C’est en usant de méthodes très peu orthodoxes que les contestataires ont tenté de créer une crise de confiance au sein des producteurs
La tentative de contestation montée par les pétitionnaires de l’Union nationale des sociétés coopératives de producteurs de coton (UNSCPC) s’est dégonflée à une vitesse stupéfiante lors d’une mission d’information et de sensibilisation entamée lundi dernier à Kadiola et à Koutiala par le président de l’Union. L’objectif de Bakary Togola, qui est aussi le président de l’Assemblée permanente des chambres d’agriculture, était d’éclairer sa base sur l’application dans le domaine cotonnier du règlement de l’Organisation pour l’harmonisation en Afrique du droit des affaires (OHADA) qui regroupe 17 pays africains, dont le Mali. La mission s’est également informée sur l’état d’exécution de la campagne de commercialisation dans les différentes filiales Sud-SA (Sikasso) et Nord-Est-SA (Koutiala).
Il faut rappeler que le réseau coopératif des producteurs de coton du Mali a été mis en place en 2007 conformément aux dispositions de la loi coopérative qui régissait à l’époque ces organisations professionnelles paysannes. L’Union nationale des sociétés coopératives des producteurs de coton (UNSCPC) avait alors été installée avec des démembrements composés de 7177 sociétés coopératives de base, 288 unions communales, 41 unions de secteurs, 4 unions régionales et une union nationale.
Depuis mai 2013, cette configuration a changé. En effet, toutes les coopératives sont désormais régies par l’acte uniforme de l’OHADA adopté en décembre 2010 à Lomé. Cet acte uniforme dont la mise en œuvre est obligatoire pour tous les Etats signataires de l’Organisation remplace toutes les lois régissant précédemment les sociétés coopératives et fait obligation à ces dernières de mettre leurs statuts en harmonie avec les dispositions de l’Acte dans un délai de deux ans à compter de mai 2013.
L’UNSPC a donc elle aussi entamé sa mutation. L’ancienne configuration admettait cinq niveaux d’organisations de sociétés coopératives des producteurs de coton, à savoir les niveaux national, régional, communal, de secteur et de base. La nouvelle formule, elle, reconnaît quatre configurations : le niveau national à savoir la confédération, le niveau régional (la fédération), les sociétés coopératives de secteurs et celles de base.
LES PAYSANS POUSSÉS À SE REBELLER. L’Union pour encadrer ces changements a initié des ateliers d’information et de sensibilisation sur les nouveaux dispositifs de l’OHADA dans toutes les filiales CMDT et en zones Office de la haute vallée du Niger (OHVN). A la suite de ces ateliers qui ont regroupé les représentants des sociétés coopératives de producteurs de coton et leurs partenaires, toutes les zones de production de coton ont procédé aux changements convenus. Tout paraissait se dérouler pour le mieux quand se leva une fronde inattendue menée par Yacouba Koné (Filiale Sud-SA, dont Sikasso est la base) et Gaoussou Sanogo (Filiale Nord-Est, dont Koutiala est aussi la base). Ces meneurs, qui sont tous deux présidents des Unions locales de sociétés coopératives des producteurs de coton de leur localité, ont poussé des paysans à se rebeller contre les changements intervenus.
Ils soutenaient que ces changements auraient dû s’opérer de la base vers le sommet, et non inversement. Ils pointaient aussi le manque de communication, indiquant qu’aucune assemblée générale d’information ne s’était tenue pour informer les producteurs des changements à opérer. Les meneurs se sont basés sur cet argumentaire pour dénoncer le processus lancé. Afin de se donner une légitimité populaire, ils ont fait signer des pétitions par des paysans supposés protestataires et ont fait parvenir ces documents directement aux autorités (ministère du Développement rural, Primature, présidence de la République). La direction générale de la Holding Compagnie de développement des textiles (CMDT) et celle de l’Office de la haute vallée du Niger (OHVN), de même que l’Union nationale des sociétés coopératives de producteurs de coton (UNSCPC) ont appris l’existence des pétitions par les autorités saisies.
C’est pourquoi le président de l’Union a jugé nécessaire de faire organiser des espaces d’échanges qui ont réuni a à Kadiolo et Koutiala, outre les autorités administratives locales (préfet, maire), les meneurs avec les supposés pétitionnaires, les administrateurs généraux des Filiales Sud-SA et Nord-Est-SA et de nombreux paysans des zones concernées.
