Dans un rapport accablant publié en avril 2025, le Bureau du Vérificateur Général du Mali (BVG) dresse un tableau préoccupant de la gestion administrative et financière de l’Ambassade du Mali à Accra (Ghana), couvrant les exercices 2021 à 2024. Ce document met en lumière une série de dysfonctionnements majeurs, révélateurs d’un système à bout de souffle et d’une diplomatie malienne mal encadrée à l’extérieur.
Un audit attendu, une réalité déconcertante
Bamada.net-Jusqu’à cette vérification, la mission diplomatique de la République du Mali à Accra n’avait jamais été auditée par le BVG. Pourtant, son rôle stratégique dans la sous-région – avec juridiction sur le Ghana, le Bénin, le Togo et la BOAD – rendait cet exercice indispensable.
Durant la période auditée, plus de 1,8 milliard de FCFA ont transité par l’Ambassade. Pourtant, selon le rapport du BVG, près de 61 millions de FCFA d’irrégularités financières ont été relevés, dont 36,6 millions demeurent non régularisés à ce jour.
Administrativement, un laisser-aller inquiétant
Parmi les constats les plus préoccupants, le manque de suivi de l’installation et du rapatriement du personnel diplomatique nommé ou relevé. Le rapport cite des diplomates ayant continué à percevoir des salaires et avantages plusieurs mois, voire années, après la fin officielle de leurs fonctions.
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En outre, l’Ambassade ne dispose toujours pas de manuel de procédures internes, en violation des instructions du Premier ministre. Cette lacune favorise une exécution arbitraire et inefficace des tâches, notamment dans le traitement des visas, non tracé dans un système formel.
Finances publiques : entre irrégularités et négligences
La gestion comptable de l’Ambassade soulève également de graves inquiétudes. Le Secrétaire Agent Comptable (SAC) ne procède pas aux rapprochements bancaires réguliers, une négligence qui compromet la transparence et l’exactitude des écritures financières. Pire encore, plusieurs comptes bancaires ont été ouverts sans autorisation du ministère des Finances.
Des paiements ont été effectués sans Attestation de Service Fait, en violation des règles de la comptabilité publique. Le plafond autorisé pour la caisse a été dépassé à maintes reprises, atteignant jusqu’à 3,7 millions de FCFA, soit quinze fois le seuil réglementaire.
Des irrégularités financières lourdes de conséquences
Parmi les faits les plus graves dénoncés par le BVG figurent :
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Le non-reversement de 17,2 millions FCFA de recettes consulaires au Trésor ;
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Le paiement indu de 1,9 million FCFA en frais médicaux à des diplomates pourtant assurés ;
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Le non-reversement de 17,4 millions FCFA correspondant à des surplus de salaires injustifiés ;
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La disparition de quittanciers officiels, sans justification.
Ces faits ont été signalés au Président de la Section des Comptes de la Cour Suprême et au Procureur du Pôle économique et financier, ouvrant potentiellement la voie à des poursuites judiciaires.
Une image de l’État écornée à l’étranger
Les ambassades sont censées incarner la République, porter haut les couleurs du Mali et refléter une image d’intégrité et de rigueur. Ce rapport jette une ombre sur la diplomatie malienne et soulève des questions sur le suivi, par les autorités centrales, des représentations à l’étranger.
Le BVG recommande, entre autres, un encadrement strict des processus de nomination et de rapatriement des diplomates, la mise en place de manuels de procédures, et une réforme en profondeur de la gestion financière des missions diplomatiques.
Quelle suite donner ?
Face à ces révélations, le silence du Ministère des Affaires Étrangères, noté dans le rapport comme n’ayant pas réagi aux constats formulés, interroge. Les Maliens sont en droit d’attendre une réponse forte, un signal clair de la volonté de rétablir l’ordre et la redevabilité au sein de la diplomatie nationale.
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Fatoumata Bintou Y
Source: Bamada.net