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Gestion ténébreuse du PADEL-Mali : Plus de 400 millions FCFA grugés

La vérification financière du  Projet d’Appui au Développement du Secteur de l’Elevage au Mali (PADEL-M) au titre des exercices 2019, 2020, 2021, 2022 et 2023 (1er semestre) a estomaqué plus d’un observateur. Décidément, la gestion de cette structure étatique est comparable à celle d’une épicerie.

En effet, cette vérification a eu pour objectif de s’assurer de la régularité et de la sincérité des opérations de recettes et de dépenses. Les travaux de vérification ont porté sur les procédures de passation, d’exécution et de règlement des marchés, la mise en œuvre des microprojets et des partenariats productifs et les dépenses de fonctionnement.

Le PADEL-M s’inscrit dans le cadre de la Politique Nationale de Développement Agricole (PNDA) de 2013 issue elle-même de la Loi d’Orientation Agricole de 2006. Son objectif est d’améliorer la productivité et la commercialisation des produits d’origine animale issus de systèmes non pastoraux dans les filières sélectionnées (bétail/viande, lait, aviculture et aquaculture) et de renforcer les capacités du pays à répondre aux crises ou urgences éligibles. Le projet couvre le territoire national et devrait bénéficier à environ 340 000 éleveurs, petits opérateurs et entreprises du secteur de l’élevage, notamment aux ménages et opérateurs pratiquant l’aviculture et la pisciculture, dont 30% sont des femmes et 30 % des jeunes (âgés de 15 à 40 ans). Il est articulé autour de trois (3) composantes interdépendantes, conçues pour éliminer les contraintes et tenir compte de l’ordre de priorités : (I) amélioration de la qualité des services d’élevage et de l’accès des éleveurs à ces services ; (II) développement de l’accès aux marchés grâce à la promotion de l’investissement privé dans les activités de production, de transformation et de commercialisation ; et (III) prévention et gestion des crises, appui institutionnel et coordination du projet.

La mission de vérification au PADEL-M a mis en exergue des irrégularités administratives et des irrégularités financières.

Irrégularités administratives

Au nombre des dysfonctionnements de contrôle interne, l’équipe de vérification a constaté la non-soumission de marchés à l’approbation de l’autorité de tutelle, l’exécution de marchés sans la garantie de bonne exécution, la réception des marchés par des commissions non conformes, l’absence d’expression de besoins ainsi que la non-tenue des documents financiers et administratifs.

Afin de corriger ces dysfonctionnements, l’équipe de vérification a formulé des recommandations dont la mise en œuvre diligente permettra de lever ou d’atténuer les lacunes constatées.

Elle a ainsi demandé au Coordinateur national du PADEL-M, Dr Moussa Coulibaly de soumettre tous les marchés dont le seuil l’exige à l’approbation du Ministre de tutelle ; d’exiger des titulaires des marchés la fourniture de la caution de bonne exécution avant tout paiement ; de mettre en place des Commissions de réception des marchés conformément à la réglementation en vigueur et de conclure les marchés sur la base d’expressions de besoins formelles.

Le Responsable Administratif et Financier du PADEL-M doit exiger des titulaires des marchés la fourniture de la caution de bonne exécution avant tout paiement et exiger des promoteurs des microprojets et de partenariats productifs la tenue de tous documents financiers et comptables requis.

Irrégularités financières

La vérification du PADEL-M a relevé des irrégularités financières d’un montant total de plus de 402 millions FCFA (402 425 866F).

Elles portent sur la non-application des pénalités sur des marchés dont l’exécution a accusé du retard ; la réception sans réserve d’un marché non entièrement exécuté ; le paiement de la totalité de marchés partiellement exécutés ; la non-retenue de l’Impôt sur les Bénéfices Industriels et Commerciaux ; la conclusion de marchés avec des Taxes sur la Valeur Ajoutée indues ; le paiement irrégulier d’un marché ; le paiement de droits d’enregistrement et de redevances de régulation indus à des titulaires de marché ; le non-paiement de la redevance de régulation ; l’autorisation de l’augmentation irrégulière de l’offre d’un soumissionnaire ; le paiement d’un marché non enregistré et le paiement de missions irrégulières.

