Par rapport à la gouvernance d’un pays en faillite, nous vous proposons ici ce que notre doyen Sidi Coulibaly écrivait sur son blog “Réflexions sur le Mali” et sur Maliweb le 17 mai 2014, il y a donc un peu plus de 4 ans. Une analyse qui est plus que d’actualité.
Quand en septembre 2013, j’ai écrit un papier de “bienvenue” à IBK avant même son investiture, certains ont cru y lire des éloges à son endroit. Question de langage ou de ton, mais il fallait y lire “des conseils” à un homme en qui le Mali désespéré avait cru bon de placer son espoir. Ce n’est pas pour faire le bilan sur la prise en compte ou non de ces conseils “familiaux”. Non ! Juste donner un avis sur certains éléments de la marche du Mali depuis ce 19 septembre 2013.
Si IBK voulait mon avis…
… Je lui dirais qu’il aurait dû faire de l’audit de l’Etat une des conditions sine qua non de sa gouvernance dès sa prise de pouvoir afin d’escompter une quelconque réussite. Cet audit, j’avais espéré que le gouvernement de la transition le ferait mais, apparemment, le pilotage à vue semble ancré dans les habitudes car les gouvernants ne se fixent aucune obligation de résultat sachant qu’il n y a aucune force capable de le leur imposer.
Seulement, il est évident que la bonne gestion a horreur de l’à-peu-près et la gestion d’un Etat failli n’a rien à voir avec un système normal et exige la prise de certaines précautions de base.
Deux options diamétralement opposées s’affichent pour réussir : soit on impose une discipline stricte (que certains pourraient qualifier de dictature) en contraignant les gouvernés, souvent par la force, ou alors on a recours à une méthode qui oblige à faire un diagnostic approfondi afin de mettre à contribution toutes les compétences disponibles sans considération politique ou raciale.
L’audit de la présidence est un premier pas qui est insuffisant pour permettre une vision globale des actions à engager pour l’ensemble du pays.
Il n’est peut-être pas bien indiqué, voire illusoire, de croire que l’on pourrait soigner un mal pour lequel le bon diagnostic n’a pas été établi avec certitude. Le danger dans le cas malien réside dans le fait que tout le monde croit savoir de quoi souffre le pays et chacun croit posséder son remède, justement parce que les médecins auxquels on a fait jusque-là appel ont, pour le moment, suivi plus leur instinct d’hommes que de spécialistes.
Donc, il faut, au Chef de l’Etat, aller au-delà et engager une véritable action de diagnostic en même temps qu’il tente d’apporter des solutions à l’ensemble des problèmes qui se posent. Parler ne servira à rien. Plutôt agir et agir bien et juste !
Si IBK voulait mon opinion…
… Je lui dirais que le président du Mali est celui de tous les Maliens, même ceux qui ne l’aiment pas et parmi lesquels se trouvent ceux qui pourraient “l’insulter”. Il devient un homme qui incarne la plus haute institution du pays. A ce titre, il ne devrait pas accepter de traiter un ou certains de ces “sujets” de quelque nom que ce soit.
Le Chef ne parle pas trop et s’il parle, il doit se retenir de prononcer certaines paroles car il est le Chef de l’Etat, le gardien de la Constitution qui nous garantit dans nos vies individuelles et collectives. Le Chef de l’Etat doit accepter les critiques, même les plus dures, dans la mesure où celles-ci ne sont pas faites à l’individu mais à l’institution qui est sensée trouver solution à nos problèmes de Maliens.
C’est un devoir de démocrate que de prendre en compte les critiques qui ont toujours un aspect déplaisant mais pas seulement. L’égoïste (nyengo) est, selon le dictionnaire, celui ou celle qui ne pense qu’à soi, à ses intérêts. Autrement, dans l’air du temps “moi d’abord” !
Veiller sur son environnement immédiat
…Je lui dirais qu’il devrait tancer ses collaborateurs qui ont “lâché” les journaux sur son ancien collaborateur que certains n’ont pas hésité à qualifier d’étranger pour exprimer leur colère à eux contre lui.
…Je lui dirais que nous sommes en principe tous égaux dans les règles de la démocratie. Mais, quand on a la “chance” d’être un proche du Chef de l’Etat, on devrait éviter de lui faire de “l’ombre”. Il est tellement facile de profiter de sa proximité avec le centre du pouvoir suprême dans un pays africain qu’il ne sert à rien d’enfourcher une trompette pour le faire.
Malheureusement, autour de lui, il y a une cacophonie d’instrumentistes dont les mauvais accords risquent de faire fausser les pas de danse. Ce qui pourrait être préjudiciable pas pour le Mali, même si, mais pour ceux qui croient pouvoir “narguer” l’entendement général.
Si IBK pouvait m’entendre….
…Je lui dirais qu’un chef de gouvernement qui ne peut compter sur aucun des membres de son gouvernement (tout le monde ne se croyant redevable qu’au Chef de l’Etat) aura beaucoup de mal à imprimer une orientation sous forme de ligne directrice. Dans ce cas, ni le Chef de l’Etat qui l’a nommé ni lui-même chef de gouvernement n’est protégé.
Dans l’entendement des gens avisés, l’élection présidentielle au Mali était pour mettre en place un pouvoir transitoire sensé impulser les orientations indispensables pour un éveil du pays. Il y a à ce jour beaucoup d’interrogations sur la visibilité du tracé car on a de la peine à identifier les contours. Peut-être qu’il y a nécessité de renforcer l’encre utilisée ou même changer soit la couleur de fond ou celle de la forme.
…Je lui dirais que c’est toujours une erreur pour un homme de lier le destin d’un peuple/pays au sien. La succession des évènements est souvent impitoyable et le passé devrait être une source d’inspiration pour tous.
L’histoire de l’ADEMA aurait pu servir de leçon aux hommes politiques maliens. Lors d’un échange avec un cadre de l’ADEMA à l’époque de sa toute puissance (alors que le Chef de l’Etat était le tout “craint” Premier ministre) dans mon bureau de rédacteur en chef de Radio Kledu, il me tint ce langage : «Nos calculs à l’ADEMA sont de garder le pouvoir d’Etat pour au moins 25 ans. 10 ans pour les deux mandats d’Alpha, 10 ans pour les deux mandats d’IBK qui sera le prochain président. Son successeur à lui que nous aurons le temps de préparer fera au moins un mandat. Si ce dernier est bon, nous repartirons certainement pour un autre cycle de 20-25 ans» !
Mais, l’histoire est bien connue : l’ADEMA n’est pas allée au-delà des deux mandats de AOK !
A suivre !
Sidi Coulibaly
Journaliste à Ouagadougou (Burkina Faso)
Source: le Matin