La polémique explosive sur les origines du président gabonais Ali Bongo Ondimba continue de déchirer le Gabon où les autorités sont de plus en plus contestées. Pour Désiré Ename, journaliste et directeur de publication du journal gabonais « Echos du Nord », il s’agit avant tout d’un débat juridique.
Le débat sur l’authenticité du document de naissance d’Ali Bongo embrase les juridictions gabonaises depuis le 13 Novembre 2014. Réagissant aux révélations de Pierre Péan dans « Nouvelles Affaires Africaines : mensonges et pillages au Gabon », les membres du Font uni de l’opposition (FRONT) ont demandé au juge du civil de clarifier la nature de l’acte naissance présenté par Ali Bongo pour se porter candidats aux élections présidentielles de 2009.
Un faux acte de naissance
Pour ce faire, ils s’appuient sur le code de procédure civile en ses articles « 163, 171 et les suivants ». Le juge du civil est alors appelé à examiner et à statuer dans les délais prescrits par la loi, sur cette requête aux fins de « constater », que cet « acte de naissance contient en ses dispositions fondamentales des énonciations fausses » et de le « déclarer nul et de nul effet.» Luc Bengone Nsi, porte-voix de cette démarche, va exposer « qu’un faux acte de naissance a été remis à plusieurs administrations, notamment à la Commission Electorale Nationale Autonome et Permanente.
L’acte de naissance énonce d’une part que Monsieur Ali Bongo est né le 9 février 1959 à Brazzaville. Toutes les personnes nées avant 1960 ont été, pour l’Afrique Centrale, enregistrées dans l’administration de l’Afrique Equatoriale Française. L’Etat-civil de cette administration se trouve à Nantes en France. Or, les services de Nantes disent ne pas avoir enregistré la naissance de Monsieur Ali Bongo. Voilà le fond de la saisine. La démarche de l’opposition, se fonde sur le droit et le respect des dispositions juridiques. Mais le juge du civil engage une fuite en avant en se déclarant incompétent.
Retour sur l’année de l’élection présidentielle anticipée 2009. Le 29 Mai, la mairie du troisième arrondissement de Libreville, que dirige Serge Williams Akassaga, établit un acte de naissance à Monsieur Ali Bongo Ondimba, ministre de la Défense à cette période. Cette mairie est contrôlée par le Centre des libéraux réformateurs (CLR), la formation de Jean Boniface Assélé, frère de Joséphine Kama dit Patience Dabany de son nom d’artiste, la mère d’Ali Bongo. Seulement, cette mairie n’est pas habilitée à procéder aux transcriptions d’acte de naissance pour des personnes nées hors du Gabon. Car un mois auparavant, vers fin avril, Ali Bongo et sa mère étaient sortis du bois pour déclarer qu’il était né à Brazzaville. Ainsi, pour les transcriptions, seule la mairie du 1er arrondissement de Libreville a cette mission soutenue par une délibération du Conseil municipal de Libreville et un décret du président de la République. C’est là une des anomalies liées à ce document. Il y en a d’autres : des erreurs de patronymes par exemple.
Un débat de droit
Lors du contentieux électoral, en octobre 2009, le problème des origines d’Ali Bongo, est posé à la lumière de l’alinéa 4 de l’article 10 de la Constitution gabonaise. Cet article dispose que « toute personne ayant acquis la nationalité gabonaise ne peut se présenter comme candidat à la Présidence de la République. Seule sa descendance ayant demeuré sans discontinuité au Gabon le peut, à partir de la quatrième génération. » Cette disposition est introduite par feu Omar Bongo Ondimba dans la foulée des multiples modifications constitutionnelles entre 1968 et août 2005, la dernière de son vivant. Elle ne sera pas modifiée par Ali Bongo Ondimba lorsqu’il retouche la constitution en décembre 2010.
C’est donc à la lumière de cet article d’abord, que, malgré sa naissance à l’étranger (Brazzaville) comme il l’a affirmé en avril 2009 alors que personne ne menait de débat sur ses origines, Ali Bongo doit justifier sa filiation avec Omar Bongo Ondimba. Ensuite à la lumière de l’article 42 de la Loi N° 37/98 du 20 juillet 1999, portant code de la nationalité gabonaise. Cet article contient la disposition suivante en son alinéa premier : « La charge de la preuve, en matière de nationalité gabonaise, incombe à celui dont la nationalité est en cause. » C’est sans équivoque. Le président de la Cour constitutionnelle, Marie Madeleine Mborantsuo, mère de deux enfants de sa liaison avec Omar Bongo Ondimba, va délibérément s’asseoir sur cette disposition en demandant à Monsieur Luc Bengone Nsi d’apporter la preuve de ses allégations en octobre 2009.
C’est dire que le débat autour des origines d’Ali Bongo Ondimba est loin de la xénophobie et la haine dont il accuse son opposition. C’est un débat de Droit et du respect de la Constitution dont il est le garant. Il consiste pour les juridictions gabonaises, à la lumière des lois de ce pays, de se prononcer sur l’authenticité de ses documents de naissance. Et pour ce dernier de dire devant la Haute cour de Justice qu’il n’a pas commis un parjure en prêtant serment le 16 Octobre 2009.
Que l’on se souvienne du président Barack Obama suspecté par la droite radicale américaine (Tea Party) d’avoir menti sur le lieu de sa naissance. Au nom du respect de la Constitution de son pays et de son serment sur la Bible, il fit commettre une commission qui s’était rendu à Hawaï, lieu de sa naissance. Celle-ci établit avec clarté l’authenticité de sa nationalité américaine, de par sa naissance sur le territoire américain.
Depuis, Ali Bongo multiplie des opérations de communication contre son opposition et de vaines justifications par la production d’autres faux comme cette déclaration de naissance publiée par Le Monde.fr, sortie d’on ne sait où.
Pourtant, les archives de Nantes sont intactes. Pourquoi Ali Bongo Ondimba n’y a-t-il pas recours au lieu d’utiliser l’argument, au demeurant spécieux, de la xénophobie et de la haine ?