D’embrouilles en magouilles

Décidément la gestion du Projet d’Appui au Développement du Secteur de l’Elevage au Mali frise le dol. Le Responsable Administratif et Financier du Projet  n’a pas reversé les produits issus de la vente des DAO au cours de la période sous revue.  Il a vendu 116 dossiers pour un montant total de 5 800 000 FCFA pour lequel il n’a pu fournir aucune preuve de reversement au Trésor Public.

Le Coordinateur national du PADEL-Mali,  Dr Moussa Coulibaly et le Responsable Administratif et Financier ont payé la totalité de cinq (5) marchés qui ont été partiellement exécutés. Le montant total payé pour ces fournitures non livrées et les travaux non exécutés s’élève à  65 260 667 FCFA. Par la suite, l’équipe de vérification a constaté que le Coordinateur national du PADEL-M, Dr Moussa Coulibaly et le Responsable Administratif et Financier ont conclu des marchés avec des TVA indues.  Ils ont conclu 23 marchés pour un montant total de 168 599 498 FCFA de TVA indues payées puisque les matériels et équipements achetés sont exonérés ou imposables à taux réduits. Il s’agit de marchés d’acquisition de vaccins, de matériels informatiques, d’équipements sanitaire, animal et solaire et des prestations relatives à la composition et l’impression des écrits périodiques. Et comme si, cela ne suffisait pas, le Coordinateur national et le Responsable Administratif et Financier du PADEL-M ont procédé au paiement irrégulier d’un marché. Ils ont payé un montant de 21 750 000 FCFA au titre de dépenses de 90 tonnes  de semences de maïs en lieu et place de la fourniture et du transport de semences, de boutures et d’éclats de souches de diverses espèces/variétés d’herbacées et de ligneuses pour les travaux de restauration des pâturages exondés et des bourgoutières, objet du marché. De plus, le paiement a été effectué sur la base d’un bordereau de livraison au lieu d’un procès-verbal de réception. Enfin, le marché mis à la disposition de l’équipe de vérification n’a pas fait l’objet de numérotation et d’avis juridique de la Direction du projet.

Plus grave, l’équipe de vérification a constaté que le Coordinateur national, Dr Moussa Coulibaly et le Responsable Administratif et Financier du PADEL-M ont indûment payé les droits d’enregistrement et de redevance de régulation de deux marchés. En effet, ils ont payé aux titulaires desdits marchés les droits d’enregistrements et les redevances de régulation figurant sur les factures présentées en sus des montants des marchés. Le montant total des droits d’enregistrement et de redevances de régulation indument payé aux titulaires est de 3 558 520 FCFA.

Au même moment, le Coordinateur national, Dr Moussa Coulibaly et le Responsable Administratif et Financier du PADEL-M ont payé dix marchés sur lesquels la redevance de régulation n’a pas fait l’objet de recouvrement. Le montant total de la redevance de régulation non recouvrée au cours de la période sous revue s’élève à 1 684 425 FCFA. Et ce n’est pas tout. Loin s’en faut.

Le Coordinateur national et le Spécialiste de Passation des Marchés du PADEL-M ont autorisé une augmentation irrégulière du montant de l’offre d’un soumissionnaire. Dans le cadre du n°002100/CPMP/MDR/2023 du 6 juin 2023 relatif à l’acquisition de matériels informatiques pour le renforcement du dispositif de prévention et de la mitigation de risque genre au compte du PADEL-M, ils ont permis à un soumissionnaire de substituer sa proposition financière initiale d’un montant de 9 975 000 FCFA par une autre proposition financière d’un montant de 14 700 000 FCFA. Cette seconde proposition a consisté à majorer les prix unitaires des équipements alors que les quantités et les spécifications techniques initiales n’ont pas été modifiées. Le marché lui a ainsi été attribué et payé pour un montant de 14 700 000 FCFA au lieu de 9 750 000 FCFA, soit une majoration irrégulière de 4 725 000 FCFA.

