lors de la réunion du groupe africain de l’union internationale des magistrats (UIM) tenue à Marrakech (Maroc) à l’occasion de la 61e réunion de l’UIM, les membres africains de cette organisation ont évoqué la situation malienne marquée par une grève illimitée des Syndicats autonomes (SAM) et libres (SYLIMA) maliens qui dure depuis plus de trois mois.
Les membres du groupe ont été informés par la délégation du Mali qu’un groupe de magistrats de leur pays a entamé depuis trois mois une grève illimitée. Cette grève a eu des conséquences néfastes sur les droits de l’Homme et des justiciables, causant beaucoup de tort.
Devant cette situation, le Groupe Africain demande unanimement aux magistrats grévistes d’obéir aux règles du droit de grève et de se conformer à l’avis de la Cour Suprême du Mali.
Le Groupe souligne que ce pays est régi par des règles de démocratie et que tout le monde doit obéir à ces règles ; y compris et surtout les magistrats.
Au regard de ce qui précède, une paix des braves ne ferait de mal à personne.
Gouvernement, magistrats grévistes, citoyens dont les droits sont laminés par cette grève illimitée, y trouverait leur compte.
Par Bertin DAKOUO
Source: info-matin