A Kadiolo, la vérité a été rétablie sans fioritures. La pétition envoyée par Yacouba Koné était supposée avoir été signée par 1015 paysans. Mais le président de la Chambre locale d’agriculture, Seydou Cissé, le préfet Lassana Sékou Camara, l’administrateur général de la Filiale Sud-SA, Abdoulaye Dolo se sont, tour à tour, étonnés de l’existence d’un tel document pour la simple et bonne raison qu’aucun d’entre eux n’avait eu connaissance d’un mécontentement paysan d’une telle ampleur. En outre, de nombreux paysans supposés figurer parmi les pétitionnaires étaient étonnés de découvrir leurs noms au bas d’un document dont ils ignoraient le contenu.
Selon les investigations menées par la Filiale Sud-SA et les aveux de Yacouba Koné lui-même, seulement 4 zones sur les 21 de production agricole (ZPA) figurent sur la liste de pétition. La proportion est encore plus mince au niveau des sociétés coopératives de producteurs de coton (26 sur 223). Des coopératives ont signé la pétition sans en connaître l’objet réel, d’autres l’ont fait croyant ainsi obtenir les réparations promises par le meneur pour compenser les pertes subies sur les parcelles inondées, d’autres encore pour dénoncer la formation du bureau.
ACCULÉ DE TOUTES PARTS. Le président de l’UNSCPC, Bakary Togola s’est étonné que des paysans ne soient pas informés des changements à opérer, alors que leurs délégués, à la tête desquels se trouvait Yacouba Koné, avaient été chargés de convoquer une assemblée générale d’information et de sensibilisation dans ce sens. Une enveloppe avait même été dégagée à cet effet et remise à Yacouba Koné en sa qualité de président de l’Union locale des sociétés coopératives de Kadiolo. Cette information a été confirmée par le président de la Chambre locale d’agriculture de Kadiolo, Seydou Cissé.
Bakary Togola a choisi d’endosser la responsabilité de la non tenue de l’assemblée générale d’information qui aurait dû contribuer à éviter cette inutile crispation. Il a expliqué que le règlement de l’OHADA s’applique aux sociétés coopératives de tous les pays membres de l’organisation. Confondu, lâché et acculé de toutes parts par ses partisans, Yacouba Koné n’avait pas d’autre choix que d’adhérer à la proposition du préfet de retirer séance tenante sa pétition.
A Koutiala, Gaoussou Sanogo a subi une déroute similaire. Ses partisans l’ont lâché dans la salle et le président de l’Union secteur de Koutiala a porté l’estocade en indiquant que le frondeur, originaire de la commune rurale de Sinsina, avait été le seul à dénoncer le changement à la tête de l’organisation paysanne. Le maire de la commune rurale de Zangasso, Souleymane Sanogo, a été encore plus sévère en indiquant que Gaoussou Sanogo avait usé de procédés susceptibles de l’amener devant les tribunaux pour faux et usage de faux. En effet, l’édile s’est étonné de trouver son propre nom sur la liste des pétitionnaires, mais sans signature apposée en face. Trois tons villageois figurent, à leur insu, sur la liste. Le maire a révélé que, selon ses investigations, les listes de présence des réunions mensuelles des associations de producteurs de coton de la zone ont été prises, photocopiées et annexées à la pétition pour être présentées come les listes de contestataires.
D’autres accusations accablantes ont été portées par le président de l’Union communale des sociétés coopératives de la commune de Zangasso, Kalifa Coulibaly, l’animateur de l’ONG IFDC, Mamadou Daou ou Tahirou Dembélé, président de l’Union locale de Zébala. Devant l’avalanche des mises au point, Gaoussou Sanogo, qui s’acharnait à faire de la résistance, a été lâché par ses partisans de la commune rurale de Sinsina qui ont adhéré séance tenante au changement et décidé de renoncer à toute pétition. Les éclaircissements survenus à Kadiolo et à Koutiala se répéteront dans les autres filiales que la mission visitera samedi dans la Filiale Centre de Fana (Markacoungo) et dimanche dans la Filiale Ouest de Kita (Kokofata).
M. COULIBALY
SOURCE / ESSOR