Le Mali est arrêté. Le climat social et économique est tendu. La réalité à Bamako se traduit par le blocage de l’activité économique à tous les niveaux. Du grand marché à un atelier de soudure au quartier de l’Hippodrome, le constat est presque le même : la morosité. D’où la colère des Maliens qui expriment leur grosse déception au sujet de la gouvernance actuelle du pays. Reportage.
Dans cette détresse générale, des doigts accusateurs sont pointés sur le régime en place qui, dit-on, avait égrené des promesses à l’adresse des populations. Or, après sept mois d’exercice du pouvoir, « Rien ne se fait concrètement» pour tourner la page sombre du coup d’Etat avec son cortège de malheur. Aucune catégorie socioprofessionnelle n’est épargnée, à en croire Seydou Mallé. Cet enseignant à la retraite, devenu commerçant, estime, en effet, que les préoccupations du président Ibrahim Boubacar Keïta se résument au bien être de sa personne, de sa famille et de ses amis. Pourtant, Ibrahim prétendait n’être aucunement lié à aucun club. Au dire de l’enseignant, « Le Mali d’abord est devenu Ma famille d’abord. Le combat contre la corruption, annoncé pendant la campagne, n’a été qu’un coup d’épée dans l’eau, avec des enquêtes judiciaires qui tâtonnent à cause de la cacophonie entre les magistrats et le département de tutelle ». Aussi, IBK était perçu comme le seul capable de gérer la crise du nord. « On se rappelle, encore, de sa déclaration : moi IBK Président de la République, aucun bandit ne marchera sur le Mali». Et quant est-il aujourd’hui ? S’interroge le vieux.
Des propos soutenus par A. Coulibaly qui affirme avoir du mal à décrire la situation actuelle. Un calvaire digne du nom, tant ses activités de revendeurs de pièces détaches vont mal. Selon lui, les promesses d’IBK étaient de simples promesses électoralistes. « En tout cas, jusque là, on arrive pas à cerner le sens de ses efforts. A part des déclarations guerrières, il n’y a rien qui puisse rassurer les Maliens » confie notre interlocuteur.
Pour sa part, B. Dougnon, gardien, se dit désemparé. Au-delà des conditions des populations qui ne s’améliorent guère, Dougnon indique que le dossier du Nord-Mali est loin de connaître l’issue que les Maliens entrevoyaient en élisant Ibrahim Boubacar Kéita à la magistrature suprême. « Plus de six mois après son installation, le régime semble noyé entre les différentes équations qu’il faudrait pour résoudre le problème. Et IBK, qui pourfendait quotidiennement ATT sur ce dossier, ne semble pas mieux faire que ce dernier ».
Du côté des transporteurs, l’ambiance n’est pas à la fête. Nombreux sont-ils à penser que leur situation actuelle est plus ou moins la copie de celle qui prévalait en 2012. Dans ce milieu, on avait applaudi des deux mains l’élection du président, en se disait, avoir trouvé le leader idéal et soucieux des aspirations de son peuple. Mais aujourd’hui la réalité oblige les uns et les autres à apprécier, à sa juste valeur, les faits de l’homme. Boubacar Coulibaly, chauffeur de taxi, ne s’explique pas la persistance de la crise qu’il avait, pourtant, arrangé dans ses mauvais souvenirs dès l’accession de son idole au pouvoir (IBK). « Avec ses idées novatrices, il avait laissé planer l’idée d’une rupture. Mais personnellement, je ne sens pas le changement. La morosité qui prévaut actuellement sur le marché n’est autre que le reflet de l’état de pauvreté des clients » dit-il. Ce n’est pas les soudeurs qui infirment les propos du Taximan. En effet, Amadou Traoré, que nous avons rencontré dans son atelier au quartier de l’Hippodrome, estime qu’il est temps de rappeler aux autorités que « redonner au Mali sa fierté d’antan passe par la relance économique ».
Aussi, ça grince des dents du côté des agents de santé. Pour A Konaté, en service dans un Cscom, les actes posés ces derniers mois en matière de gestion du pouvoir ont démontré tout le contraire de ce que cet homme affirmait partout haut et fort. Ainsi, notre Président a fini par démontrer à la face du monde que rien ne le différencie des autres chefs d’État, qui, dit-on, ont habitué l’opinion à une gestion laxiste, clientéliste, teintée de népotisme…
De façon globale, un malaise général s’installe à Bamako. Et si « le capitaine du bateau Mali » ne change pas de méthodes, ce malaise pourrait prendre une autre allure.
Issa B Dembélé