Pire, le Coordinateur national, Docteur Moussa Coulibaly et le Responsable Administratif et Financier du PADEL-M ont payé un (1) marché qui ne comporte pas la mention de paiement des droits d’enregistrement. Il s’agit du Marché n°001154/CPMP/MDR/2023 du 24 avril 2023 relatif à l’équipement de trois (3) CSREF en incinérateurs et équipements de protection au compte du PADEL-M. Le montant du droit d’enregistrement non payé s’élève à 833 898 FCFA.

Et comble de la mauvaise gestion du PADEL-M, le Coordinateur national et le Responsable Administratif et Financier ont payé irrégulièrement des dépenses de trois missions dont une relative à l’appui à l’organisation des ventes promotionnelles des moutons de Tabaski dans les régions du Mali et le District de Bamako et deux relatives à l’appui aux démonstrations et au suivi des CEP bétail/viande, lait, aviculture et aquaculture qui sont entachées de plusieurs irrégularités qui remettent en cause leur effectivité.  Le montant total de l’irrégularité s’élève à 54 700 000 FCFA.

Il s’agit des irrégularités ci-dessous : a) Appui à l’organisation des ventes promotionnelles des moutons de Tabaski dans les régions du Mali et le District de Bamako pour un montant total de dépenses de 20 900 000 FCFA : – il n’existe pas un ordre de mission au nom du financier devant accompagner la mission ; – aucune fiche de justification des frais n’a été établie ; – le Président de la Fédération Nationale des Groupements Professionnelles de la Filière Bétail Viande au Mali (FEBEVIM) a attesté, par écrit, que six (6) personnes mentionnées sur les ordres de mission comme participants à la mission au nom de sa structure ne sont pas répertoriées dans les registres de la Fédération. S’y ajoute, l’absence du visa du contrôle financier.

En bloc, les irrégularités financières commises au PADEL-M se chiffrent à plus de 402 millions de francs CFA.

Du coup, les faits relevés dans le rapport de vérification et qui sont susceptibles de constituer des infractions à la loi pénale et à la législation budgétaire et financière concernant ces irrégularités financières ont été dénoncés au Procureur de la République chargé du Pôle National Economique et Financier et transmis au Président de la Section des Comptes de la Cour Suprême.

Ces irrégularités ont trait à la non-application des pénalités sur des marchés dont l’exécution a accusé du retard pour un montant de 54 165 881 FCFA ; à la réception sans réserve d’un marché non entièrement exécuté pour un montant de 20 025 000 FCFA ; au paiement de la totalité de marchés partiellement exécutés pour un montant de 65 260 667 FCFA ;  à la non-retenue de l’Impôt sur les Bénéfices Industriels et Commerciaux pour un montant de 7 122 977 FCFA ;  à la conclusion de marchés avec des Taxes sur la Valeur Ajoutée indues pour un montant de 168 599 498 FCFA ; – au paiement irrégulier d’un marché pour un montant de 21 750 000 FCFA ; au paiement de droits d’enregistrement et de redevances de régulation indus à des titulaires de marché pour un montant total de 3 558 520 FCFA ;  au non-paiement de la redevance régulation pour un montant de 1 684 425 FCFA ;  à l’autorisation de l’augmentation irrégulière de l’offre d’un soumissionnaire pour un montant de 4 725 000 FCFA ; au paiement d’un marché non-enregistré pour un montant de 833 898 FCFA ; et au paiement de missions irrégulières pour un montant de 54 700 000 FCFA.

Cyrille Coulibaly

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