En adoptant majoritairement les nouvelles dispositions constitutionnelles qui remettent le mandat présidentiel à cinq ans renouvelable une seule fois, mais qui empêche en même temps aux binationaux de briguer des postes électifs et administratifs importants, le pouvoir algérien essaie d’anticiper sur la problématique de l’après Bouteflika. Ce Président mourant qui incarne, depuis la fin brutale de l’expérience démocratique des années 1990 en Algérie, l’homme providentiel.
Ainsi, faute de lui avoir trouvé un dauphin constitutionnel, la toute puissante classe dirigeante voudrait certainement empêcher tout soulèvement populaire redouté en cas de disparition du Président algérien. Surtout que le pays se trouve actuellement dans la tourmente internationale de la crise économique engendrée par la baisse drastique des prix du pétrole et du gaz. Les principaux revenus d’exportation du pays. Conséquence, la nébuleuse qui dirige l’Algérie depuis son indépendance, est alors contrainte d’anticiper sur les évènements qui pourraient survenir après Bouteflika. Et le nouvel amendement constitutionnel adopté n’est ni plus, ni moins qu’une balise pour sauvegarder le régime.
Les autorités algériennes, tirant les leçons du passé, n’ont certainement pas oublié qu’elles n’ont pu endiguer la vague de soulèvement arabe de 2011 que grâce aux innombrables mannes financières, pétrolière et gazière. Pour ainsi parer à tout soulèvement qui pourrait survenir instamment à cause d’une baisse vertigineuse des prix des hydrocarbures, donc du pouvoir d’achat des Algériens, le pouvoir a bien compris qu’il vaut mieux prévenir que guérir. C’est pourquoi, faute désormais de pouvoir continuer de fournir les services d’un Etat providentiel aux populations, la seule alternative, pour la survie du pouvoir actuel, ne reste que l’offre de l’ouverture politique. D’où l’adoption des réformes constitutionnelles récentes et l’ouverture spontanée des plateaux médiatiques à l’opposition démocratique, pourtant longtemps muselée.
Pour se montrer alors généreux à l’égard de son opposition, le pouvoir nébuleux va jusqu’à organiser à la télévision d’Etat des débats contradictoires qui mettent à contribution, acteurs politiques du pouvoir et de l’opposition. Mais, compte tenu du contexte très marqué de la crise économique et de la problématique que va forcément susciter la succession de Bouteflika, avait-il vraiment le choix ?
La nouvelle donne permettant l’exercice démocratique par l’usage des medias d’Etat, offre en tout cas des opportunités énormes à l’opposition afin qu’elle puisse désormais s’exprimer convenablement avec ses militants. Mais pour que cela ne soit qu’une fenêtre passagère pour la distraire de sa mission, l’opposition algérienne doit plutôt continuer à accentuer la pression sur le pouvoir afin de le contraindre à pérenniser la mission de service public que doivent exercer les médias d’Etat. Une disposition pourtant bien gravée dans la Constitution algérienne de 1996 en vigueur !
Gaoussou M. Traoré
Source: Le Challenger