Le lundi 28 et le mardi 29 avril derniers, de violents affrontements ont opposé les forces de l’ordre aux habitants du quartiers N’Tomikorobougou. Ces manifestations qui se sont soldées par plusieurs interpellations, ont été occasionnées par la présence dans le quartier d’une dame dont l’activité était devenue insupportable pour les habitants.
Les populations de N’Tomikorobougou ne supportent, visiblement, plus la présence dans le quartier de Jinètigui Sitan, une dame qui s’est faite une notoriété dans l’organisation de manifestation appelée «Jinè Tolongès » ou la danse des «Jinns. Ce qui lui a valu, elle même le titre de «Jinètigui » (personne qui possède des Jinns).
Il faut dire que depuis son installation à N’Tomikorobougou, suite à la violente fronde qui l’a fait partir, il y a quelques années de cela du quartier Sébénincoro où elle s’est attirée l’inimité des populations à cause de son activité considérée comme contraire aux bonnes mœurs (homosexualité, vendeurs de stupéfiants…), Jinètigui Sita, a réussi son implantation dans son nouveau quartier d’accueil, N’Tomikorobougou où elle s’est attachée les services d’un groupe de jeunes chargés de sa sécurité contre espèces sonnantes et trébuchantes.
Avant de commencer à exercer son activité (des soirées de danses nocturnes au son du tam-tam), elle sollicite et obtient une autorisation auprès des autorités communales. Une manière pour elle certainement de mieux assurer ses arrières, surtout après ce qu’elle a vécu à l’Hyprodrome puis à Sébénincoro où elle fut chassée comme une mal propre.
Pour ne pas perturber le repos des populations, la mairie lui aurait donné une autorisation, mais pour dans la tranche d’heure allant de 14h à 19h. Alors que le souhait de Jinètigui Sitan était de pouvoir continuer ses animations une bonne partie de la nuit…
Expédition punitive contre tout un quartier
Une réalité qui est connue de tous dans le quartier, c’est l’argent qui circule à profusion dans ce milieu où le réel se mêle à l’irréel et le légal à l’illégal. L’aisance financière qu’affiche la dame qui a pignon sur rue dans le quartier, fait que les gens se bousculent à l’entrée des soirées de «Jinè Tolongè ». Dans le lot on dénombrerait de plus en plus de femmes mariées. Ce qui, selon certaines confidences a commencé à irriter certains chefs de famille du quartier qui ont du mal à s’entendre avec leurs épouses, qui ne veulent plus rater ces soirées nocturnes qui se déroulent tard le soir, au flanc de la colline. Très rapidement, ces randonnées nocturnes se sont imposées dans le quartier où les bruits des tam-tams ne s’estompent que très tard la nuit malgré les termes de l’autorisation de la mairie. Une situation qui a fini par révolter les habitants. C’est le lundi 28 avril dernier que tout a explosé. Ce jour, comme un seul homme les jeunes du quartier, très en colère, sont sortis pour exiger le départ de la dame du quartier.
Face à la menace qui pesait sur sa sécurité et ses avoirs (elle s’est fait construire deux somptueuses villas au flanc de la colline), Jinètigui Sitan sollicita les forces de sécurité. Le Groupement mobile de sécurité (Gms) dépêche sur le champ des éléments équipés de tout le dispositif pour contenir le plus violent des mouvements : matraques, gaz lacrymogène…
Pendant plusieurs minutes, les manifestants déchaînés ont tenu tête aux policiers qui ont finalement bénéficié d’un renfort de la gendarmerie. Mais, les habitants de N’Tomikorobougou étaient loin de croire qu’ils allaient vivre une journées singulière. En effet, une fois la foule dispersée, ces policiers du Gms donnent une toute autre orientation à leur mission. Ils décident, en effet, de lancer une expédition punitive contre tous les habitants du quartier. Famille après famille, les policiers, prétextant poursuivre les manifestants, profitent pour tabasser tous ceux qu’ils trouvent sur leur chemin, devant les domiciles ou dans la cour. Certains sont poursuivis jusque dans leur anti-chambre pour recevoir leur part de matraque. Une situation inédite dans le quartier. Profitant de cette confusion, certains agents (qui font la honte de la corporation) ont profité pour commettre dans les familles des actes délictuels, notamment le vol d’argent, de téléphones portables ou de bijoux de valeurs. C’est le cas dans une famille où une dame surprise sur sa peau de prière égrainant son chapelet, a été copieusement tabassée et son porte-monnaie emporté. En sanglot, une autre dame dont le mari était en voyage, raconte son infortune : «Après m’avoir roué de coups de pieds, trois (policiers) sont entrés jusque dans ma chambre intérieure. Ils ont fouillé mes tiroirs et emporté mon fonds de commerce que je garde dans l’un des tiroirs». Bouri Maïga, est un commerçant dont la boutique est située très loin du lieu de la manifestation. Cette distance ne l’a pourtant pas épargné. Sa boutique où plusieurs gaz avaient été jetés, a échappé de très à un incendie.
A tous ceux à qui il raconte sa mésaventure le commerçant ôte son tee-shirt pour faire voir les traces laissées sur sa peau par les coups de matraques. «Ma boutique était devenu noir de fumée. Mais je me suis entreposé entre la caisse et un groupe de policiers dont l’intention était de s’emparer de ses recettes. Ils ont tout tenté pour s’approcher de la caisse, mais je suis resté cramponné sur les abords du comptoir. Finalement ils m’ont donné plusieurs coups de matraque avant de s’en aller», confie t-il.
Pourquoi une telle rage?
Une question que tout le monde se pose, suite à cet évènement malheureux est celle-ci : pourquoi ça? L’on se demande quelle mouche a bien pu piquer ces agents de la police dont la première mission et la plus fondamentale est celle de protéger les citoyens et leurs biens. Dans le quartier certaines raisons sont avancées ça et là. Mais selon une source policière, l’attitude des agents a une explication. Selon lui, les éléments qui étaient partis pour maîtriser la manifestation, ont été mis en colère par les manifestants qui ont enlevés un des leurs, un commissaire de police. En plus de cela, ajoute la même source, un policier qui participe au maintien d’ordre avait été gravement blessé par un lance-pierre utilisé par un manifestant. Le policier, selon notre source, a pris le projectile en pleine gueule, ce qui lui arracha sur le coup une dent, obligeant ses collègues à le conduire très rapidement à l’infirmerie de l’école de police où il fut pris en charge.
Dans tous les cas, cette équipée sanglante des policiers contre tout le quartier de N’Tomikorobougou, ne se justifie pas. Il s’agit à la fois d’un acte barbare et une preuve de l’indiscipline qui caractérise ce corps ces dernières années. Et, ce au moment où les nouvelles autorités entendent apporter l’ordre et la discipline au sein du corps.
L’année dernière, lors de la cérémonie de prestation de ses vœux de nouvel an au personnel et aux forces de sécurité, le chef du département, le Général Sada Samaké, avait fortement insisté sur le professionnalisme des forces de sécurité et la bonne collaboration avec les populations. Les évènements de N’Tomikorobougou et les faits (répréhensibles) reprochés à ces policiers, viennent interpeller le ministre Samaké sur le chemin qui reste à parcourir pour assainir la police, qui va continuer à perdre de son prestige qu’on ne sépare pas le vrai (policier) de l’ivraie.
Papa Sow