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Gabon : les ministres sommes de passer leurs vacances auprès du peuple

Les ministres gabonais se voient contraints de passer leurs vacances sur le territoire national, dans leurs localités d’origine, pour se rapprocher des réalités quotidiennes de leurs concitoyens. Cette directive, émise par le président de la Transition, Brice Oligui Nguema, vise à les impliquer davantage dans la vie du pays, loin des conforts habituels.

Il y a quelque chose d’intrinsèquement ironique, dans cette nouvelle consigne adressée aux ministres gabonais par le président de la Transition, Brice Oligui Nguema. Alors que la plupart des gens voient les vacances comme une occasion de s’échapper, de mettre de la distance entre eux et leurs responsabilités, d’aller explorer de nouveaux horizons ou simplement de se détendre loin du quotidien, les ministres du Gabon, eux, se voient assignés à résidence. Non seulement ils doivent rester dans le pays, mais ils sont expressément invités à passer leurs congés dans leurs localités d’origine, au plus près de la population.

Une certaine dose de cynisme

Le message est clair : pas de plages exotiques, de montagnes fraîches ou de capitales culturelles pour ces dirigeants. Pas de farniente sous les palmiers ni de découvertes gastronomiques dans des pays lointains. Au lieu de cela, ils devront se plonger dans la réalité brute de leur propre pays, écouter les doléances de leurs concitoyens, et s’imprégner des conditions de vie locales. En théorie, cela semble être une initiative louable, un effort pour rapprocher les dirigeants de ceux qu’ils gouvernent. Après tout, quoi de mieux pour un ministre que de passer ses vacances à « écouter les doléances » des habitants, à ressentir directement le pouls de la nation, loin des bureaux climatisés et des réunions feutrées de la capitale ?

Mais à bien y réfléchir, cette directive cache une certaine dose de cynisme. Car, soyons honnêtes, les vacances sont habituellement un temps de repos, un moment pour se ressourcer, pour se déconnecter du stress et des responsabilités. Imaginer un ministre, habitué aux conforts de la vie officielle, se retrouver à passer ses journées à écouter les plaintes des citoyens, à constater de visu les routes en mauvais état, les écoles en ruine, ou les dispensaires sous-équipés, a quelque chose de paradoxal. C’est un peu comme si, pour une semaine, ces dirigeants étaient sommés de quitter leurs habits de décideurs pour endosser ceux de citoyens ordinaires, immergés dans la réalité parfois crue du pays.

Le retour à la réalité dorée du pouvoir est imminent

Cette directive pourrait prêter à sourire si elle n’était pas également empreinte d’une certaine gravité. Car la question sérieuse qui se pose est la suivante : est-ce vraiment de cette manière que l’on peut rapprocher les dirigeants de leurs administrés ? Les quelques jours que ces ministres passeront sur le terrain suffiront-ils à leur donner une idée réelle des défis quotidiens auxquels sont confrontés les Gabonais ? Ou bien cette directive ne sera-t-elle qu’un exercice de communication, une simple mise en scène destinée à montrer que le gouvernement se soucie du peuple, tout en sachant pertinemment que le retour à la réalité dorée du pouvoir est imminent ?

Il y a un risque non négligeable que ces quelques jours de « vacances » soient perçus par les ministres comme une simple formalité, une corvée imposée par la nouvelle ligne de conduite du président de la Transition. Après tout, combien d’entre eux vont vraiment s’immerger dans la réalité quotidienne de leurs concitoyens, se confronter aux difficultés qu’ils rencontrent chaque jour, et revenir avec des solutions concrètes et applicables ? Et combien, au contraire, vont se contenter de faire acte de présence, avant de retourner rapidement à leurs bureaux où l’air est plus frais et les préoccupations plus distantes ?

Une goutte d’eau dans l’océan des défis

La distance entre les élites politiques et les réalités vécues par la majorité de la population est souvent abyssale. C’est une distance que l’on tente, pour une semaine au moins, de combler, sans vraiment y croire. Car même si ces vacances forcées sur le territoire national peuvent sembler être une bonne idée sur le papier, elles ne régleront pas les problèmes structurels qui minent la gouvernance et l’administration publique.

Il ne suffit pas de passer quelques jours dans une localité pour comprendre et résoudre les problèmes qui s’y posent. Les vraies solutions demandent un engagement de long terme, une présence continue sur le terrain, et surtout une volonté politique de transformer les réalités locales. Or, cette volonté ne peut pas naître d’une semaine de vacances, aussi bien intentionnée soit-elle.

Au final, cette initiative risque de n’être qu’une goutte d’eau dans l’océan des défis auxquels fait face le Gabon. Les ministres, après avoir respecté la lettre de la consigne, repartiront-ils avec une nouvelle empathie pour les difficultés de leurs concitoyens ? C’est peu probable. Une fois les caméras éteintes, l’avion pour des destinations plus confortables reprendra son cours, et les véritables vacances commenceront pour certains. En attendant, le peuple, lui, continuera de vivre dans les mêmes conditions, avec ou sans la visite temporaire de ses dirigeants.

Chiencoro Diarra 

saheltribune
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