Qui l’eut cru que l’autorité de l’Etat puisse perdre de sa superbe et se ravaler au ras des pâquerettes sous la conduite d’un homme qui l’aura incarné dans sa totale rigueur.
Il s’agit bien d’IBK, l’ancien Premier ministre d’Alpha O Konaré – qui passait naguère encore pour le principal sauveur du régime de l’Adema contre la grogne de la rue – ne symbolise plus le pouvoir que dans le paroxysme de sa faiblesse.
Au manque crucial de rigueur dans la gestion et à l’impéritie régalienne sont’ venues se greffer depuis quelques temps la course aux bonnes grâces des notoriétés religieuses, vraisemblablement dans le but de régner sans rendre des nombreuses plumes laissées dans la gestion calamiteuse, les scandales à répétition et autres maladresses politiques qui pourront rebondir à la face du pouvoir à l’heure du bilan quinquennal et à quelques encablures de la présidentielle. Au nombre des gymnastiques et prestidigitations concoctées pour ce faire figure les péripéties ayant récemment émaillé le décès de l’un des fils les plus choyés par le Chérif de Nioro. Il s’agit de Alhassa Ould Mohamed décédé en Côte d’Ivoire et dont les obsèques ont drainé du beau-monde depuis la capitale vers la contrée où réside le très vénéré père éploré du défunt. Parmi les illustres personnalités figurent le chef de l’Etat en personne dont on dit que les relations avec le Chérif ne se sont plus au beau-fixe, depuis la vague de limogeages de certains de disciples Hammalistes et l’arrestation du chef de la junte putschiste, amadou Haya Sanogo.
Le locataire de Koulouba ne pouvait donc pas laissé s’échapper l’opportunité de rachat que lui la circonstance malheureuse qui s’est abattu sur la famille de l’influent chef spirituel. Il ne lui a pas suffi de se déplacer en personne et de mobiliser enfants et épouse pour les obsèques du défunt. Il a fallu aussi agiter la République entière ou presque au point d’occasion tout un ballet aérien à l’aérodrome de la petite contrée de Nioro où deux avions ont peut-être pour la toute première fois convergé : l’avion présidentiel et l’avion militaire ayant servi à transporter la dépouille du fils du Chérif de Nioro. Oui, vous l’avez bien compris : c’est bien un avion militaire qui a été dépêché depuis la capitale malienne pour le rapatriement du défunt qui résidait à Abidjan, non loin de la prison où était gardé son grand-père Cheickna Hama Oula.
Pour respectable qu’il soit par ses origines et son rang spirituel, le privilège à lui accorder fait jaser. Et pour cause : les blessés de l’armée bénéficient à peine de moyens d’évacuation à défaut de se prendre eux-mêmes en charge en médicaments, tandis que de nombreux parlementaires ont dû renoncer à l’accueil de Macron à Gao faute de moyens de déplacement.
Qu’à cela ne tiennent, de quel droit l’usage du patrimoine souverain de l’Etat et les privilèges de la République sont-ils accordés à un particulier qui n’en jouit ni par ses fonctions ni par une quelconque position régalienne, s’interroge – t- on dans certains milieux ? La réponse à leur question réside, selon toute vraisemblance, dans le rôle de plus en plus prépondérant qui revient au spirituel dans la conquête ainsi que dans l’exercice du pouvoir. Le dénouement des crises corporatives les plus insurmontables, les différends entre l’Etat et les entités associatives, entre autres, relèvent plus de la compétence d’organisations religieuses que des structures étatiques ou politiques auxquelles une telle tâche était traditionnellement dévolue. Il en a ainsi été de l’implication du monde musulman dans le traitement de la récente grève des camionneurs qui n’avait à peine atteint les proportions de l’embargo infligé par la Cédéao en 2012, comme de la gestion par un chef spirituel de la place de la démolition des maisons de Souleymanebougou par le ministre des Domaines de l’Etat.
On peut même dire sans risque de se tromper que les tendances religieuses rivalisent d’aptitudes et de prouesses dans le dénouement des clivages auxquels l’Etat est confronté. C’est ainsi, par exemple, que le président du Haut conseil islamique a tenté de battre le record dans le domaine en son temps en s’essayant à un rapprochement entre les pouvoirs et le terroriste Iyad Ag Ghali. Son initiative a fait chou blanc mais cela ne l’a pas empêché de plaider pour sa chapelle à la Conférence d’entente nationale en revendiquant un rôle de premier plan dans la gestion de la crise malienne. Une aspiration d’autant plus légitime qu’il est arrivé que le président de la République avoue devoir plus la stabilité de son pouvoir aux associations islamiques qu’à toute autre entité associative ou politique.
A Keïta
Le Témoin